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22/06/2006 | FRANCE | N°05VE02069

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 22 juin 2006, 05VE02069


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 17 novembre 2005, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508366 du 7 octobre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 4 octobre 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Slobodan X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Slobodan X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Le préfet soutient que M. X ne peut se prévaloir d'u

ne durée de séjour importante sur le territoire français ; que la présence d'attaches f...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 17 novembre 2005, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508366 du 7 octobre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 4 octobre 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Slobodan X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Slobodan X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Le préfet soutient que M. X ne peut se prévaloir d'une durée de séjour importante sur le territoire français ; que la présence d'attaches familiales de l'intéressé en France n'est pas un obstacle à sa reconduite ; que ce dernier ne démontre pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine ; qu'enfin la réalité du concubinage de M. X et de Mlle Y n'est pas avérée ; que pour l'ensemble de ces circonstances, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif, l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la vie privée et familiale de l'intéressé ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2006 :

- le rapport de M. Evrard, magistrat délégué ;

- les observations de Me Sot, pour M. X ;

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré. (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Slobodan X, de nationalité yougoslave, s'est maintenu plus de trois mois sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Slobodan X, né le 25 octobre 1983 à Belgrade en Yougoslavie, pays dont il possède la nationalité, est entré régulièrement en France en 1998, à l'âge de 14 ans, accompagnant sa mère qui avait obtenu sa garde à la suite de son divorce ; qu'il a effectué une scolarité continue en France jusqu'en 2000 ; que sa mère, son oncle et sa tante résident régulièrement en France de même que son demi-frère et sa demi-soeur qui ont la nationalité française ; qu'il n'a plus de nouvelles depuis 2001 de son père demeuré en Serbie ; qu'une de ses tantes habite en Allemagne, deux autres au Danemark et une Autriche ; qu'ainsi, il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine ; qu'il vit depuis 2002 en concubinage avec Mlle Y ; qu'il est le père de deux enfants nés en France en 2002 et 2004, dont l'un est scolarisé, qu'il élève conjointement avec Mlle Y ; qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que l'arrêté attaqué a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 4 octobre 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; que l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. » ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application de ces dispositions, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; qu'il appartient, par suite, au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il y a lieu de prescrire au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de le condamner au paiement d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761 ;1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sot, avocat de M. X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier, pour le compte de Me Sot, la somme de 1 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : La requête du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est rejetée.

Article 2 : Le préfet statuera sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Me Sot, avocat de M. X, la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sot renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

N° 05VE02069

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE02069
Date de la décision : 22/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Paul EVRARD
Rapporteur public ?: Mme COLRAT
Avocat(s) : SOT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-06-22;05ve02069 ?
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