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11/07/2006 | FRANCE | N°05VE02010

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 11 juillet 2006, 05VE02010


Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2005, présentée pour Mme Rabiha X, demeurant chez M. et Mme Y, ..., par Me Ragno ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508158 du 4 octobre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2005 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'ordonner la production de l'entier dossier de l'a

dministration ;

4°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation a...

Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2005, présentée pour Mme Rabiha X, demeurant chez M. et Mme Y, ..., par Me Ragno ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508158 du 4 octobre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2005 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'ordonner la production de l'entier dossier de l'administration ;

4°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme X soutient que la mesure de reconduite à la frontière méconnaît les dispositions du 5° de l'article 6 de l'accord franco algérien, dès lors que sa présence auprès de sa soeur malade est indispensable et alors qu'aucun autre membre de sa famille n'est suffisamment disponible pour assister celle-ci dans les actes de la vie courante ; qu'elle même souffre de troubles respiratoires dont le traitement ne pourrait qu'être aléatoire en cas de retour dans son pays d'origine, de sorte que la mesure de reconduite est également contraire aux dispositions du 7° de l'article 6 de ce même accord ; que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa vie privée et familiale, compte tenu de la nécessité de sa présence aux côtés de sa soeur ; que cet arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que plusieurs membres de sa famille résident en France et sont de nationalité française ;

…………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2006 :

- le rapport de M. Davesne, magistrat délégué ;

- les observations de Me Ragno, avocat de Mme X ;

- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, ressortissante algérienne entrée en France en 2001, vit auprès de sa soeur, de nationalité française, qui souffre notamment de graves problèmes cardiaques, d'une hépatite C et d'un état dépressif et s'est vu reconnaître un taux d'incapacité de 80 % ; qu'il n'est pas contesté par le préfet des Hauts-de-Seine, qui n'a produit aucune mémoire en défense devant la Cour, que Mme X apporte effectivement à sa soeur, qui a un fils né en 1994, une assistance pour l'accomplissement des actes de la vie quotidienne ; que cette aide ne peut être pleinement assurée par son mari, qui travaille à temps plein, ni par une autre soeur, qui est également salariée et mère de famille et réside dans une localité de la région parisienne éloignée du domicile de la malade ; que, dans ces conditions, et alors même que sa mère et une autre de ses soeurs vivraient en Algérie, le préfet des Hauts-de-Seine, en décidant la reconduite à la frontière de Mme X, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris cet arrêté ; que l'arrêté contesté a ainsi été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et d'ordonner la production de l'entier dossier détenu par l'administration, que Mme X est fondée soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ;

Considérant qu'en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas, il incombe au préfet, à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; qu'il y a lieu, en conséquence, de faire droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par Mme X et de prescrire au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mme X la somme de 1 500 euros qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 0508158, en date du 4 octobre 2005, du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 15 septembre 2005 du préfet des Hauts-de-Seine décidant la reconduite à la frontière de Mme X sont annulés.

Article 2 : Le préfet des Hauts-de-Seine réexaminera la situation de Mme X dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N°05VE02010

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE02010
Date de la décision : 11/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien DAVESNE
Rapporteur public ?: M. BRESSE
Avocat(s) : RAGNO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-07-11;05ve02010 ?
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