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19/11/2007 | FRANCE | N°06VE00731

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 19 novembre 2007, 06VE00731


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 6 avril 2006 et en original le 11 avril 2006, au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Franck Y, demeurant ..., par Me Soraye-berriet ;

M. Franck Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200634 et n° 0202922 en date du 31 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2001 par lequel le maire de Sevran l'a recruté en qualité de graphiste non titulaire à compter du 1er oct

obre 2001 pour une période de trois mois, d'autre part, à la condamnation de...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 6 avril 2006 et en original le 11 avril 2006, au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Franck Y, demeurant ..., par Me Soraye-berriet ;

M. Franck Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200634 et n° 0202922 en date du 31 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2001 par lequel le maire de Sevran l'a recruté en qualité de graphiste non titulaire à compter du 1er octobre 2001 pour une période de trois mois, d'autre part, à la condamnation de la commune de Sevran à lui verser la somme de 51 202,80 € en réparation de son préjudice financier résultant de la rupture anticipée de son contrat de travail, 7 622 € en réparation de son préjudice de carrière et 3 048 € en réparation de son préjudice moral avec intérêts au taux légal, sous astreinte de 76 € par jour de retard ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2001 par lequel le maire de Sevran l'a nommé aux fonctions de graphiste non titulaire pour une durée de trois mois à compter du 1er octobre 2001 ;

3°) de condamner la commune de Sevran à lui verser, la somme de 7 622 € au titre du préjudice de carrière et la somme de 3 048 € au titre de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa requête, sous astreinte de 76 € par jour de retard ;

4°) de condamner la commune de Sevran à lui verser la somme de 1 525 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le contrat de travail dont il bénéficiait à compter du 1er octobre 1998 jusqu'au 1er octobre 2001 a été tacitement reconduit pour une période égale à sa durée initiale jusqu'au 1er octobre 2004 ; que, dès lors, l'arrêté du 7 novembre 2001 le recrutant pour une période de trois mois est illégal ; que les moyens de droit qu'il fait valoir à l'appui de sa demande sont la décision du Conseil d'État du 2 février 2000 et la décision de la Cour administrative d'appel de Nantes du 16 mars 2001 ; qu'il ne peut s'agir d'un licenciement motivé par une réorganisation du service ; qu'en tout état de cause, la procédure de licenciement n'a pas été respectée dès lors qu'aucun préavis n'a été donné et qu'il n'a pas reçu l'indemnité de licenciement ; qu'il a subi un préjudice financier du fait de la décision du maire de Sevran de rompre son contrat de travail le 31 décembre 2001 au lieu du 1er octobre 2004 ; que si ce contrat avait été poursuivi jusqu'à son échéance normale, soit au 1er octobre 2004, il aurait perçu la somme de 56 505,90 € ; qu'il n'a perçu des allocations de chômage que jusqu'au mois de décembre 2004 à hauteur de 1 139 € par mois, soit un surplus de 470 € mensuels ; qu'il aurait donc dû percevoir 15 510 € à ce titre ; qu'il aurait dû bénéficier d'une expérience de trois années supplémentaires en qualité de responsable graphiste, alors que la rupture anticipée ne lui a pas permis d'acquérir cette expérience ; que son préjudice moral doit être apprécié à hauteur de 30 048 € ;

……………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°84-16 du au 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique d'État ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, modifiée ;

Vu le décret n° 88-145 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique et relatives aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale du 15 février 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2007 :

- le rapport de M. Blin, président-assesseur ;

- les observations de Me Derridj, substituant Me Peru, pour la commune de Sevran ;

- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2001 du maire de Sevran :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée : « Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de titulaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité ou d'un congé parental, ou de l'accomplissement du service national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux, ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la présente loi. /Ces collectivités et établissements peuvent, en outre, recruter des agents non titulaires pour exercer des fonctions correspondant à un besoin saisonnier pour une durée maximale de six mois pendant une même période de douze mois et conclure pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une seule fois à titre exceptionnel, des contrats pour faire face à un besoin occasionnel. /Des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les mêmes cas et selon les mêmes conditions de durée que ceux mentionnés à l'article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. (…) » ; qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 rendu applicable aux agents territoriaux par l'article 3 précité de la loi du 26 janvier 1984 : « Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : /1° Lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; /2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l'Etat à l'étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. /Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats d'une durée maximale de trois ans qui ne peuvent être renouvelés que par reconduction expresse. » ; qu'aux termes de l'article 38 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 : « Lorsqu'un agent non titulaire a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard (…) 2° Au début du mois précédant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans » ;

Considérant que les contrats passés par les collectivités et établissements publics territoriaux en vue de recruter des agents non titulaires doivent, sauf disposition législative spéciale contraire, être conclus pour une durée déterminée et ne peuvent être renouvelés que par reconduction expresse ; que, toutefois, le maintien en fonctions d'un agent à l'issue de son contrat initial a pour effet de donner naissance à un nouveau contrat, conclu lui aussi pour une période déterminée et dont la durée est celle assignée au contrat initial ; qu'ainsi, sauf circonstance particulière, la décision par laquelle l'autorité administrative compétente met fin aux relations contractuelles doit être regardée comme un refus de renouvellement de contrat si elle intervient à l'échéance du nouveau contrat et comme un licenciement si elle intervient au cours de ce nouveau contrat ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y a été engagé par la commune de Sevran en qualité de rédacteur non titulaire du 1er août 1996 au 31 juillet 1997 ; qu'à l'issue de cette période il a été nommé agent administratif stagiaire le 1er juillet 1998 ; que sa période de stage a été prolongée jusqu'au 30 septembre 1998 ; que, toutefois, l'intéressé n'ayant pas passé le concours de rédacteur, il a été à nouveau recruté en qualité d'agent contractuel pour exercer les fonctions de technicien graphiste pour une durée de trois ans du 1er octobre 1998 au 30 septembre 2001 ; qu'après l'expiration de son contrat, le 1er octobre 2001, M. Y a continué d'exercer ses fonctions avec l'accord tacite de la commune ; que celle-ci ne l'a informé que par lettre en date du 7 décembre 2001 que son poste de technicien graphiste était supprimé à la suite de la décision du conseil municipal du 27 novembre 2001 de réorganiser le service communication de la ville et que son contrat à durée déterminée prendrait fin le 31 décembre 2001 ; que le 10 décembre 2001, la commune de Sevran a notifié à M. Y un arrêté du 7 novembre 2001 par lequel ce dernier était recruté en qualité de graphiste non titulaire à compter du 1er octobre 2001 pour une période de trois mois ; qu'en application des principes ci-dessus rappelés, le maintien en fonctions de M. Y pendant plus de deux mois après l'expiration de son contrat initial a donné naissance à un nouveau contrat à durée déterminée de trois ans à compter du 1er octobre 2001 ; que ni la circonstance que le contrat initial mentionnait qu'il n'était renouvelable que par reconduction expresse, ni les stipulations de l'article 4 aux termes desquelles : « A l'expiration du contrat, M. Y devra impérativement justifier d'une réussite à un concours de la fonction publique territoriale. À défaut, la reconduction du contrat pour une nouvelle période ne pourra être envisagée.» n'étaient de nature à faire obstacle à la naissance d'un nouveau contrat pour la période du 1er octobre 2001 au 30 septembre 2004 ; qu'ainsi, M. Y est fondé à soutenir que la décision du 7 novembre 2001 de le recruter pour trois mois du 1er octobre au 31 décembre 2001 doit être regardée comme une décision de licenciement en cours de contrat ;

