Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Kodjovi X demeurant ..., par Me Coudray ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0301846 en date du 6 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 26 mars 2003 par laquelle l'inspecteur du travail de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Essonne a autorisé son licenciement pour motif économique ;
2°) d'annuler cette décision pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de L'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le jugement attaqué, qui ne mentionne pas l'ensemble des pièces de la procédure, est irrégulier ; que la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement est insuffisamment motivée, en ce qu'elle ne précise pas, s'agissant des efforts de reclassement opérés par la société Exel Textile, le lieu et les conditions financières d'exercice des fonctions qui lui ont été proposées, qu'elle n'indique pas si un motif d'intérêt général était de nature à faire obstacle à son licenciement, et qu'elle ne fait pas mention de son mandat de délégué du personnel titulaire ; que le comité d'entreprise n'a pas été consulté utilement, faute d'avoir disposé de tous les éléments lui permettant d'apprécier la nécessité de son licenciement ; que les propositions de reclassement ne contenant aucune indication sur la possibilité qu'il avait de poursuivre l'exercice de ses mandats représentatifs dans les autres postes qui lui étaient proposés, la société Exel Textile ne peut être regardée comme ayant satisfait à ses obligations de reclassement ;
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Vu les pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2007 :
- le rapport de Mme Garrec, premier conseiller ;
- les observations de Me Coudray et Me Wasilewski ;
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 412-18 et L. 436-1 du code du travail relatives respectivement aux conditions de licenciement des délégués syndicaux et des membres du comité d'entreprise, les salariés légalement investis de telles fonctions bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'autorité administrative compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
Considérant que la société Exel Textile, qui employait 160 salariés, avait pour objet l'entreposage et l'acheminement de marchandises textiles en provenance de Grande-Bretagne au profit de son unique client, la société Marks et Spencer ; qu'à la suite de la fermeture des magasins Marks et Spencer en France, le 31 décembre 2001, la société Exel Textile, n'ayant pas trouvé d'autres débouchés, a été dans l'obligation d'interrompre son activité et de se séparer de l'ensemble de son personnel ; que la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement collectif s'est déroulée entre les mois d'octobre 2001 et de février 2002, lequel a rendu, le 7 février 2003, un avis défavorable au licenciement de M. X, délégué syndical, membre du comité d'entreprise et délégué du personnel ; que, toutefois, M. X ayant refusé plusieurs propositions de reclassement, l'inspecteur du travail a autorisé celui-ci par une décision en date du 26 mars 2003 ; que M. X fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que si M. X soutient que le jugement serait irrégulier au motif qu'il ne mentionnerait pas l'ensemble des pièces de procédure, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée ; qu'un tel moyen ne peut, par suite, qu'être rejeté ;
Sur la légalité de la décision en date du 26 mars autorisant le licenciement de M. X :
En ce qui concerne la motivation de la décision attaquée :
Considérant, en premier lieu, que dans sa décision du 26 mars 2003, l'inspecteur du travail a indiqué que le licenciement de M. X, délégué syndical CFDT et représentant syndical au comité d'entreprise, était justifié par la cessation d'activité, à compter du 1er janvier 2002, de la société Exel Textile, que la réalité du motif économique était établie, et que la société avait satisfait, en proposant à l'intéressé des postes de préparateur de commandes, de cariste, d'agent de manutention dans le groupe Exel, à son obligation de reclassement ; qu'ainsi, ladite décision, alors même qu'elle n'aurait pas mentionné le lieu d'exercice et les conditions financières des mesures de reclassement proposées, est suffisamment motivée au sens des dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que le décision attaquée ne ferait pas expressément référence à un motif d'intérêt général est sans incidence, dès lors qu'elle autorise le licenciement de M. X ;
