Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 27 mai 2005, présentée pour M. Jean-Jacques X, demeurant ..., par Me Paul X, avocat au barreau du Val-d'Oise ; M. X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0300968 en date du 24 mars 2005 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a que partiellement accueilli sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier René Dubos de Pontoise à réparer les conséquence dommageables résultant de l'intervention chirurgicale qu'il a subie dans cet établissement le 8 octobre 1999 ;
2°) de condamner le centre hospitalier René Dubos à lui verser la somme de 59 699,97 euros ;
3° ) de lui donner acte de ses réserves en ce qui concerne l'aggravation de son préjudice ;
4°) de condamner le centre hospitalier René Dubos à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que, lors de l'intervention qu'il a subie le 8 octobre 1999 en vue de l'élimination de lithiases rénales gauches, le centre hospitalier René Dubos a commis des fautes qui engagent intégralement sa responsabilité ; que, selon l'expert, la technique choisie par l'établissement, consistant en une néphrolithotomie percutanée, présentait des risques de perforation colique ; qu'il n'a pas été informé de ce risque, alors qu'une telle complication n'est pas exceptionnelle ; qu'une perforation colique est survenue pendant l'opération et n'a été diagnostiquée que le sixième jour post opératoire ; qu'entre le 8 et le 14 octobre 1999, il était fébrile et ressentait des douleurs ; qu'en outre, il était visible sur les clichés de l'abdomen que la sonde de néphrostomie était poussée trop loin ; qu'en raison du retard de diagnostic et de l'absence d'information du patient, la responsabilité du centre hospitalier se trouve entièrement engagée ; que les préjudices qu'il subit sont indissociablement et uniquement liés aux fautes de l'hôpital ; que c'est donc à tort que le tribunal a déclaré cet établissement responsable des trois quarts seulement des conséquences dommageables résultant des fautes commises ; qu'en ce qui concerne les frais hospitaliers, médicaux et pharmaceutiques, une somme de 299,87 euros est restée à sa charge ; qu'au titre de l'incapacité temporaire totale, il a subi un manque à gagner sur salaires de l'ordre de 6 000 euros ; qu'il subit une gêne dans la vie courante dont l'indemnisation justifie le versement d'une somme de 6 000 euros ; que l'incapacité permanent partielle dont il reste atteint, évaluée par l'expert à 7 %, doit être réparée par l'octroi d'une somme de 15 000 euros ; qu'au titre des souffrances endurées chiffrées à 5 / 7 par l'expert, du préjudice esthétique évalué à 2 / 7, du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel, il est fondé à demander une indemnisation s'élevant aux sommes respectives de 10 000 euros, 5 000 euros, 5 000 euros et 1 200 euros ; qu'il subit un préjudice moral et un préjudice professionnel justifiant que lui soient accordées les sommes de 1 200 euros et de 10 000 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2007 :
- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller ;
- les observations de Me Compagnon, avocat, pour M. X ;
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, qui souffrait de lithiases rénales gauches, a subi le 8 octobre 1999, dans le service d'urologie du centre hospitalier René Dubos à Pontoise, une néphrolithotomie percutanée en vue de procéder à l'ablation des calculs ; que des complications sont apparues à la suite de cette opération, qui ont nécessité la réalisation de plusieurs interventions dans le service de réanimation chirurgicale ; que M. X a recherché, devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, la responsabilité du centre hospitalier René Dubos en invoquant un défaut d'information préalablement à l'intervention du 8 octobre 1999 ainsi qu'un diagnostic tardif de la survenue d'une perforation colique ; qu'il interjette appel du jugement du 24 mars 2005 en tant que, par ce jugement, le tribunal a, d'une part, retenu la responsabilité du centre hospitalier à concurrence des trois quarts seulement des conséquences dommageables résultant des soins et traitements pratiqués afin de permettre l'évacuation des calculs rénaux et, d'autre part, s'est livré à une évaluation qu'il estime insuffisante des chefs de préjudices invoqués ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise demande à la Cour de condamner l'établissement hospitalier à lui rembourser la totalité de ses débours ; qu'enfin, par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier René Dubos demande que soit limitée au quart du préjudice total de M. X la part de responsabilité mise à sa charge et que soient minorées les sommes accordées au requérant et à la caisse primaire d'assurance maladie ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :
Sur la responsabilité du centre hospitalier René Dubos :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert que, lors de la réalisation de la néphrolithotomie percutanée le 8 octobre 1999, le chirurgien a mis en place une sonde de néphrostomie et une sonde urétérale ; que, dès le lendemain, une radiographie de l'abdomen révélait une mauvaise position de la sonde de néphrostomie qui était « poussée » trop loin, au delà du rein gauche ; qu'en outre, le même jour, M. X s'est plaint de douleurs abdominales et a présenté un contexte fébrile ainsi qu'un abdomen distendu ; que ce n'est toutefois qu'à la date du 14 octobre 1999, alors que M. X souffrait toujours, que la sonde a été retirée et qu'un scanner a été pratiqué ; que la découverte d'une perforation colique gauche a alors rendu nécessaire la réalisation d'une laparotomie ;
Considérant que la perforation colique qui s'est produite au cours de l'intervention du 8 octobre 1999, lors de la pose de la sonde de néphrostomie, pouvait être diagnostiquée dès le lendemain compte tenu des symptômes présentés par M. X et du résultat des clichés radiologiques pratiqués le 9 octobre 1999, qui permettaient une bonne visualisation de la sonde de néphrostomie, située 3 à 4 centimètres au delà du rein gauche ; qu'ainsi, le praticien du centre hospitalier disposait d'éléments évocateurs d'une perforation colique dans les suites opératoires immédiates ; qu'il résulte des termes mêmes du rapport de l'expert qu'une intervention dès le 9 ou le 10 octobre 1999 en vue de traiter immédiatement la perforation colique aurait permis d'éviter la laparotomie réalisée le 14 octobre 1999 ainsi que les trois interventions suivantes, consécutives à cette opération ; que le retard de diagnostic de cette perforation intestinale, qui peut être évalué à cinq jours, constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier René Dubos ; que le lien de causalité entre cette faute et les complications dont a été victime le patient étant établi, M. X et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise peuvent prétendre à la réparation de la totalité des conséquences dommageables résultant de la néphrolithotomie percutanée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre faute invoquée par le requérant et tirée de ce que le praticien hospitalier qu'il a consulté avant l'intervention litigieuse ne l'aurait pas informé du risque de perforation colique que comporte une néphrolithotomie percutanée, dès lors que ce défaut d'information n'induit aucun préjudice distinct, M. X et la caisse susmentionnée sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu la responsabilité du centre hospitalier à concurrence des trois quarts seulement des conséquences dommageables résultant du retard de diagnostic ; que, par voie de conséquence, le centre hospitalier n'est pas fondé à demander, par la voie de son recours incident, que sa responsabilité soit limitée au quart de ces conséquences ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 376 ;1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du III de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 : « Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre./ Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci ;après./ Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel./ Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée./ Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice. (…) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. (…) » ;
Considérant qu'au titre du poste « dépenses de santé », le relevé détaillé des prestations servies par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise mentionne la nature des différents frais supportés, les montants correspondants ainsi que les dates auxquelles ont été exposés ces débours ; que les frais médicaux et pharmaceutiques se sont élevés à la somme de 871,91 euros ; que si la caisse fait état de frais d'hospitalisation s'élevant à la somme totale de 34 049,58 euros, il résulte du décompte produit, rapproché des informations fournies par l'expert, que, s'agissant de la première période comprise entre le 8 octobre et le 19 novembre 1999, trente jours seulement sont directement en relation avec la faute retenue à l'encontre du centre hospitalier ; qu'au titre des périodes suivantes, celle comprise entre le 11 et le 15 décembre 1999 résulte d'une infection urinaire sans lien avec la faute commise par le centre hospitalier ; que l'allégation de M. X selon laquelle il aurait conservé à sa charge des frais d'hospitalisation pour un montant de 299,87 euros n'est pas assortie de pièce justificative ; qu'ainsi, les dépenses d'hospitalisation s'élèvent à 23 211,39 euros ; qu'au total, les dépenses de santé s'établissent donc à 24 083,30 euros