Considérant qu'il est constant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que M. Y n'a été informé de la cessation de ses fonctions le 31 décembre 2001 que le 7 décembre 2001 ; que, contrairement à l'article 38 du décret susvisé du 15 février 1988 qui prescrit à l'administration de notifier son intention de ne pas renouveler l'engagement de l'agent contractuel au plus tard au début du deuxième mois précédant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée supérieure à deux ans, le délai de deux mois de préavis n'a pas été respecté ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué en date du 7 novembre 2001 est entaché d'illégalité ; que M. Y est fondé à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant l'illégalité de la décision de licencier M. Y constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Sevran à son égard ; que, toutefois, la commune de Sevran fait valoir qu'elle a décidé de ne pas renouveler le contrat de M. Y en raison d'une réorganisation du service qui a consisté à supprimer le poste de M. Y ainsi qu'un poste de rédacteur pour les remplacer par un poste d'attaché et un poste de responsable de l'unité graphisme, dont les missions sont plus larges que celles qu'exerçait M. Y notamment dans la mesure où ce responsable a la charge de l'intégralité de l'atelier de publication assistée par ordinateur ainsi que de la conception et de la réalisation graphique des supports presse et hors presse ; que M. Y n'établit pas que son niveau d'études, son statut de technicien contractuel et ses compétences auraient rendu possible son recrutement en qualité de responsable de l'unité graphisme ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier que son licenciement était justifié ; que, dans ces conditions, l'illégalité du licenciement, qui résulte seulement du non respect du délai de préavis, n'est pas de nature à ouvrir à M.Y un droit à réparation de son préjudice sur la base des salaires qu'il aurait pu percevoir jusqu'au 1er octobre 2004 ; qu'il ne peut davantage prétendre à la réparation d'un préjudice résultant de la privation de l'expérience de trois années supplémentaires qu'il aurait pu acquérir en qualité de responsable graphiste ; que s'il soutient qu'il aurait subi de nombreuses pressions dans l'exercice de son emploi et que ces pressions seraient à l'origine de troubles de santé, il n'en apporte pas la preuve; qu'il n'est donc pas fondé à demander la condamnation de la commune de Sevran à lui verser une indemnité au titre de ces préjudices ; qu'en revanche, M. Y, qui doit être regardé comme ayant été licencié en cours de contrat, a droit au versement de l'indemnité de licenciement prévue aux articles 43, 45 et 46 du décret du 15 février 1988 ; que, dès lors, la commune de Sevran doit être condamnée à verser à M. Y cette indemnité de licenciement en prenant en compte pour base de calcul la période du 1er janvier 2002 au 30 septembre 2004 ; que le requérant est également fondé à demander que la commune de Sevran soit condamnée à lui verser une indemnité en réparation du préjudice spécifique résultant du défaut de préavis dans le délai de deux mois ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à la somme de 1 000 € ; qu'enfin, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par le requérant en lui allouant la somme de 500 € ;

Considérant que M. Y est fondé à demander que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa requête, soit au 6 avril 2006 ; qu'en revanche, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. Y tendant à ce que la condamnation de la commune de Sevran soit assortie d'une astreinte de 76 € par jour de retard ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. Y, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à la commune de Sevran la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, sur le même fondement, il y a lieu de condamner la commune de Sevran à verser à M. Y la somme de 1 500 € ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 31 janvier 2006 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que l'arrêté du 7 novembre 2001 du maire de la commune de Sevran sont annulés.

Article 2 : La commune de Sevran est condamnée à verser à M. Y l'indemnité de licenciement prévue aux articles 43, 45 et 46 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 en prenant en compte pour base de calcul la période du 1er janvier 2002 au 30 septembre 2004, ainsi qu'une somme de 1 500 €.

Article 3 : La somme de 1 500 € ainsi que l'indemnité de licenciement mentionnées à l'article 2 ci-dessus porteront intérêt au taux légal à compter du 6 avril 2006.

Article 4 : La commune de Sevran versera la somme de 1 500 € à M. Y en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

06VE00731 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE00731
Date de la décision : 19/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BELAVAL
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre BLIN
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : PERU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-11-19;06ve00731 ?
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