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28/01/2008 | FRANCE | N°06VE01407

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 28 janvier 2008, 06VE01407


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 3 juillet 2006, l'ordonnance en date du 15 juin 2006 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Abdallah X, demeurant chez Mme Y ..., par Me Tcholakian ;

Vu ladite requête, enregistrée le 8 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. X demande :

1°) l'annulation du jugement n° 0403509 en date du 27 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a r

ejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 5 m...

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 3 juillet 2006, l'ordonnance en date du 15 juin 2006 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Abdallah X, demeurant chez Mme Y ..., par Me Tcholakian ;

Vu ladite requête, enregistrée le 8 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. X demande :

1°) l'annulation du jugement n° 0403509 en date du 27 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 5 mars 2004 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre par le ministre de l'intérieur le 24 août 1976 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 500 € par jour de retard ;

2°) d'annuler la décision en date du 5 mars 2004 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion du 24 août 1976 et de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise d'abroger l'arrêté d'expulsion du 24 août 1976 et de lui délivrer un certificat de résidence d'algérien, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de condamner l'État à lui verser une somme de 2 500 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a retenu d'office le moyen tiré de l'absence de preuve de sa présence en France avant l'âge de 13 ans en violation de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; qu'il remplit les conditions posées par l'article 86 de la loi du 26 novembre 2003 ; qu'il est entré en France à l'âge de 9 ans ; qu'il y résidait avant le 30 avril 2003 et entre donc dans le champ d'application de l'une des catégories visées aux 1° à 4° du I de cet article ; que sa présence en France avant 13 ans n'était pas contestée par le préfet ; qu'il produit un certificat de scolarité mentionnant qu'il a fréquenté l'école Jules Guesde d'Argenteuil à compter du 31 janvier 1967, alors qu'il avait 13 ans et 12 jours ; qu'il n'est pas soutenu qu'il serait arrivé quelques jours auparavant en France ; que les titres de séjour de sa mère et de ses frères et soeurs font apparaître que la famille était bien en France avant le 17 janvier 1967 ; que le préfet avait une compétence liée ; que la décision a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et est entachée d'erreur d'appréciation ; que la commission d'expulsion a émis un avis favorable ; que le concubinage est établi ; qu'il n'a plus de famille dans son pays d'origine ; que sa compagne a la nationalité française, ainsi que ses deux enfants et certains de ses frères et soeurs ; que l'atteinte à sa vie privée et familiale est disproportionnée ; qu'à la date de la décision attaquée, il résidait en France depuis près de 40 ans ; qu'il y est entré depuis l'âge de 8 ans, qu'il y a travaillé, qu'il y a toute sa famille, notamment ses enfants et sa compagne ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2008 :

- le rapport de Mme Jarreau, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;


Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet du Val-d'Oise du 5 mars 2004 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance ; 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que si M. X, qui s'est rendu coupable entre 1974 et 1979 puis en 1989 de plusieurs infractions pénales, tels que vols, tentatives de vol, évasions et tentatives d'évasion, conduite sans permis, délit de fuite, contrefaçon ou falsification d'un document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, usage de documents administratifs obtenus indûment ou établis sous le nom d'un tiers et détention sans autorisation d'armes ou de munitions de première à quatrième catégorie, a été condamné à des peines d'emprisonnement d'une durée totale de 18 ans et 6 mois et a été incarcéré pendant plus de 11 ans, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé qui est entré en France au plus tard le 31 janvier 1967, à l'âge de 13 ans, vit en concubinage avec une ressortissante française ; que de cette union sont nés, en 1984 et en 1999, deux enfants de nationalité française, les effets de la reconnaissance du second, le 13 juillet 2007, remontant au jour de sa naissance en application de l'article 316 du code civil ; que, dans ces conditions, et compte tenu du comportement de l'intéressé, qui n'a plus commis d'infractions depuis le 25 août 1991, date à laquelle la dernière peine de prison prononcée contre lui a pris fin, le refus d'abroger l'arrêté d'expulsion visant M. X, opposé au demeurant après un avis de la commission départementale d'expulsion favorable à l'abrogation sollicitée, a, eu égard à l'importance de l'atteinte portée à sa vie privée et familiale, excédé ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que, dès lors, il a été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 mars 2004 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé d'abroger l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 24 août 1976 prononçant son expulsion du territoire français ;


Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que l'arrêté prononçant l'expulsion de M. X soit abrogé ; que le préfet du Val-d'Oise ne fait état d'aucun élément de droit ou de fait postérieur à la décision attaquée qui serait de nature à s'opposer à cette abrogation ; qu'ainsi, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise d'abroger l'arrêté d'expulsion dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant qu'il y a lieu en outre, compte tenu du motif d'annulation retenu, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de se prononcer sur le droit au séjour de M. X dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0403509 en date du 27 avril 2006 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la décision du préfet du Val-d'Oise en date du 5 mars 2004 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise d'abroger l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 24 août 1976 prononçant l'expulsion du territoire français de M. X dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt et de se prononcer sur le droit au séjour de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

06VE01407 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE01407
Date de la décision : 28/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BELAVAL
Rapporteur ?: Mme Brigitte JARREAU
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : TCHOLAKIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-01-28;06ve01407 ?
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