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22/01/2008 | FRANCE | N°06VE02693

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 22 janvier 2008, 06VE02693


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 14 décembre 2006, présentée pour la société NUTRICIA FRANCE, agissant pour le compte de la société Milupa, dont le siège social est 1, rue Eugène et Armand Peugeot à Rueil-Malmaison (92508), par le cabinet Thierry Lefebvre et associés ;

La société par actions simplifiées NUTRICIA FRANCE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505904 en date du 5 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la réd

uction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contribu...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 14 décembre 2006, présentée pour la société NUTRICIA FRANCE, agissant pour le compte de la société Milupa, dont le siège social est 1, rue Eugène et Armand Peugeot à Rueil-Malmaison (92508), par le cabinet Thierry Lefebvre et associés ;

La société par actions simplifiées NUTRICIA FRANCE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505904 en date du 5 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions temporaires et additionnelles à cet impôt, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2000 et 2001 ;

2°) de lui accorder la décharge, en principal, de la somme de 942 628 euros au titre des années 2000 et 2001, ainsi que les intérêts moratoires correspondants ;

3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la société Milupa participe à la pratique bien connue sur le marché du lait infantile, dite des « tours de lait » ; que cette pratique consiste dans le versement de subventions à des associations en contrepartie de la promotion de ses produits laitiers infantiles par les établissement prescripteurs auprès des mères non allaitantes ; qu'elle apporte tous éléments précis de nature à justifier du caractère déductible des subventions versées, et notamment du rôle et du lien que les associations bénéficiaires entretiennent avec les établissements prescripteurs, savoir les maternités dont elles sont l'émanation ; que les versements litigieux permettent d'accroître significativement les ventes de produits Milupa ; que la jurisprudence qui prévaut en matière de versements de subventions à l'export, dans un but de relations publiques ou encore à des organismes professionnels, est transposable au cas d'espèce ; que la nature exacte de son intervention financière auprès des associations de petite enfance est clairement mise en évidence par le Conseil de la concurrence dans sa décision du 7 janvier 2001 selon laquelle le versement de dons ou de subventions aux établissements d'accouchement ou aux associations qui leur sont liées est une pratique systématique et répandue chez tous les fournisseurs ; que les associations en cause ont fréquemment à leur tête des médecins qui exercent dans les maternités ; qu'elle joint à la requête des courriers de remerciement des associations bénéficiaires ; qu'en entretenant l'image de marque de la société Milupa et en influant sur le choix des marques proposées par les maternités auprès des mères, les subventions versées par la société Milupa exercent un effet haussier sur son chiffre d'affaires ; que ces subventions doivent dès lors être regardées comme ayant été engagées dans l'intérêt de l'entreprise Milupa ; que les montants versés n'ont pas de caractère disproportionnés par rapport à la contrepartie obtenue et qu'ainsi, ces subventions n'ont pas un caractère de libéralité ;

………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2008 :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller ;
- les observations de Me D'Hieux-Lardon, pour la société NUTRICIA FRANCE ;
- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société NUTRICIA FRANCE, agissant pour le compte de la société Milupa qui a pour activité la production et la vente de lait de infantile de premier âge, fait appel du jugement du 5 octobre 2006 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2000 et 2001, à raison de la réintégration dans ses résultats imposables de sommes versées à des associations agissant dans le domaine de la petite enfance en contrepartie de la promotion de ses produits laitiers infantiles dans les maternités ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « I. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant […] notamment : 1° les frais généraux de toute nature […] » ;
Considérant que la société NUTRICIA FRANCE soutient que les subventions que la société Milupa verse à des associations agissant dans le domaine de la petite enfance ont pour contrepartie l'engagement des maternités, dont les associations dépendent, de favoriser à l'occasion des pratiques dites « des tours de lait », la distribution des produits laitiers infantiles vendus sous la marque Milupa ; que l'administration, qui ne conteste pas la réalité de ces dépenses, fait valoir que la société versante n'établit pas l'existence d'une contrepartie commerciale à l'engagement des dépenses au motif qu'elle ne rapporte pas la preuve de ce que les associations bénéficiaires seraient l'émanation directe des maternités ou qu'elles auraient la capacité d'orienter le choix des mères qui ont choisi de ne pas allaiter leurs enfants ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de deux décisions du Conseil de la concurrence en date des 7 janvier 2001 et 30 novembre 2007, relatives à l'organisation et au fonctionnement du marché des laits infantiles, que, d'une part, les maternités exercent sur le marché du lait infantile un rôle de prescripteur déterminant dès lors que les mères qui choisissent de ne pas allaiter leur enfant restent fidèles, après la maternité, à la marque de lait de premier âge qui a été mis gratuitement à leur disposition par ces établissements et que, d'autre part, les quatre principaux producteurs de lait infantile, dont la société Milupa, versent aux maternités, directement ou indirectement, des subventions représentant environ 7% du chiffre d'affaires réalisé afin d'obtenir un référencement exclusif de leurs marques de lait auprès des maternités ; que ces subventions constituent le fondement de la participation des producteurs à la pratique dite « des tours de lait » sans laquelle ils ne pourraient ni conserver, ni accroître leurs parts de marché ; qu'en outre, parmi les lettres des associations produites par la société requérante, plusieurs mentionnent clairement qu'en contrepartie de la subvention reçue, elles s'engagent à distribuer, pour une période ou une quantité déterminées, les produits laitiers du donateur ; que l'ensemble de ces éléments sont de nature à établir que la société Milupa avait un intérêt direct au versement des subventions aux associations en cause pour maintenir et accroître son chiffre d'affaires sur le marché des laits de premier âge ; qu'ainsi, en refusant d'admettre la déductibilité de ces subventions au motif qu'elles n'auraient pas eu de contrepartie effective, le Tribunal administratif de Versailles a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que la société NUTRICIA FRANCE est, par suite, fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que la décharge des compléments d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie à raison de la réintégration dans ses bases imposables des exercices 2000 et 2001 des subventions versées à des associations liées à des maternités ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à la société NUTRICIA FRANCE une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 14 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : La société NUTRICIA FRANCE est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les société et de ses contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2000 et 2001, ainsi que les pénalités y afférentes.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à la société NUTRICIA FRANCE la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE02693
Date de la décision : 22/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme COROUGE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : D'HIEUX-LARDON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-01-22;06ve02693 ?
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