Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2006, présentée pour M. Patrick X, demeurant chez Mme Gaye Y, ..., par Me Isabelle Peltier-Kabala, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0609586 du 17 octobre 2006 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2006 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué du 13 octobre 2006 est entaché d'une erreur de droit ; que cet arrêté a été pris sur le fondement de l'article L. 511-1 I° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issu de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ; que cette nouvelle disposition n'est pas encore en vigueur et ne peut donc pas servir de base légale à l'arrêté attaqué ; que le II° du même article aurait dû servir de base légale à l'arrêté querellé ; que le jugement rendu par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles est entaché d'erreur ; que l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 13 octobre 2006 méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est entré en France en 2002 ; qu'il y a rejoint de nombreux membres de sa famille, dont la plupart sont de nationalité française ; que sa mère est décédée ; qu'il n'entretient plus de rapport avec son père ; que ses frères et soeurs ne résident plus dans son pays d'origine ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ;
Vu le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2007 :
- le rapport de M. Evrard, magistrat désigné ;
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que si, pour écarter le moyen tiré de l'erreur de droit entachant l'arrêté en litige, le jugement rendu le 17 octobre 2006 par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles mentionne à tort que le préfet a visé les articles L. 511-1 à L. 51-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que le préfet a en réalité visé les articles L. 511-1 à L. 511-4 de ce code, cette erreur purement matérielle n'est pas de nature à affecter la régularité du jugement attaqué ;
Sur la légalité de l'arrêté décidant la reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de l'arrêté en litige : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (…) ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (…) » ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Patrick X, ressortissant camerounais né le 1er août 1973 à Douala, entré en France le 6 juin 2002 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français jusqu'à son interpellation par les services de police le 12 octobre 2006 ; que le préfet des Hauts-de-Seine a, le 13 octobre 2006, décidé de le reconduire à la frontière en se fondant sur les dispositions susmentionnées du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intéressé a justifié être entré régulièrement en France ; que, par suite, la décision de reconduire l'intéressé à la frontière ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, toutefois, que cette décision, motivée par l'irrégularité du séjour de M. X, trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du I du même article qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, M. X se trouvait dans la situation où, en application de ce 2°, le préfet pouvait décider qu'il serait reconduit à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;
Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article 52 de la loi susvisée du 24 juillet 2006 modifiant l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas entrées en vigueur à la date du 13 octobre 2006 à laquelle la décision attaquée est intervenue ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'erreur de droit au regard de ces dispositions ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant que si M. X fait valoir qu'il est entré en France en 2002 pour rejoindre de nombreux membres de sa famille résidant sur le territoire français, dont les uns possèdent la nationalité française et dont les autres sont titulaires de cartes de résident, que sa mère est décédée et qu'il ne conserve plus d'attache familiale dans son pays d'origine, il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant, entré en France à 29 ans, est célibataire et sans charge de famille ; que son père réside dans son pays d'origine ; qu'il ne peut, dès lors, soutenir qu'il est dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment, de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite, l'arrêté en date du 13 octobre 2006 n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, dès lors, sa requête doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
N° 06VE02541
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