Considérant qu'à la suite des complications imputables aux fautes du centre hospitalier, M. X a subi une période d'incapacité temporaire totale du 8 octobre 1999 au 20 février 2001, le premier mois d'incapacité étant toutefois imputable à l'affection dont souffrait l'intéressé et non aux conséquences des fautes commises par l'établissement ; que, pour compenser sa perte de revenus, M. X a perçu des indemnités journalières qui lui ont été versées par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise et dont il est justifié pour un montant de 10 274, 84 euros ; que, conformément aux indications de l'expert, qui a précisé qu'en l'absence de la complication litigieuse, M. X aurait bénéficié d'un arrêt de travail d'un mois, la caisse ne réclame aucun remboursement au titre des indemnités journalières versées à l'assuré pendant les trente premiers jours de son indisponibilité ; que, par suite, le centre hospitalier n'est pas fondé à contester le montant susmentionné des indemnités journalières servies par la caisse ; que M. X, qui indique qu'il a repris son travail à mi-temps entre le 1er juin 2000 et le 28 février 2001, réclame les sommes de 6 000 euros et 10 000 euros au titre respectivement d'une perte de revenus et d'un « préjudice professionnel » en faisant valoir qu'il est à la fois salarié et associé de la société exploitant une entreprise d'horlogerie dont son épouse est la gérante ; que toutefois, il n'établit ni que les indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie n'ont pas compensé sa perte de salaires ni qu'en raison de son absence de l'entreprise, il aurait été privé d'une distribution de bénéfices ; que la perte de revenus invoquée par le requérant n'est donc pas justifiée ; qu'ainsi, le poste « perte de revenus » s'élève à la somme de 10 274, 84 euros ;
Considérant que M. X, alors âgé de 40 ans, reste atteint d'une incapacité permanente partielle de 7 % ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires et incluant
les difficultés ressenties lors de la reprise de son activité professionnelle ainsi que le préjudice d'agrément en fixant à 7 000 euros l'indemnisation de ce chef de préjudice ; que les souffrances endurées par M. X, évaluées à 5 sur une échelle de 1 à 7 et le préjudice esthétique, évalué à 2,5 sur la même échelle, doivent être réparés par une indemnité s'élevant respectivement à 11 000 euros et à 2 000 euros ; que l'existence d'un préjudice moral distinct des préjudices mentionnés ci-dessus n'est pas établie ; qu'ainsi, les préjudices personnels subis par M. X doivent donner lieu à une indemnisation s'élevant à 20 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise a droit au remboursement des prestations qu'elle a versées au titre des postes « dépenses de santé » et « perte de revenus » soit la somme totale de 34 358,14 euros ; qu'en réparation de ses préjudices personnels, M. X a droit à la somme de 20 000 euros, calculée ainsi qu'il a été dit ci-dessus ;
Sur les intérêts :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 34 358,14 euros à compter du 12 mai 2003, date de sa première demande devant le tribunal ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : «Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.» ; que pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ;
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise a demandé la capitalisation des intérêts le 6 septembre 2005 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, jusqu'au paiement complet des intérêts ;
Sur les conclusions de M. X tendant à ce qu'il lui soit donné acte de ses réserves en ce qui concerne le risque d'aggravation de son préjudice :
Considérant qu'il n'appartient pas juge administratif de donner acte de réserves relatives à des préjudices futurs éventuels ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de condamner le centre hospitalier René Dubos à payer à M. X et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise la somme de 1 500 euros chacun au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le centre hospitalier René Dubos est condamné à payer la somme de 20 000 euros à M. X.
Article 2 : Le centre hospitalier René Dubos est condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise la somme de 34 358, 14 euros. Cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2003. Les intérêts échus à la date du 6 septembre 2005 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le centre hospitalier René Dubos versera à M. X et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 0300968 du 24 mars 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X et de la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise est rejeté.
Article 6 : Les conclusions du recours incident du centre hospitalier René Dubos sont rejetées.
N° 05VE00983 2