La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/2008 | FRANCE | N°06VE00940

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 21 février 2008, 06VE00940


Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Denis X, demeurant ..., par Me Gernez ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300356 du 2 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2002 du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales lui infligeant la sanction de mise à la retraite d'office ;

2°) d'annuler cet arrêté du 23 o

ctobre 2002 ;

3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 1 300 € en ap...

Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Denis X, demeurant ..., par Me Gernez ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300356 du 2 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2002 du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales lui infligeant la sanction de mise à la retraite d'office ;

2°) d'annuler cet arrêté du 23 octobre 2002 ;

3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 1 300 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les droits de la défense n'ont pas été respectés au regard notamment de l'article 11 du code de procédure pénale et de l'article R. 155 du même code ; qu'en effet, le secret de l'enquête et de l'instruction a été méconnu ; que la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure contraire aux articles 6 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que le Tribunal de grande instance de Bobigny, dans son jugement du 4 juin 2003, a déclaré qu'il n'était pas coupable de corruption passive ; que ce jugement a été confirmé le 15 juin 2005 par la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Paris ; que le lien de causalité entre les cadeaux qu'il a reçus et la délivrance de visas irréguliers n'est pas établi ; que d'autres agents de police à qui les mêmes faits ont été reprochés n'ont pas fait l'objet de sanctions ;
……………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'État ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État ;

Vu le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 modifié fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;

Vu le décret n° 95-656 du 9 mai 1995 portant statut particulier du corps de commandement et d'encadrement de la police nationale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2008 :

- le rapport de M. Blin, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'arrêté attaqué en date du 23 octobre 2002, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a prononcé à l'encontre de M. X, qui était alors commandant de police exerçant ses fonctions à la police de l'air et des frontières à l'aéroport de Roissy, la sanction de mise à la retraite d'office ;

Considérant, en premier lieu, qu'en raison de l'indépendance de la procédure pénale et de la procédure judiciaire, le requérant ne peut utilement soutenir que les auditions administratives qui ont servi de base à la procédure disciplinaire constituent une violation du secret de l'instruction de la procédure pénale ouverte sur les mêmes faits et que la décision attaquée méconnaîtrait les articles 11, R. 155, R. 156 et D. 32 du code de procédure pénale ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) » ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international (...). » ; qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. » ;

Considérant que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'énonce aucune règle ou aucun principe dont le champ d'application s'étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions et qui gouvernerait l'élaboration ou le prononcé de sanctions, quelle que soit la nature de celles-ci, par les autorités administratives qui en sont chargées par la loi ; qu'ainsi, la procédure disciplinaire au terme de laquelle le ministre de l'intérieur a exercé son pouvoir disciplinaire n'entrait pas dans le champ d'application de ces stipulations ; que, dès lors, si M. X fait valoir qu'il a été privé d'un bien au sens de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que la décision attaquée porterait atteinte à ses droits et obligations de caractère civil, il ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que la décision de le mettre à la retraite d'office aurait été prise à l'issue d'une procédure contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par voie de conséquence, dès lors que l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être invoqué qu'en ce qui concerne les droits et libertés reconnus dans ladite convention, M. X ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations combinées des articles 6 et 14 de ladite convention ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : « Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme. / Deuxième groupe : / - la radiation du tableau d'avancement ; / - l'abaissement d'échelon ; / -l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / - le déplacement d'office. / Troisième groupe : / - la rétrogradation ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. / Parmi les sanctions du premier groupe, seul le blâme est inscrit au dossier du fonctionnaire. Il est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période. / La radiation du tableau d'avancement peut également être prononcée à titre de sanction complémentaire d'une des sanctions des deuxième et troisième groupes. / L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins de un mois. (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une enquête administrative diligentée en 2001 par l'inspection générale de la police nationale, l'administration a découvert l'existence, au sein de l'aéroport de Roissy, d'une filière d'immigration clandestine entre le Liban et la France ; qu'il résulte notamment du jugement du Tribunal de grande instance de Bobigny en date du 4 juin 2003 qu'un chauffeur d'une ambassade du Moyen-Orient et qu'une autre personne se présentant comme organisateur de concerts utilisaient les bonnes relations qu'ils entretenaient avec des officiers de la police de l'air et des frontières pour obtenir de ces officiers des visas de transit ou des visas d'escale qui permettaient à des étrangers en provenance du Liban et dépourvus de titres leur permettant de pénétrer sur le territoire français de quitter la zone internationale de l'aéroport; que, par l'arrêté attaqué en date du 23 octobre 2002, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a infligé à M. X, commandant de police qui était affecté depuis 2000 à la police de l'air et des frontières à l'aéroport, la sanction de mise à la retraite d'office aux motifs qu'il avait « reconnu avoir favorisé l'entrée de plusieurs ressortissants étrangers sur le territoire national en leur délivrant des visas de transit de complaisance, qu'il a reconnu également avoir accepté des intermédiaires qui le sollicitaient la remise de plusieurs cadeaux ; qu'il a également permis à ces intermédiaires de circuler en zone internationale de l'aéroport de Roissy en leur délivrant un badge.» ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces motifs seraient entachés d'inexactitude matérielle ; que la circonstance que, par le jugement précité du 4 juin 2003 du Tribunal de grande instance de Bobigny, M. X a été « déclaré non coupable et relaxé des fins de poursuites pour les faits qualifiés de corruption passive, acceptation et sollicitation d'avantages par dépositaire de l'autorité publique » n'est pas de nature à infirmer l'exactitude matérielle de ces griefs ; que ces faits étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que si, en sa qualité de commandant de police, M. X avait le pouvoir d'octroyer des visas d'escale et à supposer même que d'autres officiers de police auraient eu coutume de recevoir des cadeaux en contrepartie des facilités qu'ils accordaient à certains voyageurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard notamment à la gravité de la faute commise, ainsi qu'au grade et à l'ancienneté de M. X, la sanction de mise à la retraite d'office serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetés ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

06VE00940 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE00940
Date de la décision : 21/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BELAVAL
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre BLIN
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : GERNEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-02-21;06ve00940 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award