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21/09/2006 | FRANCE | N°04VE01305

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2eme chambre, 21 septembre 2006, 04VE01305


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Ndary X, demeurant ..., par Me Daillet, avocat ;

Vu la requête enregistrée

au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 13 avril ...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Ndary X, demeurant ..., par Me Daillet, avocat ;

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 13 avril 2004, présentée par M. Ndary X ; M. Ndary X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0103390 en date du 28 février 2003 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de maintien en zone d'attente prise à son encontre par le ministre de l'intérieur le 6 janvier 2001, à ce que soit ordonnée la restitution des documents qui lui ont été confisqués, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 1 220 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que soit ordonnée l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur en date du 6 janvier 2001 ;

3°) d'ordonner la restitution des documents qui lui ont été confisqués ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le délai d'appel n'a pas couru, faute de réception par lui de la notification du jugement ; que le jugement est entaché d'erreur de fait en ce qu'il énonce que les documents qu'il a présentés à la police des frontières étaient falsifiés ; que le jugement méconnaît les accords de Schengen en ce qu'il admet une présomption de falsification des documents transfrontaliers ;

……………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 2006 :

- le rapport de Mme Grand d'Esnon, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X aurait reçu notification du jugement attaqué plus de deux mois avant la date d'enregistrement de la présente requête ; qu'il suit de là que la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit être écartée ;

Au fond :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, alors applicable : « Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1. Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur… » ; qu'aux termes de l'article 35 quater de la même ordonnance : « L'étranger qui arrive en France par la voie … aérienne et qui soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international et désignée par arrêté, un port ou un aéroport pendant le temps strictement nécessaire à son départ ( …) » ; qu'aux termes de l'article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 : « I. Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des Parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci-après : a) Posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière déterminé par le comité exécutif ; b) Etre en possession d'un visa valable si celui-ci est requis ; c) présenter le cas échéant, les documents justifiant de l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un Etat tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir ces moyens ; d) Ne pas être signalé aux fins de non-admission ; e) Ne pas être considéré comme pouvant compromettre l'ordre public, la sécurité nationale ou les relations internationales de l'une des parties contractantes » ; qu'en vertu de l'article 6 de la même convention, les étrangers qui, n'étant pas ressortissants de l'un des Etats membres de la Communauté Européenne, franchissent les frontières extérieures des parties contractantes, doivent faire l'objet, de la part des autorités compétentes, d'un contrôle approfondi portant, notamment, sur le respect des conditions fixées par l'article 5 précité ;

Considérant que M. X, de nationalité sénégalaise, né en 1956 et résidant en Italie depuis 1990, a débarqué à l'aéroport de Roissy le 6 janvier 2001, en provenance de Dakar et en transit pour Milan ; que, par la décision attaquée du 6 janvier 2001, le ministre de l'intérieur a décidé son maintien en zone d'attente pendant une durée de 48 heures pour permettre son départ du territoire français, en application des dispositions de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitées, au motif qu'il était « en possession d'un permis de séjour italien falsifié par réfection du timbre humide et d'une carte d'identité italienne contrefaite» ; que ces deux documents ont été confisqués par les agents de la police de l'air et des frontières ;

Sur les conclusions en annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que le ministre de l'intérieur, auquel incombe la charge de la preuve de la falsification de la carte d'identité et du permis de séjour, se borne à indiquer que, du fait de leur spécialisation, les fonctionnaires de la police aux frontières sont « à même de détecter, même si elles sont habilement faites, les falsifications comme la substitution de photographies sur un passeport ou la réfection d'un timbre humide » ; qu'en s'abstenant ainsi d'apporter des éléments matériels établissant la falsification alléguée et de préciser, en en justifiant, les mentions exigées par les autorités italiennes sur ce type de document, le ministre ne met pas le juge administratif en mesure d'apprécier le bien fondé de cette allégation ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges, sur la base des seules allégations du ministre et des seules photocopies des documents litigieux, ont écarté le moyen tiré de ce que la falsification du permis de séjour et de la carte d'identité n'étaient pas établis ; que par suite, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions en injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 8-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : « Les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu. » ;

Considérant que le présent arrêt prononçant l'annulation de la seule décision du ministre de l'intérieur en date du 6 janvier 2001 prononçant le maintien de M. X en zone d'attente et non de la décision lui confisquant son permis de séjour et sa carte d'identité, son exécution n'implique pas nécessairement que ces documents lui soient restitués ; qu'il suit de là que les conclusions tendant à ce que soit enjoint au ministre de l'intérieur de les lui restituer n'entrent pas dans les pouvoirs d'injonction du juge et doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 6 janvier 2001 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. X de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0103390 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2001 par laquelle le ministre de l'intérieur a décidé de le maintenir en zone d'attente.

Article 2 : La décision du ministre de l'intérieur en date du 6 janvier 2001 décidant le maintien de M. X en zone d'attente est annulée.

Article 3 : l'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

04VE01305 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 04VE01305
Date de la décision : 21/09/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: Mme Jenny GRAND D'ESNON
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : DAILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-09-21;04ve01305 ?
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