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13/11/2007 | FRANCE | N°06VE02383

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 13 novembre 2007, 06VE02383


Vu le recours, enregistré à la Cour administrative d'appel de Versailles en télécopie le 27 octobre 2006 et en original le 2 novembre 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 0505233 en date du 22 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a prononcé en faveur de la société à responsabilité limitée TGB International la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajou

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Vu le recours, enregistré à la Cour administrative d'appel de Versailles en télécopie le 27 octobre 2006 et en original le 2 novembre 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 0505233 en date du 22 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a prononcé en faveur de la société à responsabilité limitée TGB International la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement les 20 février et 10 août 2004 et l'a condamné à verser la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre à la charge de la société TGB International les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour les périodes comprises, respectivement, entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2000 et, entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2002, à concurrence du montant de 158 895 euros ;

Il soutient :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- que, s'agissant de l'exercice du droit de communication, le Tribunal administratif de Versailles ne lui a pas demandé de justifier de la qualité des agents ayant exercé les droits de communication litigieux auprès des établissements bancaires teneurs des comptes de la société TGB International ; qu'il produit les copies des documents justifiant que ces droits ont été régulièrement exercés par un agent de catégorie B, employé auprès de la direction nationale d'enquêtes fiscales, auprès des établissements bancaires concernés ;

- que, s'agissant de l'exercice du droit d'enquête auprès de divers clients de la société TGB International, sa mise en oeuvre est régulière ; que les procès-verbaux de clôture des opérations concluent à l'absence de manquements aux règles de facturation ; que les informations recueillies au cours de l'enquête ont été portées avec suffisamment de précision dans la notification de redressements et la société a été mise à même d'en demander la communication ; qu'au surplus, les autres procédures mises en oeuvre suffisent à démontrer la réalisation d'un cycle complet d'opérations en France ;

- que, sur les autres moyens présentés en première instance, l'administration justifie de l'envoi d'un avis de vérification de comptabilité et de la charte du contribuable ; que le débat oral et contradictoire est présumé avoir eu lieu dès lors que la vérification de comptabilité s'est déroulée dans les locaux de la SARL TGB International et que les éléments obtenus dans le cadre du droit d'enquête ont été discutés lors des interventions sur place des 22 mai et 10 décembre 2002 ;

-que dès lors que la société a été mise en situation de pouvoir demander la communication des documents sur lesquels l'administration s'est fondée pour la redresser avant la mise en recouvrement des impositions, la procédure d'imposition est régulière ;

Sur le bien-fondé des impositions :

- que les éléments recueillis à l'occasion des différentes procédures mises en oeuvre permettent de démontrer que la société de droit allemand TGB International Gmbh dispose d'un établissement stable en France dans les locaux de Chilly-Mazarin, où elle accomplit un cycle complet d'opérations ;

- il résulte des dispositions de l'article 259 B du code général des impôts que le lieu des prestations de service telles que les prestations de mise à disposition de personnels sont réputées se situer en France lorsque le prestataire y est établi et que le preneur y dispose d'un établissement stable ; qu'ainsi, les prestations facturées par la SARL TGB International au preneur TGB International Gmbh, qui a un établissement stable ou le siège de son activité en France, entrent dans le champ d'application territorial de la taxe sur la valeur ajoutée française ;

………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 octobre 2007 :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « l'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation » ; qu'il incombe toutefois à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis auprès des tiers et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que l'intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ;

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur les années 2001 et 2002 :

Considérant que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés le 3 janvier 2004 au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2002 l'ont été à la suite d'un contrôle sur pièces ;

Considérant qu'en ce qui concerne les rehaussements de taxe sur la valeur ajoutée portant sur l'année 2001, il résulte de l'examen de la notification de redressements du 3 janvier 2004 que l'administration, qui suit la procédure contradictoire, les fonde sur la discordance constatée entre les données portées sur sa déclaration annuelle de taxe sur la valeur ajoutée et ses écritures comptables du bilan pour en déduire un montant de taxe sur la valeur ajoutée restant due de 41 970 €, en lieu et place du crédit de taxe dont elle se prévalait ; qu'en ce qui concerne les rehaussements intervenus au titre de l'année 2002, l'administration impose d'office la société à la taxe sur la valeur ajoutée à partir des écritures du bilan de clôture de l'exercice 2002, faute pour cette dernière d'avoir déposé sa déclaration annuelle de taxe sur la valeur ajoutée malgré une mise en demeure ; que, par un calcul similaire à celui effectué au titre de l'année précédente, elle fixe la taxe sur la valeur ajoutée restant due par la contribuable à la somme de 40 080 € ; qu'il suit de là que l'administration a indiqué dans la notification du 3 janvier 2004, l'origine et la teneur des informations utilisées par elle pour procéder aux rehaussements litigieux et les a en conséquence suffisamment motivés au regard des prescriptions de l'articles L. 57 du livre des procédures fiscales ; qu'en outre, les éventuelles irrégularités entachant les droits de communication et d'enquête exercés par les services fiscaux auprès des banques et des clients de la filiale allemande de la SARL TGB International, au surplus, au titre des années antérieures 1999 et 2000, sont sans incidence sur les rappels en cause, dès lors que l'irrégularité de la procédure suivie à l'égard de la société de droit allemand est par elle-même sans influence sur la régularité de la procédure suive à l'égard de sa mère française ; que c'est par suite à tort que les premiers juges ont prononcé en faveur de la SARL TGB International la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement au titre des années 2001 et 2002 ;

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur les années 1999 et 2000 :