Considérant en troisième lieu, que M. X soutient que la décision de l'inspecteur du travail est entachée d'une erreur substantielle et doit être annulée au motif qu'elle ne mentionne pas sa qualité de délégué du personnel ; que, toutefois, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la cessation d'activité de la société, la connaissance de la qualité de délégué du personnel de M. X ne pouvait avoir de conséquence, ni sur son licenciement, que la situation impliquait, ni sur le reclassement, dès lors que cette qualité demeurait sans incidence sur celui-ci ; que, dans ces conditions, l'absence de mention de cette qualité, qui n'a privé d'aucune garantie le salarié, n'a pas été de nature à vicier la décision de l'inspecteur du travail ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure de consultation du comité d'entreprise :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 432-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, le comité d'entreprise est obligatoirement saisi en temps utile des projets de compression des effectifs et informé et consulté avant toute décision relative à la poursuite de l'activité ; qu'aux termes de l'article L. 321-3 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : «Dans les entreprises… où sont occupés habituellement plus de dix salariés et moins de cinquante salariés, les employeurs qui projettent de prononcer un licenciement pour motif économique sont tenus de réunir et de consulter les délégués du personnel lorsque le nombre de licenciements envisagé est au moins égal à dix dans une même période de trente jours. Sans préjudice des dispositions de l'article L. 432-1, dans les entreprises… où sont occupés habituellement au moins cinquante salariés, les employeurs qui projettent d'y effectuer un licenciement dans les conditions visées à l'alinéa précédent sont tenus de réunir et de consulter le comité d'entreprise… Le comité d'entreprise tient deux réunions. Les deux réunions doivent être séparées par un délai qui ne peut être supérieur… à vingt et un jours lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante…» ; que l'article L. 321-7-1 précise que le comité d'entreprise tient une troisième réunion lorsqu'il entend recourir à l'assistance d'un expert-comptable ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le comité d'entreprise de la société Exel Textile, qui a fait appel à l'assistance d'un expert-comptable, a été régulièrement consulté et a tenu des réunions à partir du mois de décembre 2001 et notamment les 14 décembre 2001, 27 décembre 2001 et 3 janvier 2002, sur la poursuite d'activité ainsi que sur le plan social prévu par les dispositions de l'article L. 321-4-1 code du travail ; que des réunions complémentaires ont eu lieu les 14 et 24 janvier 2002, ainsi que le 5 février 2002 ; que M. X n'apporte, en outre, aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles le comité d'entreprise, convoqué pour se prononcer sur son licenciement économique le 7 février 2003, n'aurait reçu aucune information sur les possibilités de reclassement qui lui avaient été offertes par la société Exel Textile ; qu'ainsi M . X n'est pas fondé à soutenir que la procédure de consultation du comité d'entreprise serait irrégulière ;
En ce qui concerne l'obligation de reclassement :
Considérant que dans le cadre du plan social mis en place, la société Exel Textile a proposé à ses salariés 91 postes de reclassement disponibles au mois de janvier 2002, répartis sur le groupe Exel France ; que 54 de ces postes étaient situés en Ile-de-France ; qu'à compter du mois de novembre 2002, elle a proposé 66 autres postes disponibles sur le site du groupe, à Béziers (Hérault) ; que, s'agissant de M. X, elle lui a fait, le 20 février 2002, cinq propositions de reclassement sur des postes équivalents à celui qu'il occupait, dont deux situés dans le département de l'Essonne ; qu'elle lui a proposé, le 11 mars 2002 et le 29 avril 2002, un poste de préparateur de commandes, respectivement à Evry et à Villabé, et, le 10 décembre 2002, six autres emplois correspondant à sa spécialité ; que toutes ces propositions comportaient l'indication de la rémunération et de la durée du travail ; que l'intéressé s'est abstenu de répondre à ces offres d'emploi et leur a opposé un refus global, le 30 décembre 2002 ; que si M. X soutient que ces emplois, qui étaient comparables à celui qu'il exerçait dans la société Exel Textile, auraient été moins rémunérés, il ne l'établit pas ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la société Exel Textile, qui n'était pas tenue, en tout état de cause, de lui faire des propositions lui permettant de poursuivre ses fonctions représentatives, n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 26 mars 2003 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement et à demander l'annulation de ladite décision ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, de lui accorder le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ni, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Exel Textile présentées sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Exel Textile tendant à la condamnation de M.X au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
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N° 05VE01360