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28/02/2006 | FRANCE | N°04VE01058

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4eme chambre, 28 février 2006, 04VE01058


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me Galard, avocat au barreau de Paris ;

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a requête, enregistrée le 23 mars 2004 au greffe de la Cour admi...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me Galard, avocat au barreau de Paris ;

Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. Michel X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0005105 en date du 22 janvier 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti au titre des période du 1er janvier 1993 au 30 septembre 1994 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 4 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Il soutient qu'il n'a été ni l'exploitant réel, ni l'exploitant apparent du restaurant « Le relais Louis XIII » situé à Chamarande (Essonne) et que c'est par suite à tort que, dans le cadre de la vérification de comptabilité de cet établissement, le vérificateur lui a notifié divers redressements selon la procédure de taxation d'office ; qu'il a acquis le fonds de commerce, notion qui ne peut se confondre avec celle d'exploitant ; qu'à la suite de la remise des clefs du restaurant, dont il devait assurer la garde, il a permis aux époux Y d'exploiter l'établissement ; que la convention d'occupation précaire qu'il a signée avec le mandataire liquidateur avait pour objet d'indemniser ce dernier, dans l'attente de la régularisation de la situation ; que ces faits ne démontrent pas qu'il exploitait le restaurant ; que les époux Y, qui étaient les exploitants, ont d'ailleurs recruté le personnel et accompli les formalités auprès de l'Urssaf ; que la procédure de taxation d'office a donc été irrégulièrement mise en oeuvre ; qu'en estimant qu'il était l'exploitant réel et que les époux Y étaient les exploitants apparents, l'administration s'est placée sur le terrain de l'abus de droit ; qu'il a ainsi été privé des garanties prévues par les articles L. 64, R. 64-1 et R. 64-2 du livre des procédures fiscales ; qu'en dépit des indications relatives à son adresse personnelle, qu'il a données au service par lettre du 23 juin 1995, la notification de redressement lui a été envoyée à l'adresse du restaurant et n'a pu être reçue ; que le directeur des services fiscaux a communiqué au tribunal non pas une copie de l'original mais une copie de l'ampliation de l'avis de mise en recouvrement ; qu'en n'invitant pas l'administration à produire la copie de l'original de ce document, le tribunal a méconnu son pouvoir de direction de l'instruction ;

………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2006 :

- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller ;

- les observations de Me Galard, pour M. X ;

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'apprécier s'il est utile, pour la solution du litige dont il est saisi, de faire produire certaines pièces par les parties ; que, par suite, la circonstance que le tribunal administratif de Versailles n'a pas estimé devoir réclamer la copie de l'original de l'avis de mise en recouvrement, qui n'était pas utile à la solution du litige, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ;

Sur le principe de l'imposition :

Considérant qu'à la suite de la procédure de liquidation judiciaire dont a fait l'objet la société en nom collectif « Le relais Louis XIII », M. X s'est porté acquéreur, pour le compte d'une société à créer, des biens mobiliers et immobiliers constituant le fonds de commerce de ce restaurant, situé à Chamarande (Essonne ) ; qu'en vue de lui permettre d'assurer le gardiennage des locaux, le mandataire liquidateur lui a remis les clés de l'établissement le 19 février 1993 ; que l'administration, estimant que M. X avait exploité le restaurant dès le 1er mars 1993, l'a imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et a considéré qu'il était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée à raison de cette activité, au titre des exercices 1993 et 1994 ; que, pour contester son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, M. X soutient qu'il n'avait pas la qualité d'exploitant du restaurant ;

Considérant, cependant, qu'il résulte de l'instruction que, par convention d'occupation précaire signée le 29 avril 1994, le mandataire liquidateur a mis les locaux à la disposition de M. X et a autorisé ce dernier à exploiter le fonds de commerce moyennant un loyer mensuel de 12 500 F. ; qu'il résulte des termes mêmes du préambule de cette convention qu'elle a été conclue en vue de permettre la régularisation de la situation de M. X, dont il est précisé qu'il a commencé l'exploitation commerciale sans droit ni titre ; que, pour ce motif, la convention a été conclue avec effet rétroactif au 1er juin 1993 pour une durée de dix mois, ainsi qu'il est dit à son article 6 ; qu'en outre, lors de la vérification de comptabilité dont l'établissement a fait l'objet, le vérificateur a relevé l'existence de « doubles » de notes de restaurant établies au cours de la période susvisée et attestant, par suite, de l'exploitation du restaurant ;

Considérant, il est vrai, que M. X soutient qu'il a lui-même consenti un bail précaire d'une durée de vingt-trois mois à M. Y et que ce dernier a été, jusqu'à son décès survenu en août 1994, le seul exploitant du restaurant ;

Considérant, toutefois, que si le bail produit devant les premiers juges a été signé le 10 avril 1993, il n'a pas été enregistré auprès des services de la recette des impôts et est, par suite, dépourvu de date certaine ; qu'en outre, M. X est désigné sur ce document comme agissant en qualité de gérant de la SCI du Bel Air, alors qu'à la date du 10 avril 1993, cette société était en cours de formation ; que M. X ne pouvait, par suite, agir en qualité de gérant d'une société qui ne sera constituée que le 29 avril 1994 ;

