Vu la requête, enregistrée le 7 février 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Mebrouck X, demeurant ..., par la SCP Delpeyroux ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0206455 en date du 23 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 1996 au 31 mars 1999 et des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la procédure d'imposition est irrégulière en ce que le tableau récapitulatif des redressements soumis à la commission mentionne, à tort pour l'année 1996, une livraison intracommunautaire d'un montant de 600 000 F alors que ce montant concernait l'année 1997 ; que le chiffre d'affaires soumis à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était donc erroné et que le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que cette erreur était de pure forme ; que la commission avait compétence pour apprécier les pièces permettant de justifier la réalité de cette livraison et qu'il a donc été privé d'une garantie lui permettant notamment d'apporter des justificatifs ; que la prescription n'a pu être interrompue par une notification de redressements en date du 14 décembre 1999, qui ne mentionnait pas le prénom de son destinataire et qui a été réceptionnée par son fils ; que, sur le bien-fondé des rappels, le vérificateur n'apporte aucune justification sur les enquêtes qu'il aurait réalisées pour identifier ses fournisseurs et de la régularité de celles-ci ; que le tribunal a commis une erreur dans l'analyse des moyens invoqués relatifs à la taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation alors qu'il n'a jamais été prétendu que la taxe sur la valeur ajoutée ne lui avait pas été remboursée ; qu'en réalité il entend soutenir que cette taxe n'a pas été déduite et donc récupérée par voie d'imputation ; qu'en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire, la justification de la réalité de la livraison intracommunautaire d'une grue résulte de la facture adressée à une société allemande et du règlement effectué par cette société ; qu'il n'a pas assuré le transport de cette grue ; que, s'agissant de dépenses correspondant à des cadeaux offerts à la clientèle, le vérificateur n'a pas indiqué le prix unitaire de chacun des objets ayant fait l'objet de cadeaux, par lesquels la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée a été refusée ; qu'ainsi, le redressement n'est pas motivé ;
.............................................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2008 :
- le rapport de Mme Riou, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que M. X soutient qu'il a été privé d'une garantie procédurale dès lors que le rapport du vérificateur présenté devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires comportait des erreurs ; que si le tableau récapitulatif des redressements soumis à la commission départementale mentionnait, à tort, pour l'année 1996, une livraison intracommunautaire d'un montant de 600 000 F, alors que cette opération concernait en réalité l'année 1997, il résulte toutefois de l'instruction que, tant le rapport du vérificateur que la copie de la facture, soumis à la commission départementale, mentionnaient l'année 1997 ; que, dans ces conditions, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté ; qu'en tout état de cause, cette erreur est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant, en second lieu, que les dispositions du 1º de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales n'attribuent compétence à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, que lorsque le désaccord entre l'administration et le redevable porte sur le montant du chiffre d'affaires ; que si M. X soutient que la commission avait compétence pour connaître du litige qui l'opposait à l'administration fiscale en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée portant sur la livraison intracommunautaire d'une grue à un fournisseur allemand, il résulte toutefois de l'instruction que le litige l'opposant à l'administration portait en réalité sur le principe même de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ce bien au regard des dispositions de l'article 262 ter du code général des impôts ; que, par suite, le moyen invoqué est inopérant ;
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée due au titre des années 1998 et 1999 :
En ce qui concerne la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : « Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 189 du même livre : « La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. (...) » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si la notification de redressements du 14 décembre 1999 ne comportait pas le prénom de M. X, elle mentionnait, sans ambiguïté possible, son nom ainsi que son adresse professionnelle, et est d'ailleurs parvenue à son destinataire ; qu'il n'est pas contesté que le fils du requérant, qui a signé l'accusé de réception postale du pli contenant cette notification, travaillait également dans l'entreprise de son père et qu'il n'est ni établi ni même allégué qu'il n'aurait pas eu qualité pour recevoir ledit pli en son nom ; que, dans ces conditions, nonobstant la circonstance que le fils de M. X n'aurait remis ce pli à son père qu'au mois de janvier 2000 et dès lors que la notification de redressements dont s'agit a été présentée à l'adresse indiquée par le contribuable lui-même, avant l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle la taxe sur la valeur ajoutée pour 1996 était due, la prescription a été valablement interrompue ;
En ce qui concerne les factures fictives :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;
