Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2006, présentée pour la société BUREAU VERITAS, dont le siège est situé 17 bis place des Reflets à La Défense 2 Courbevoie (92400), par Me Bryden ; la société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0001592 en date du 16 février 2006 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Versailles l'a, d'une part, condamnée conjointement et solidairement avec la société Subex et M. Y à verser au département de l'Essonne la somme globale de 750 164, 25 euros à raison des malfaçons affectant le collège « Camille Claudel » et, d'autre part, l'a condamnée à garantir la société Subex et M. Y à hauteur de 10 % de la somme de 677 459 euros et à hauteur de 30 % de la somme de 72 705 euros ;
2°) de prononcer sa mise hors de cause ;
3°) de condamner toute partie perdante à lui verser une somme de 1 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa responsabilité était engagée en ce qui concerne les désordres ayant affecté le collège Camille Claudel situé à Saint-Pierre-du-Perray dans la mesure où cette responsabilité ne pouvait excéder celle relevant de sa mission de contrôleur technique et ne pouvait être assimilée à celle des autres constructeurs ;
- elle est intervenue dans le cadre et les limites fixées par la loi du 4 janvier 1978 aux termes d'un marché de contrôle technique qui limitait ses interventions à la sécurité des personnes et à la solidité des ouvrages selon des critères définis en annexe au marché ; elle n'était, en revanche, pas compétente pour intervenir sur les éléments d'équipement non indissociablement liés aux ouvrages ; c'est donc à tort que le tribunal a cru devoir lui imputer les désordres affectant la solidité des cloisons des cuisines et des faux plafonds qui entrent dans cette catégorie ;
- il ne lui appartenait pas non plus, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, d'effectuer une surveillance du chantier, ses obligations de contrôle se limitant à effectuer des sondages et à se prononcer sur les choix concernant la conception des ouvrages ;
- elle a assumé son rôle en matière de contrôle de sécurité sur les combles puisqu'elle avait, à plusieurs reprises, attiré l'attention du maître d'ouvrage sur le problème de recoupement du vide existant ; il ne lui appartenait pas, en revanche, de s'assurer de la suite donnée à ses avis ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2008 :
- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,
- les observations de Me Guy-Viénot, représentant la société BUREAU VERITAS, et de Me Puybaret substituant Me Larrieu, représentant M. Lévy,
- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le département de l'Essonne a, par un marché en date du 12 décembre 1989, fait réaliser la construction du collège Camille Claudel situé sur le territoire de la commune de Saint-Pierre-du-Perray ; que la maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à M. Jacques Y, architecte, tandis que la société Subex était chargée du lot « gros oeuvre » et que la société BUREAU VERITAS devait assurer une mission de contrôle technique définie par une convention signée le 26 mai 1989 ; que la réception des travaux a été prononcée le 12 octobre 1990 ; que, par la suite, sont apparus de nombreux désordres affectant l'étanchéité des toitures-terrasses et des façades du collège, la solidité des cloisons de ses cuisines et sanitaires ainsi que les faux plafonds de certaines salles de classe ; qu'il a également été constaté un défaut de conformité des combles ; que la société BUREAU VERITAS relève appel du jugement en date du 16 février 2006 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il l'a déclarée responsable, sur le fondement de la garantie décennale, d'une partie des désordres affectant l'ouvrage ;
S'agissant de la mise en jeu de la responsabilité de la société BUREAU VERITAS :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation : « Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20 » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation de garantie due à l'égard des personnes publiques au titre de la garantie décennale s'impose non seulement aux architectes et aux entrepreneurs mais également aux bureaux de contrôle technique liés au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en application des stipulations de l'article 3 du marché signé le 26 mai 1989, la mission de contrôle technique confiée à la société BUREAU VERITAS portait sur la sécurité des personnes et la solidité des ouvrages, selon des modalités précisées par les annexes A et B dudit marché ; qu'en particulier, la société devait, en application des 1 et 2 de l'article I de l'annexe A, vérifier la capacité des ouvrages à résister aux actions permanentes des agents climatiques et porter son contrôle sur