Considérant qu'il résulte des circonstances rappelées ci-dessus que l'administration apporte la preuve que M. X a assuré l'exploitation du restaurant « Le relais Louis XIII » entre le 1er mars 1993 et le 29 avril 1994, date à laquelle a été signé l'acte de cession du fonds de commerce ; que, dès lors, c'est à bon droit que les bénéfices qu'il a retirés de cette activité commerciale ont été regardés comme des bénéfices industriels et commerciaux et qu'il a été déclaré redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce, peut être évalué d'office « 1° le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales (…) lorsque ces contribuables sont imposables selon un régime de bénéfice réel et que la déclaration annuelle de résultat n'a pas été déposée dans le délai légal. (…) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°. » ; qu'aux termes de l'article L. 68 de ce livre : « La procédure de taxation d'office (…) n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure. (…) » ; qu'enfin, l'article L. 66 du même livre dispose : « Sont taxés d'office : (…) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes. (…) » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X n'a pas souscrit, dans le délai légal, les déclarations de ses bénéfices au titre des années 1993 et 1994, et n'a pas davantage accompli cette formalité malgré la notification d'une mise en demeure en date du 19 mai 1995 ; qu'il s'est également abstenu de déposer ses déclarations de chiffre d'affaires ; que c'est par suite à bon droit que l'administration a mis en oeuvre la procédure d'évaluation d'office et la procédure de taxation d'office en ce qui concerne respectivement les bénéfices industriels et commerciaux et les taxes sur le chiffre d'affaires ;

Considérant, en deuxième lieu, que la situation d'évaluation d'office et de taxation d'office dans laquelle s'est trouvée le contribuable n'a pas été révélée par la vérification de comptabilité ; que, par suite, M. X ne peut utilement se prévaloir des irrégularités qui ont pu entacher cette vérification, lesquelles sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; qu'au demeurant, dès lors que la notification de redressement du 26 septembre 1995 contenait des indications suffisantes sur l'origine et la teneur des informations recueillies par le vérificateur dans l'exercice de son droit de communication, l'administration n'était pas tenue de communiquer spontanément les documents qu'elle avait obtenus, en vue d'un débat contradictoire ; que les renseignements donnés par le vérificateur permettaient à M. X de demander, avant la mise en recouvrement, que les documents contenant ces informations soient mis à sa disposition ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses (…) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (…) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. (…) » ;

Considérant, d'une part, que le vérificateur a décrit chronologiquement les circonstances de fait qui se sont succédées à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société en nom collectif « Le relais Louis XIII » et a considéré, en se fondant sur les éléments ainsi énoncés, que M. X devait être regardé comme ayant exploité le fonds de commerce de restaurant ; que l'administration s'est limitée à tirer les conséquences, au plan fiscal, de l'exercice de cette activité commerciale ;

Considérant, d'autre part, que ni dans la notification de redressement, ni dans la réponse aux observations du contribuable, le service n'a évoqué le bail précaire conclu avec M. Y ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'affirme M. X, l'administration n'a pas mis en doute l'existence de cette convention au cours de la procédure d'imposition ; qu'elle n'a émis des réserves sur l'authenticité de ce document qu'à compter de sa décision du 25 juillet 2000 par laquelle elle a rejeté la réclamation de M. X, qui s'était prévalu de l'existence de ce bail dans sa réclamation ; qu'en admettant même que le vérificateur ait eu néanmoins connaissance du bail pendant ses investigations, il n'aurait pas été tenu, en tout état de cause, de mettre en oeuvre la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, s'agissant d'un contrat qui, n'ayant pas fait l'objet d'un acte notarié et n'ayant pas été enregistré, n'avait pas de date certaine ;

Considérant, dans ces conditions, que M. X n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été irrégulièrement privé de la possibilité de saisir le comité consultatif pour la répression des abus de droit ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. X soutient que la notification de redressement du 26 septembre 1995 lui a été irrégulièrement expédiée à l'adresse du restaurant où il n'a pu la recevoir et que ce n'est qu'à la suite d'une démarche de sa part que le service a procédé à un nouvel envoi de la notifications à son domicile, où elle lui est parvenue le 12 juin 1996 ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que M. X a effectivement reçu la notification de redressement du 26 septembre 1995 au plus tard le 30 octobre suivant, dès lors qu'à cette date, il a fait part de ses observations au vérificateur comme le mentionne ce dernier dans sa réponse aux observations du contribuable du 8 novembre 1995 ; que, par suite, la circonstance que la notification de redressement a été envoyée à l'adresse du restaurant « Le relais Louis XIII » à une date où M. X prétend qu'il n'en aurait plus été l'exploitant à titre individuel est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la date à laquelle a été émis l'avis de mise en recouvrement : «Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination (…) » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement, émis le 29 février 1996, a été rendu exécutoire le 11 mars 1996 ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit ci-dessus, la notification de redressement est parvenue à M. X au plus tard le 30 octobre 1995 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la mise en recouvrement serait intervenue prématurément, en méconnaissance du délai imparti par les dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, manque en fait ;

Sur l'avis de mise en recouvrement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : «Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (…) Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret.(…) » ; qu'aux termes de l'article R. 256-3 du même livre : «l'avis de mise en recouvrement individuel est rédigé en double exemplaire : le premier, dit « original », est déposé à la recette des impôts (…) chargée du recouvrement ; le second, dit « ampliation », est destiné à être notifié au redevable (…) » ;

Considérant que l'avis de mise en recouvrement a été émis le 29 février 1996 et rendu exécutoire le 11 mars 1996, ainsi qu'il résulte des mentions apposées sur l'ampliation dont M. X a reçu notification ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'avis de mise en recouvrement n'aurait pas été rendu exécutoire manque en fait ; que l'original de l'avis de mise en recouvrement ne révèle aucune discordance avec l'ampliation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

N° 04VE01058 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 04VE01058
Date de la décision : 28/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GIPOULON
Rapporteur ?: Mme Françoise BARNABA
Rapporteur public ?: Mme COLRAT
Avocat(s) : GALARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-02-28;04ve01058 ?
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