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11/03/2008 | FRANCE | N°06VE02038

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 11 mars 2008, 06VE02038


Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2006 au greffe de la cour, présentée pour la société COMPAGNIE FINANCIERE REGIONALE, dont le siège est situé 84 avenue du Président Wilson à Saint-Denis-la-Plaine (93210), par Me Bern ;

La société COMPAGNIE FINANCIERE REGIONALE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202678 en date du 20 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 %, ainsi que d

es pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année ...

Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2006 au greffe de la cour, présentée pour la société COMPAGNIE FINANCIERE REGIONALE, dont le siège est situé 84 avenue du Président Wilson à Saint-Denis-la-Plaine (93210), par Me Bern ;

La société COMPAGNIE FINANCIERE REGIONALE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202678 en date du 20 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 %, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1999 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge de ces cotisations supplémentaires ainsi que des pénalités y afférentes et des intérêts de retard ; subsidiairement, de réduire l'intérêt de retard à 0,40 % par mois ;

3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle a pu à bon droit comptabiliser en 1999 une provision pour charges correspondant au montant du « jackpot progressif » qu'elle était nécessairement appelée à verser dans les années ultérieures ; que si, au 31 décembre 1999, le montant de ce « jackpot progressif » n'était pas exigible, il constituait néanmoins une charge inéluctable ; qu'à défaut de comptabiliser cette charge en provision, le bilan ne refléterait pas la réalité de la société ; que l'administration ne peut se prévaloir du plan comptable applicable par les casinos dans la mesure où il a été conçu avant l'apparition de la pratique du « jackpot progressif » ; qu'en outre, en application de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts, les entreprises doivent respecter le plan comptable général sous réserve que celui-ci ne soit pas incompatible avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 39-5° doivent prévaloir sur le plan comptable ; que, subsidiairement s'il ne pouvait pas y avoir lieu à provision, la cour devrait considérer que la somme en litige doit être déduite du revenu imposable en tant que dette de l'entreprise à l'égard des joueurs et subsidiairement en tant que dette à l'égard du trésor public ; que le montant des intérêts réclamés est incompatible avec les taux d'intérêt en vigueur sur le marché des capitaux ou avec l'intérêt légal visé à l'article 208 du livre des procédures fiscales ; qu'il est donc en contradiction avec l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que depuis le 1er janvier 2006 le taux d'intérêt de retard a été ramené à 0,40 % par mois par le législateur ;

…………………………………………………………………………………………….
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2005-1719 du 30 septembre 2005 ;

Vu le décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 modifié portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques ;

Vu l'arrêté du 27 février 1984 sur la comptabilité générale des casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2008 :

- le rapport de M. Blin, président-assesseur ;
- les observations de Me Bern pour la COMPAGNIE FINANCIÈRE RÉGIONALE ;
- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société Yport loisirs exerce l'activité d'exploitant de casinos, bars et discothèque ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er novembre 1996 au 31 octobre 1999 ; qu'à l'issue de ce contrôle, une notification de redressement lui a été adressée portant réintégration, en matière d'impôt sur les sociétés, d'une provision pour « jackpot progressif » d'un montant de 48 130,75 € au titre de l'exercice clos le 31 octobre 1999 ; que le supplément d'impôt sur les sociétés en résultant a été mis en recouvrement auprès de la COMPAGNIE FINANCIERE REGIONALE, société mère du groupe fiscalement intégré auquel appartient la société Yport loisirs ; que la société COMPAGNIE FINANCIERE REGIONALE fait appel du jugement du 20 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 %, mises à sa charge au titre de l'année 1999, et ainsi que des pénalités et intérêts de retard y afférents ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise ne peut valablement déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne sont supportées qu'ultérieurement par elle qu'à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société COMPAGNIE FINANCIÈRE RÉGIONALE a constitué à la clôture de l'exercice clos en 1999 une provision afin de faire face au versement d'un gain exceptionnel dénommé « jackpot progressif », dont le montant correspond à un pourcentage des enjeux introduits dans des machines à sous connectées entre elles ; qu'il existe ainsi un lien direct entre les mises des joueurs constatées à la clôture de l'exercice et le montant provisoire de ce gain exceptionnel tel qu'arrêté à la clôture de l'exercice, lequel doit, dès lors, s'analyser comme une diminution future de recettes déjà comptabilisées ; que, par ailleurs, les gains versés aux joueurs, alors même qu'ils ne sont pas comptabilisés, en application du plan comptable propre aux casinos, dans un compte de charge mais déduits de la masse des enjeux, n'en constituent pas moins des sommes déductibles du bénéfice imposable susceptibles de donner lieu à provisions sous réserve de satisfaire aux critères exposés ci-dessus ; que l'incertitude sur l'identité du joueur gagnant et sur la date du versement du « jackpot progressif » ne retire pas à celui-ci son caractère probable ; que par suite, le « jackpot progressif » peut donner lieu à la constitution d'une provision déductible à la clôture de chacun des exercices où il n'a pas été versé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société COMPAGNIE FINANCIERE REGIONALE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'État à verser la somme de 1 500 € à la société COMPAGNIE FINANCIERE REGIONALE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0202678 du 20 juin 2006 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La société COMPAGNIE FINANCIERE REGIONALE est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 octobre 1999 à la suite de la réintégration d'une provision pour « jackpot progressif » comptabilisée par la société Yport loisirs, ainsi que de l'ensemble des contributions additionnelles, des pénalités et des intérêts de retard y afférents.

Article 3 : L'Etat versera à la COMPAGNIE FINANCIERE REGIONALE la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

06VE02038 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE02038
Date de la décision : 11/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BELAVAL
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre BLIN
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : BERN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-03-11;06ve02038 ?
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