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13/04/2006 | FRANCE | N°02VE02407

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 13 avril 2006, 02VE02407


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SCI FRANCONVILLE SAINT MARCS, dont le siège social est situé au ... à Saint-

Germain-en Laye (78100), par Me X... du cabinet CMS Bureau Fr...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SCI FRANCONVILLE SAINT MARCS, dont le siège social est situé au ... à Saint-Germain-en Laye (78100), par Me X... du cabinet CMS Bureau Francis Y... ;

Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la SCI FRANCONVILLE SAINT MARCS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97813 en date du 7 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait à l'expiration du troisième trimestre de l'année 1996 ;

2°) d'accorder le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 124 192,12 euros ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le tribunal administratif a fait une application erronée de l'article 260-2° du code général des impôts dès lors que ni ce texte ni les articles 193 à 195 de l'annexe II audit code n'exigent que le propriétaire d'un immeuble, qui exerce l'option pour l'assujettissement des loyers à la taxe sur la valeur ajoutée, soit titulaire d'un bail ou de tout document justifiant de cette qualité ; que la notification de redressement du 1er février 1995 par laquelle le service l'avait taxée d'office pour n'avoir pas déposé de déclarations de chiffre d'affaires et qui impliquait que le service avait ainsi reconnu la qualité d'assujettie, matérialisée par la déclaration d'option, constituait une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que l'administration dans une instruction 3-D-3-81 publiée au bulletin officiel des impôts, commentant l'arrêt du Conseil d'Etat du 21 décembre 1979 S.A. Crédit foncier et immobilier, rappelle qu'un redevable est fondé à opérer la déduction et, le cas échéant, demander le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée supportée à raison de son activité sans attendre la réalisation des opérations au titre desquelles la taxe est déduite ; que la jurisprudence de la Cour de Justice des communautés européennes, dans ses arrêts du 14 février 1985, Rompelman et du 29 février 1996, Inzo a considéré que l'intention d'affecter la chose future à la réalisation de recettes devant être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée suffit à conférer la qualité d'assujetti avec toutes les obligations et droits qui s'y attachent ; que la doctrine administrative ( inst. 3 D-4-99 du 28 septembre 1999 ), qu'elle est en droit d'invoquer sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, admet clairement que le droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée est acquis dès lors que les dépenses sont engagées en vue de la réalisation d'opérations taxables, sans attendre la réalisation effective de ces opérations, et que ce droit ne peut être remis en cause de façon rétroactive lors de la perte de la qualité d'assujetti ;

………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2005 :

- le rapport de M. Martin, premier conseiller ;

- les observations de Me X... pour la SCI FRANCONVILLE SAINT MARCS ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI FRANCONVILLE SAINT MARCS, créée en juin 1994 et qui avait pour objet social l'achat de terrains afin d'y édifier toutes constructions en vue de leur location, avait fait connaître le 7 octobre 1996 à l'administration fiscale qu'elle entendait exercer l'option prévue par le 2° de l'article 260 du code général des impôts ; qu'elle a demandé le 21 octobre 1996 le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le coût de l'acquisition de l'immeuble pour un montant de 815 433 F au titre du troisième trimestre 1996 ; que l'administration a rejeté cette demande de remboursement aux motifs que l'option expresse pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée n'a été formulée que le 7 octobre 1996 et qu'aucun bail ou tout autre document permettant de justifier la réalité des liens juridiques noués avec le preneur n'avait été présenté ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions du 2° de l'article 260 du code général des impôts ouvrent la possibilité d'acquitter sur leur demande la taxe sur la valeur ajoutée aux personnes qui donnent en location des locaux nus, autres que destinés à l'habitation ou à un usage agricole, pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou, si le bail est conclu à compter du 1er janvier 1991, pour les besoins de l'activité d'un preneur non assujetti… lorsque le bail fait mention de l'option par le bailleur ; qu'il résulte de ces dispositions, prises dans l'exercice de la faculté ouverte aux Etats membres, par l'article 13 C de la sixième directive du 17 mai 1977, de déterminer les modalités de l'option pour la taxe sur la valeur ajoutée, que la validité d'une option formulée par le propriétaire de locaux qu'il destine à la location n'est assurée, et que, par suite, cette option ne peut emporter d'effets, tels que l'ouverture à son auteur du droit à l'imputation ou au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé le coût d'acquisition des locaux, qu'à compter de la date à laquelle sont souscrits, aux fins de location, immédiate ou future, de ces locaux, des engagements contractuels de nature à établir la conformité de l'opération aux prévisions ci-dessus rappelées ;

Considérant qu'il suit de là qu'en jugeant que l'administration n'avait pas ajouté une condition non prévue par la loi et avait à bon droit rejeté la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée en se fondant sur le fait que la société requérante n'avait justifié d'aucun document de nature à justifier de sa qualité de bailleur de l'immeuble pour lequel elle avait formulé l'option régie par les dispositions du 2° de l'article 260 du code général des impôts, le Tribunal administratif de Versailles n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions du paragraphe 2 de l'article 17 de la 6ème directive : « Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti ( . . . ) et qu'en vertu du paragraphe 1 dudit article 17, ce droit prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'une personne a l'intention, confirmée par des éléments objectifs, de commencer une activité économique et qu'elle acquiert, dans ce but, des biens et des services taxés, elle doit être considérée comme un assujetti agissant en tant que tel et comme ayant le droit de déduire immédiatement la taxe sur la valeur ajoutée relative aux acquisitions effectuées pour les besoins des opérations taxées qu'elle envisage, sans devoir attendre le début de l'exploitation de l'entreprise ; que toutefois l'administration fiscale est en droit d'exiger des éléments objectifs de preuve établissant que la société avait l'intention d'utiliser les locaux et qu'en l'absence de tels éléments de preuve, l'administration peut refuser le droit à déduction ; qu'en l'espèce l'administration était donc en droit d'exiger que l'intention déclarée soit confirmée par des éléments objectifs tels que l'aptitude spécifique des locaux projetés à une exploitation commerciale ;

