Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me Duhamel, avocat au barreau de Cergy-Pontoise ;
Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0034561 en date du 16 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui leur ont été assignées au titre des années 1994 et 1996 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutiennent que, bien que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié exige qu'un dialogue contradictoire soit engagé avec le contribuable avant l'envoi d'une demande de justifications en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, ils ont été privés de cette garantie et n'ont ainsi pas été en mesure de débattre avec le vérificateur des crédits figurant sur leurs comptes bancaires et sur le compte courant d'associé détenu par Mme X dans la SARL Sonimmo, avant de recevoir la lettre datée du 24 mars 1997, qui leur a été remise le 8 avril 1997 ; que, dans cette demande de justifications, figuraient les sommes de 12 560 799, 36 F au titre de l'année 1994 et de 11 710 207, 11 F au titre de l'année 1995, apparaissant au débit du compte courant d'associé de Mme X, alors que seules, les sommes apparaissant au crédit de ce compte peuvent entrer dans le champ d'application de la procédure prévue à l'article L. 16 et, le cas échéant, être imposés à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée selon la procédure de taxation d'office en cas de non justification ; que, sur les deux montants susmentionnés, seules ont été appréhendées, par retraits d'espèces, les sommes de 88 000 F en 1994 et de 253 000 F en 1995 ; que l'irrégularité de la demande de justifications a vicié l'ensemble de la procédure d'examen de leur situation fiscale personnelle ; que c'est à tort que l'administration a estimé que les sommes inscrites au débit du compte courant d'associé de Mme X devaient être imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application de l'article 109-1-2° du code général des impôts ; que seuls les crédits figurant en compte courant d'associé peuvent être imposés dans cette catégorie, dans la mesure où ils correspondent à des sommes non prélevées sur les bénéfices sociaux, alors que la qualification de distributions n'est pas susceptible de s'appliquer aux sommes inscrites au débit d'un compte courant d'associé ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2006 :
- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;
Sur la procédure d'imposition :
En ce qui concerne le dialogue contradictoire :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : « Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux l'article L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. » ;
Considérant que M. et Mme X, qui ont fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle afférent aux années 1993 à 1995, ont reçu communication d'un exemplaire de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié dans son édition de juin 1996 ; que ce document précise que le vérificateur doit rechercher un dialogue contradictoire avec le contribuable avant d'avoir recours à la procédure contraignante de la demande de justifications ; que les requérants soutiennent que cette prescription n'a pas été respectée en l'espèce, l'envoi par le vérificateur de la demande de justifications en date du 24 mars 1997 n'ayant été précédé d'aucun dialogue contradictoire ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'envoi par le service d'un premier courrier en date du 12 septembre 1996 relatif à la composition du patrimoine de M. et Mme X, le vérificateur a proposé à ces derniers de les recevoir le 30 septembre suivant ; que ce rendez-vous a été repoussé à deux reprises à la demande des contribuables et s'est tenu le 19 novembre 1996 ; que, par lettre du 3 décembre 1996, le vérificateur a rappelé aux intéressés les éléments de cet entretien ainsi que l'absence de production des relevés bancaires en dépit de la demande formulée en ce sens lors de l'envoi, le 20 août 1996, de l'avis d'examen de situation fiscale personnelle ; que, par lettre du 4 mars 1997, le vérificateur a invité les contribuables à une seconde rencontre qu'il a fixée au 18 mars 1997 ; que ces derniers ne s'étant pas présentés à ce rendez-vous, le service leur a adressé, par lettre du 24 mars suivant, une demande d'éclaircissements et de justifications portant sur les années 1994 et 1995 ;
Considérant que, si M. et Mme X invoquent une absence totale de dialogue contradictoire, les diverses correspondances qu'ils ont reçues témoignent de la recherche de ce dialogue par le vérificateur, lequel a dû adresser aux intéressés trois lettres, en septembre et octobre 1996, pour permettre les reports de rendez-vous demandés par les contribuables, a réclamé en vain, par deux fois, les relevés des comptes bancaires du foyer fiscal et a proposé, par sa lettre susmentionnée du 4 mars 1997, un second entretien fixé au 18 mars suivant, au cours duquel devaient être examinés les crédits inscrits sur les comptes bancaires des contribuables et sur le compte courant de Mme X ; que si les requérants font valoir qu'ils ont retiré le pli contenant la proposition du rendez vous le 19 mars 1997, soit le lendemain de la date à laquelle était fixé cet entretien, ils ne sauraient se prévaloir de cette circonstance pour soutenir que le service n'a pas respecté les dispositions de la charte dès lors, d'une part, que dès le 5 mars 1997, date de présentation du pli par le préposé chargé de la distribution du courrier, ils étaient à même d'avoir connaissance de la date du rendez-vous proposée par le vérificateur et, d'autre part, qu'ils se sont abstenus de prendre contact avec celui-ci immédiatement après le retrait de la lettre au bureau de poste, afin de solliciter, dans un délai aussi rapproché que possible de la date de réception de cette lettre, la fixation d'un nouveau rendez-vous ; qu'ils n'ont pas davantage expédié aussitôt les documents bancaires demandés depuis le 20 août 1996 ; qu'ainsi, dès lors qu'à la date du 24 mars 1997, les contribuables ne s'étaient pas manifestés auprès du vérificateur, ce dernier pouvait, sans méconnaître l'exigence du dialogue contradictoire prévu par la charte, leur faire parvenir une demande de justifications ;
En ce qui concerne le contenu de la demande de justifications et la mise en oeuvre de la procédure d'imposition d'office :