Considérant que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés le 16 décembre 2002 au titre de la période comprise entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2000 l'ont été à la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL TGB International ; qu'il est constant que le service des impôts a, dans le cadre de ce contrôle, fait usage d'informations recueillies auprès de tiers après avoir notamment exercé son droit de communication auprès des établissements bancaires détenteurs, en France, des comptes de la société TGB International Gmbh ainsi qu'un droit d'enquête auprès de clients de cette dernière ;

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré des irrégularités qui auraient entaché la procédure suivie à l'égard de la société de droit allemand TGB International Gmbh, en ce qui concerne l'exercice des droits de communication et d'enquête, est inopérant au regard de la procédure d'imposition suivie à l'égard de la Sarl TGB International en raison du principe d'indépendance des procédures ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur l'irrégularité de la procédure d'enquête diligentée à l'encontre de la société de droit allemand pour prononcer la décharge des impositions de la société française TGB International ;

Considérant, en second lieu, que s'agissant de l'utilisation des informations issues de ce droit d'enquête, et dont le vérificateur fait état dans la notification de redressement du 16 décembre 2002, il résulte de l'instruction que cette notification indique les noms des sociétés clientes de la société TGB International Gmbh, ainsi que la nature et la teneur des documents auxquels le vérificateur se réfère ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme ayant mentionné l'origine et la nature des renseignements recueillis avec une précision suffisante mettant ainsi la SARL TGB International en mesure de demander que les documents dont procédaient ces renseignements soient mis à sa disposition ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a prononcé en faveur de la SARL TGB International la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement au titre des années1999 à 2002 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL TGB International devant le tribunal administratif et devant la cour ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant, en premier lieu, que si la société TGB International soutient, pour la première fois en appel, que l'administration ne justifie pas que les agents, qui ont exercé le droit de communication auprès des clients de la société de droit allemand, étaient habilités à le mettre en oeuvre, ce moyen, eu égard au principe d'indépendance des procédures, ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la procédure d'imposition suivie à l'égard de la société de droit français ; qu'il en est de même du moyen tiré de ce que l'administration aurait commis un détournement de procédure dans l'exercice du droit d'enquête vis-à-vis des clients de la société de droit allemand ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : « Avant l'engagement d'une vérification de comptabilité prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations des contribuables vérifié […] » ; qu'aux termes de l'article L. 47 du même livre : « […] une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification » ;

Considérant que si la société soutient qu'elle n'a reçu, avant l'engagement de la vérification de comptabilité, ni l'avis de vérification, ni la charte des droits du contribuable, il résulte de l'instruction que le service lui a adressé en recommandé, le 14 janvier 2002, un avis de vérification de comptabilité qui mentionnait explicitement qu'y était jointe la charte du contribuable vérifié ; que la SARL TGB International a accusé réception du pli recommandé le 16 janvier ; qu'il ressort des mentions portées sur ledit accusé que le pli contenait deux documents ; que, par suite, le moyen invoqué manque en fait ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux :

Considérant, en premier lieu, que la convention fiscale signée entre la France et la République fédérale d'Allemagne le 21 janvier 1959 n'est pas applicable en matière d'impôts indirects ; qu'il s'ensuit que les moyens invoqués à l'appui du droit de la convention sont inopérants, et qu'ils doivent être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : « I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti en tant que tel » ; qu'aux termes de l'article 259 du même code : « Les prestations de services sont imposables en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle » ; qu'aux termes de l'article 259 B dudit code : « Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : […] 7° Mise à disposition de personnel ; 8º Prestations des intermédiaires qui interviennent au nom et pour le compte d'autrui dans la fourniture des prestations de service désignées au présent article ; […] / Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur (…) est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté » ;

Considérant que la SARL TGB International, dont le siège social est en France, a pour filiale la société de droit allemand TGB International Gmbh, sise à Hambourg, pour le compte de laquelle elle agit en France dans le cadre du contrat de collaboration signé entre elles le 2 septembre 1998 ; que ce contrat, dont les clauses sont opposables, stipule que la société mère française agit pour le compte de sa filiale allemande dans le but d'établir des analyses de marché, de rechercher et de sélectionner des curriculum vitae, afin que la société TGB International Gmbh puisse mettre des personnels à la disposition de ses clients ;

Considérant que, pour soutenir que ses prestations ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en France, la SARL TGB International fait valoir qu'elle entre dans les prévisions dérogatoires de l'article 259 B ;

Mais considérant que les dispositions de l'article 259 B précité ne sont applicables qu'aux prestations qui y sont limitativement énumérées ; que la production d'analyses de marché, la recherche et la sélection de curriculum vitae ne sont pas au nombre des prestations visées par ces dispositions ; qu'en particulier, elles ne constituent pas des prestations de mise à disposition de personnel exécutées directement par elle-même ou pour le compte de la société allemande au sens, respectivement, des 7° et 8 ° de l'article 259 B ; que, par conséquent, les prestations de la SARL TGB International, qui a en France le siège de son activité, sont imposables en France par application des dispositions de l'article 259 précité ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE l'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a déchargé la SARL TGB International des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement au titre des années 1999 à 2002 et l'a condamné au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que la somme de 5 000 euros réclamée par la SARL TGB International soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 22 juin 2006 sont annulés.

Article 2 : Les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2002, ainsi que les pénalités correspondantes, sont remis intégralement à la charge de la SARL TGB International.

Article 3 : Les conclusions de la société TGB International tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 06VE02383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE02383
Date de la décision : 13/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme COROUGE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : HUBER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-11-13;06ve02383 ?
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