Considérant que la preuve de la qualité de bailleur ou de l'existence de tout document faisant état d'un preneur peut être rangée au nombre des éléments objectifs que les Etats membres peuvent, en matière d'option à la taxe sur la valeur ajoutée pour la location de biens immeubles, exiger pour, en application des dispositions de l'article 13 C de la 6ème directive, prouver l'intention déclarée d'un redevable de réaliser des opérations imposables, sans méconnaître le principe communautaire de neutralité et de proportionnalité et sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les intérêts du Trésor ;

Considérant qu'à la date à laquelle la SCI FRANCONVILLE SAINT MARCS a sollicité le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le coût de l'acquisition de l'immeuble, le 21 octobre 1996, la société requérante n'avait pas justifié par des éléments objectifs suffisants que le terrain de 52 ares qu'elle avait acheté en 1994 à Franconville était bien destiné à la construction d'un immeuble à usage professionnel destiné à être donné en location à une société du groupe Ikéa dont elle faisait partie ; que, notamment, la société reconnaissait dans une lettre en date du 19 novembre 1996, en réponse à une demande de l'administration, qu'elle était dans l'impossibilité de produire un contrat de bail dans la mesure où les travaux de construction du futur établissement n'avaient toujours pas débuté ; que si l'acte de constitution de la société indiquait qu'elle a été créée en vue de la construction et de la location d'un magasin et si la déclaration d'option fait état du projet de location des locaux, ces mentions ne permettent pas en elles-mêmes d'établir la qualité de bailleur de la société ;

Considérant que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les principes de confiance légitime et de sécurité juridique et de bonne administration en s'abstenant de formuler des observations en réponse à la lettre d'option adressée par la SCI FRANCONVILLE SAINT MARCS le 7 octobre 1996 dans la mesure où celle-ci s'est bornée à indiquer sans autre précision qu'elle informait l'administration de sa création et de son option en faveur de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts : « sont (…) soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (…) les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeuble. Sont notamment visés : (…) les livraisons à soi-même d'immeubles (…) », pour lesquelles l'article 266-2-a) du même code prévoit que la taxe est assise « sur le prix de revient total des immeubles y compris le coût des terrains ou leur valeur d'apport » ;

Considérant que si la SCI FRANCONVILLE SAINT MARCS soutient que la taxation à la taxe sur la valeur ajoutée de la livraison à soi-même ouvre le droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition du terrain à bâtir, des travaux entrepris et de l'ensemble des dépenses concourant à la production de l'immeuble sans qu'il soit nécessaire d'attendre l'exercice par le bailleur d'une option pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, il n'est pas établi qu'à la date à laquelle était demandé le remboursement de la taxe à la valeur ajoutée, le 21 octobre 1996, l'immeuble qu'elle avait construit devait donner lieu à une livraison à soi-même au sens des dispositions de l'article 257-7-1° c) précité du code général des impôts ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la doctrine administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : « La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a pris formellement position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal » ; que le premier alinéa de l'article L. 80 A prévoit que : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration » ; que si la SCI FRANCONVILLE SAINT MARCS se prévaut de ce que l'administration lui a, par voie de taxation d'office, notifié le 1er février un redressement en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période de juin à septembre 1994, pour ne pas avoir déposé les déclarations mensuelles prévues à l'article 287 du code général des impôts et de ce que l'administration aurait ainsi reconnu sa qualité d'assujettie, cette notification ne peut être regardée comme une interprétation d'un texte fiscal opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales dès lors que ces dispositions ne sont applicables qu'aux seuls rehaussements d'impositions antérieures et, qu'en l'espèce, l'imposition contestée était une imposition primitive, au surplus abandonnée, et non un rehaussement et, qu'en tout état de cause, la circonstance que l'administration n'ait pas, dans la notification de redressement, contesté la validité de l'option en faveur du régime d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des loyers qu'elle entendait encaisser ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales dont la société requérante pourrait utilement se prévaloir ;

Considérant que si la société requérante invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales le bénéfice de l'instruction 3-D-3-81 du 2 janvier 1981 qui commente l'arrêt du Conseil d'Etat du 21 décembre 1979 aux termes de laquelle : « sauf éventuellement régularisation ultérieure, un redevable est fondé à opérer la déduction et, le cas échéant, demander le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée supportée à raison de son activité sans attendre la réalisation des opérations au titre desquelles la taxe est déduite », cette invocation de la doctrine est sans incidence sur l'exigence posée notamment par l'article 260-2° du code général des impôts selon laquelle l'option à la taxe sur la valeur ajoutée ne peut être valablement exercée en l'absence de tout lien juridique noué avec un preneur ;

Considérant que si la société requérante entend invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de la doctrine contenue dans l'instruction 3-D-4-99 du 28 septembre 1999 et celui de la doctrine contenue dans l'instruction 3-A-4-05 du 23 mai 2005 selon laquelle la validité de l'exercice de l'option par les assujettis n'est plus subordonnée à ce que cette déclaration soit accompagnée d'un bail, d'une promesse de bail ou de tout document analogue, ces doctrines, qui sont postérieures aux années d'imposition en litige, ne sont, en tout état de cause, pas opposables à l'administration ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI FRANCONVILLE SAINT MARCS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SCI FRANCONVILLE SAINT MARCS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI FRANCONVILLE SAINT MARCS est rejetée.

N° 02VE02407 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 02VE02407
Date de la décision : 13/04/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : GROUSSET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-04-13;02ve02407 ?
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