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, l'administration peut, lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir qu'un contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, lui demander des justifications et, s'il s'abstient de répondre à cette demande ou n'apporte pas de justifications suffisantes, le taxer d'office à l'impôt sur le revenu ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X ont déclaré des revenus bruts de 90 372 F au titre de l'année 1994 et de 99 240 F au titre de l'année 1995 alors qu'au cours de ces mêmes années, les sommes de 420 153, 02 F et de 315 838, 57 F ont été respectivement portées au crédit de leurs divers comptes bancaires ; que, pour contester ces montants, M. et Mme X soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que le vérificateur aurait commis une erreur en prenant en compte les sommes inscrites également au crédit du compte courant d'associé de Mme X ouvert dans les écritures de la SARL Sonimmo alors qu'il « connaissait le caractère fictif » des sommes en cause ; que toutefois, contrairement à ce que prétendent les requérants, les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales permettent à l'administration de comparer les crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable au montant brut de ses revenus déclarés pour établir, lorsqu'elle constate que ces crédits excèdent le double des revenus déclarés, l'existence d'indices de revenus dissimulés l'autorisant à demander à l'intéressé des justifications ; qu'en tout état de cause, les sommes susmentionnées de 420 153, 02 F et de 315 838, 57 F ne représentent que le montant total des sommes figurant sur les seuls comptes bancaires du foyer fiscal analysés dans la demande d'éclaircissements et de justifications du 24 mars 1997 ; qu'en l'espèce, l'écart résultant du rapprochement des chiffres susmentionnés suffisait à indiquer que M. et Mme X avaient pu disposer de revenus plus importants que ceux qu'ils avaient déclarés et permettait à l'administration de leur adresser une demande de justifications, sur le fondement des dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, d'autre part, que si les requérants font en outre valoir que, dans sa lettre susmentionnée du 24 mars 1997, l'administration les a, également à tort, invités à fournir des justifications sur des sommes apparaissant au débit du compte courant d'associé de Mme X et présentant le caractère de libéralités taxables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, il est constant que les sommes en cause, taxées d'office par erreur comme revenus d'origine indéterminée, ont donné lieu à un dégrèvement de la part de l'administration ; que, dans ces conditions, M. et Mme X ne peuvent utilement invoquer une irrégularité entachant la demande de justifications et la mise en oeuvre de la procédure d'imposition d'office ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : « Sont considérés comme des revenus distribués : (…) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (…) ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : « Sont notamment considérés comme revenu distribué : a. Sauf preuve contraire les sommes mises à la disposition des associés directement ou par des personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (…) » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, gérante de droit et associée de la SARL Sonimmo, exerçant une activité de marchand de biens, détient mille parts sociales des deux mille parts composant le capital de cette société, ses deux fils détenant cinq cents parts chacun ; qu'au cours de la vérification de comptabilité à laquelle il a été procédé et qui a porté sur les exercices 1993 à 1995, le vérificateur a constaté que cette société avait bénéficié de remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée figurant sur des factures dont le caractère fictif a été établi ; que ces remboursements de taxe ont été opérés par des virements effectués par le Trésor public sur le compte bancaire dont la société est titulaire à la banque Caixa General de depositos ; que les sommes correspondant à ces remboursements ont été inscrites au débit du compte courant d'associé de Mme X ouvert dans les écritures de la SARL Sonimmo et ont donné lieu à des chèques établis au nom de Mme X et de ses fils, ou à des retraits d'espèces ou encore à des chèques établis pour le règlement de dépenses du foyer fiscal ; qu'il résulte de ces constatations précises et concordantes que Mme X se comportait en seul maître de l'affaire ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les sommes mises à la disposition de la gérante ont été appréhendées par l'intéressée ; que, par suite, les sommes en cause constituaient des revenus distribués imposables sur le fondement des dispositions précitées du 1-2° de l'article 109 du code général des impôts ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts : « Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses (...) » ;
Considérant que la notification de redressement du 4 juillet 1997 adressée à M. et Mme X indique que les redressements opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sont assortis des pénalités pour manoeuvres frauduleuses prévues à l'article 1729 précité, au motif que les sommes correspondant à des remboursements de taxe sur la valeur ajoutée obtenus indûment par la SARL Sonimmo ont été appréhendées par Mme X et que les circonstances dans lesquelles sont intervenus les prélèvements de ces sommes au profit de Mme X sont constitutives de manoeuvres frauduleuses ; que, par suite, la notification est suffisamment motivée ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les crédits de taxe sur la valeur ajoutée que le Trésor public a remboursés à la SARL Sonimmo ont été obtenus sur la base de factures fictives ; que le compte bancaire ouvert au nom de la société, sur lequel ont été inscrits ces crédits, a permis d'alimenter le compte courant d'associé de Mme X, qui, en sa qualité de gérante statutaire, ne pouvait ignorer qu'elle utilisait à titre personnel des sommes que la société avait obtenues indûment et dont elle a dissimulé l'appropriation qu'elle en a faite pour ses besoins personnels ; que ces agissements, que l'administration n'a découverts qu'à l'occasion de la vérification de comptabilité de la SARL Sonimmo, ont été à bon droit regardés comme constitutifs de manoeuvres frauduleuses ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
N° 04VE00242 2