la qualité des ouvrages installés et le bon fonctionnement des installations terminées ; que, de même, en application des 1 et 3 de l'annexe B, la société devait appeler l'attention de la personne publique sur les conséquences fâcheuses d'éventuelles mesures inadéquates de l'entrepreneur lors de l'exécution des travaux et intervenir, à cet effet, sur le chantier ; qu'enfin, la société BUREAU VERITAS ne saurait utilement se référer aux dispositions de l'article III de l'annexe A l'exonérant de toute présomption de responsabilité au titre de ses interventions sur des éléments d'équipement non indissociablement liés aux ouvrages pour demander sa mise hors de cause s'agissant des désordres affectant les cloisons des cuisines et des sanitaires, ainsi que les faux-plafonds des salles de classe du 2ème étage, dès lors que ces éléments, qui participent à la solidité de l'ouvrage, sont indissociablement liés à ce dernier ; que c'est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la société BUREAU VERITAS était susceptible d'être engagée sur le fondement de la garantie décennale ;
S'agissant de la part de responsabilité de la société BUREAU VERITAS :
Considérant que la société BUREAU VERITAS ne conteste pas que les désordres relevés par le tribunal administratif sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs selon les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant que c'est par une juste appréciation de la part de responsabilité incombant à la société BUREAU VERITAS que le tribunal a fixé celle-ci, conformément aux conclusions de l'expert, à 10 % s'agissant des désordres affectant les cloisons de distribution des cuisines et des sanitaires, les faux-plafonds des salles de classe du 2ème étage, les couvertures en bacs acier et la grande verrière ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le vide situé entre le faux-plafond des salles de classe du 2ème étage et la couverture en acier du bâtiment n'était pas, en l'absence de recoupements permettant de limiter la propagation du feu, conforme aux normes de sécurité incendie ; que si la société BUREAU VERITAS avait initialement informé le maitre d'ouvrage de la nécessité de tels équipements au titre de la sécurité incendie, elle a, ainsi que cela ressort de la lecture du rapport final de sécurité des personnes qu'elle a dressé à l'issue des travaux, donné le 4 septembre 1990 un avis conforme en ce qui concerne la sécurité des combles en dépit de l'absence de ces équipements ; qu'il s'est avéré, de surcroît, que la vérification du respect des normes de sécurité électrique n'avait pas été assurée ; que, compte tenu de ces manquements à sa mission en matière de sécurité des locaux, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa responsabilité était, en ce qui concerne ce chef de préjudice, engagée à hauteur de 30 % ;
Sur l'appel incident du département :
Considérant que si le département de l'Essonne demande que la responsabilité de la société BUREAU VERITAS soit étendue à l'ensemble des désordres affectant l'ouvrage, il ressort du rapport de l'expertise que, s'agissant des désordres non pris en compte par le tribunal, l'expert a expressément écarté la responsabilité du contrôleur technique ; que le département de l'Essonne ne critique pas sérieusement l'appréciation portée par l'homme de l'art sur la répartition des responsabilités entre les constructeurs ; que, par suite, les conclusions susvisées du département ne peuvent être accueillies ;
Considérant que l'appel de la société BUREAU VERITAS ne concerne que le principe de sa responsabilité dans la survenance des désordres ; que, par suite, les conclusions du département tendant, par la voie de l'appel incident, à la majoration de l'indemnité allouée par les premiers juges portent sur un litige distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal et sont, dès lors, irrecevables ;
Sur l'appel provoqué de l'architecte :
Considérant que le rejet de l'appel principal de la société BUREAU VERITAS n'aggrave pas la situation de M. Y ; que l'architecte n'est dès lors pas recevable à demander, par la voie de l'appel provoqué, la réformation du jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité au titre de la garantie décennale ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni la société BUREAU VERITAS, ni le département de l'Essonne, ni M. Y ne sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Versailles en date du 16 février 2006 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société BUREAU VERITAS est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident du département de l'Essonne et les conclusions d'appel provoqué de M. Y, ainsi que leurs conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
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N° 06VE00918