Considérant qu'il résulte de la notification de redressements, d'une part, que le vérificateur a énuméré avec précision les factures et les noms des fournisseurs concernés et a décrit les modalités des recherches effectuées pour vérifier les coordonnées des fournisseurs de M. X, avant de conclure au caractère fictif des achats de services effectués par ce dernier ; que, d'autre part, les résultats de ces recherches ont révélé que les fournisseurs dont s'agit n'avaient aucune existence juridique, que les coordonnées inscrites sur les factures ne correspondaient pas à ces fournisseurs ou étaient très sommaires et que les entreprises concernées n'étaient pas fiscalement connues ; qu'eu égard aux éléments ainsi réunis, l'administration établit que lesdites factures ont été émises par des fournisseurs n'ayant pas d'activité réelle et correspondaient à des prestations fictives ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le vérificateur n'aurait apporté aucune justification sur les enquêtes qu'il avait réalisées pour identifier les fournisseurs de M. X, dont il n'est pas démontré qu'elles seraient irrégulières, ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée sur une livraison intracommunautaire :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts : « I. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...) » ; qu'aux termes de l'article 289 du même code, dans sa rédaction alors applicable : « (...) II. La facture ou le document en tenant lieu doit faire apparaître : (...) 2° les numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée du vendeur et de l'acquéreur pour les livraisons désignées au I de l'article 262 ter et la mention « Exonération TVA, art. 262 ter-I du code général des impôts » (...) » ;
Considérant que l'administration fiscale a refusé à M. X le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par le 1° de l'article 262 ter I du code général des impôts, pour la livraison intra-communautaire d'une grue destinée à un professionnel allemand, dès lors qu'elle estimait que la réalité de cette livraison n'était pas établie ;
Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ; que, s'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l'application des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur ; que les modes de preuve, s'ils peuvent être divers, doivent être appréciés par l'administration au cas par cas et que, si l'administration entend remettre en cause l'authenticité ou la sincérité des documents ainsi produits, il lui appartient d'apporter des indices sérieux de leur caractère fictif ;
Considérant que M. X soutient, d'une part, qu'il apporte la preuve de la réalité de la livraison intra-communautaire dont s'agit, en produisant une facture datée du 10 janvier 1997, relative à la vente d'une grue d'occasion, pour un montant de 600 000 F, à un acquéreur implanté en Allemagne, et, d'autre part, qu'il n'a pas assuré le transport de ladite marchandise ; que, toutefois, la réalité de la livraison de la grue ne peut résulter de la seule production de cette facture, alors qu'il n'est justifié ni du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l'acquéreur, ni du transport effectif de ladite marchandise ; qu'au surplus, M. X ne produit aucun relevé bancaire confirmant le versement du prix mentionné sur la facture ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que cette vente ne pouvait constituer une livraison intracommunautaire exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée au sens des dispositions précitées du code général des impôts ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation :
Considérant que le requérant fait valoir qu'il n'a jamais procédé à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur les factures émises par ses fournisseurs X SARL et SCI Bellevue, ni par voie d'imputation ni par voie de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'il ne s'était pas acquitté du paiement de ces factures ; que toutefois, l'administration soutient sans être contredite que M. X inscrivait en comptabilité la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures de fournisseurs dès la réception de ces factures, avant même leur règlement, et que les déclarations modèle CA3 déposées par l'intéressé au titre de la période en litige révélaient que la taxe sur la valeur ajoutée d'amont était prématurément déduite ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a procédé aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation sur les factures en cause ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée portant sur des cadeaux à la clientèle :
Considérant qu'aux termes de l'article 238 de l'annexe II au code général des impôts, applicable à l'imposition en litige : « N'est pas déductible la taxe ayant grevé : 1° des biens cédés sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal, notamment à titre de commission, salaire, gratification, rabais, bonification, cadeau, quelle que soit la qualité du bénéficiaire ou la forme de la distribution, sauf quand il s'agit de bien de très faible valeur (...) » ;
Considérant que M. X se borne à soutenir que le vérificateur n'avait pas indiqué le prix unitaire de chacun des biens ayant fait l'objet de cadeaux à la clientèle alors qu'il lui appartenait de produire les factures d'achat de ces biens pour justifier de leur valeur ; que le requérant ne fournit pas davantage ces factures d'achat devant le juge ; que, par suite, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X doivent, dès lors, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
N° 07VE00261 2