Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2006 au greffe de la cour, présentée pour M. Yves X, demeurant ..., par Me Gabizon ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0407164 en date du 23 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000, 2001 et 2002, ainsi que des pénalités correspondantes, à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les sommes litigieuses assorties des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales et à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000, 2001 et 2002, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'analyse du tribunal administratif est dépourvue de fondement dès lors qu'elle ajoute aux termes de la doctrine administrative, à savoir la réponse ministérielle à M. Bénard (Journal Officiel de l'Assemblée Nationale 19 mars 1977, p. 1132, n° 33 935 et Documentation Administrative 5 B-2421, n°74, 1er septembre 1999) en induisant que le contribuable doit être en mesure de rapporter la preuve matérielle de l'affectation des pensions versées pour l'entretien de ses enfants ; que la Cour administrative d'appel de Paris considère que la déduction des pensions pour l'entretien et l'éducation des enfants n'est pas subordonnée à une démonstration au cas par cas de leur affectation mais uniquement au fait que les versements effectués ne présentent pas un caractère excessif eu égard aux ressources respectives des parents ; qu'en l'espèce, la matérialité des versements n'est pas contestable ; que le montant des pensions versées n'apparaît pas déraisonnable ; que le Tribunal de grande instance de Nanterre l'a condamné à verser à Mme Y une somme de 600 € par mois et par enfant, supérieure à celle qui a été déduite ; que le montant des revenus de Mme Y n'est pas disproportionné par rapport à celui des pensions ; que l'importance de ces pensions par rapport au montant de ses revenus professionnels, soit environ 3,18 % pour l'année 2000, 16,72 % pour l'année 2001 et 9,25 % pour l'année 2002 démontrent l'existence d'une adéquation entre le montant absolu des pensions et les besoins des enfants ; que ce montant était en parfaite adéquation avec les habitudes de vie des deux enfants ; qu'il était débiteur d'une obligation d'entretien et d'éducation antérieurement au jugement du Tribunal de grande instance de Versailles ; que les pensions dont il s'est acquitté étaient bien destinées à l'entretien et à l'éducation de ses enfants au sens de l'article 203 du code civil, ce qui en autorise de plein droit la réduction ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2008 :
- le rapport de Mme Jarreau, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a déduit de ses revenus imposables au titre des années 2000, 2001 et 2002 les sommes de 85 000 F (12 958 €), 12 960 € et 12 960 € représentant la pension versée à sa compagne, pour l'entretien de deux de leurs trois enfants mineurs, qu'ils avaient tous deux reconnus ; que par notification de redressement du 14 octobre 2003, l'administration a remis en cause la déduction de cette pension alimentaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : « L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 et 367 du code civil (...) Le contribuable ne peut opérer de déduction pour ses descendants mineurs, sauf pour ses enfants dont il n'a pas la garde (...) » ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que, durant les années en litige, M. X vivait en concubinage avec Mme Y et qu'ils élevaient ensemble leurs trois enfants mineurs, dont les deux enfants déclarés par leur mère comme étant à sa charge ; que M. X doit donc être regardé comme assumant la garde de ces enfants conjointement avec leur mère ; qu'il ne pouvait, de ce fait, en application des dispositions précitées de l'article 156 du code général des impôts, prétendre à la déduction de ses revenus imposables de la pension alimentaire versée à la mère des enfants pour le compte de ces derniers ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Lorsqu'un redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente » ; qu'aux termes de la réponse ministérielle à la question de M. Bénard, député, publiée le 19 mars 1977 (Journal Officiel, débats de l'Assemblée Nationale, p. 1132, n° 33935) : « Les contribuables qui vivent en union libre sont considérés, sur le plan fiscal, comme des célibataires ayant à leur charge les enfants qu'ils ont reconnus. Lorsqu'un enfant a été reconnu par son père et sa mère, il ne peut cependant être compté qu'à la charge d'un seul des parents en vertu du principe selon lequel un enfant ne peut jamais être pris en compte simultanément par plusieurs contribuables. L'autre parent est donc imposable comme célibataire sans charge de famille mais il peut déduire de ses revenus la pension alimentaire qu'il verse pour l'entretien de son enfant. Cette pension doit être incluse dans les revenus du parent qui compte l'enfant à charge pour la détermination du quotient familial. Les autres versements qui seraient intervenus entre les deux parents ne peuvent en aucun cas être pris en considération pour l'établissement de l'impôt, dès lors qu'il n'existe aucune obligation alimentaire entre concubins » ;
Considérant que, pour l'application du texte fiscal selon l'interprétation résultant de cette réponse ministérielle, la pension déductible est celle versée par un contribuable en exécution de l'obligation d'entretien de ses enfants qui incombe à chacun des parents, selon les articles 203 et 334 du code civil ; qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, l'article 371-2 de ce même code prévoyait que : « Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources et de celles de l'autre parent » ; que depuis l'entrée en vigueur de la loi précitée, l'article 371-2 du code civil prévoit que la contribution de chacun des parents à l'entretien et à l'éducation des enfants est, en outre, proportionnelle aux besoins de l'enfant ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service ne conteste pas la réalité des versements effectués par M. X à Mme Y au cours des années litigieuses, à hauteur des sommes ci-dessus rappelées ; que ce montant présente un caractère raisonnable et proportionné au regard de l'obligation d'entretien des enfants incombant au contribuable et doit être regardé comme ayant été exclusivement destiné, compte tenu des ressources de chacun des parents, à l'entretien de l'enfant ; que ces pensions ont également été incluses par Mme Y dans ses propres revenus ; que, de même, en ce qui concerne la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 modifiant les dispositions de l'article 371-2 du code civil, le montant versé présente un caractère raisonnable et proportionné au regard de l'obligation d'entretien des enfants incombant au contribuable, compte tenu des ressources de chacun des parents et des besoins des enfants eu égard à leur âge ; que dans ces conditions, le requérant est fondé à se prévaloir de la réponse ministérielle à la question de M. Bénard du 19 mars 1977 pour prétendre à la déduction des pensions alimentaires litigieuses pour les années 2000 à 2002 ; que M. X est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000 à 2002 et des pénalités correspondantes ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au paiement d'intérêts moratoires :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : « Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal (...) à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires (...). Les intérêts courent du jour du paiement (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que le paiement par l'Etat d'intérêts moratoires est de droit ; que le requérant ne saurait alléguer l'existence sur ce point d'aucun litige né et actuel ; qu'il suit de là que les conclusions de sa demande tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement des intérêts moratoires sur les sommes dégrevées sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. X d'une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0407164 en date du 23 février 2006 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. X tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000 à 2002 ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : M. X est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000 à 2002 et des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
06VE00889 2