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09/02/2006 | FRANCE | N°05VE01023

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 09 février 2006, 05VE01023


Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Mohammed X demeurant chez Mme Y, ..., par Me Liger ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503760 en date du 2 mai 2005 par lequel le magistrat délégué par le président par intérim du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 avril 2005 par lequel le préfet des Yvelines a prononcé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination duquel il sera reconduit ;

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) d'annuler l'arrêté du 14 avril 2005 du préfet des Yvelines ;

3°) d'enjoindre ...

Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Mohammed X demeurant chez Mme Y, ..., par Me Liger ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503760 en date du 2 mai 2005 par lequel le magistrat délégué par le président par intérim du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 avril 2005 par lequel le préfet des Yvelines a prononcé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination duquel il sera reconduit ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 avril 2005 du préfet des Yvelines ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de validité d'un an portant la mention vie privée et familiale, dans un délai de 30 jours sous astreinte du versement d'une somme de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet des Yvelines prenne une nouvelle décision sur sa demande de titre de séjour dans le délai de 30 jours sous astreinte du versement d'une somme de 150 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté du 14 avril 2005 du préfet des Yvelines est entaché d'une insuffisance de motivation car il ne comporte pas l'énoncé de considérations de fait propre à sa situation ; que cet arrêté émane d'une autorité incompétente qui ne bénéficiait pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ; qu'il est recevable et bien fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour car ce refus émane d'une autorité incompétente ; que ce refus de titre de séjour n'a pas été précédé de la consultation de la commission du titre de séjour ; que ce refus de titre de séjour est entaché d'erreur de droit pour avoir méconnu les stipulations de l'article 6 1) et 5) de l'accord franco-algérien dès lors qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans ; que ce refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit en France depuis 1991 auprès de son frère et de sa soeur et que si sa mère vit en Algérie, son père est décédé ; que l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière à son encontre est lui-même entaché d'erreur de droit dès lors qu'il peut bénéficier des stipulations de l'article 6 1) et 6 5) de l'accord franco-algérien qui permettent la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » au ressortissant algérien qui, soit justifie résider en France habituellement depuis plus de dix ans, soit a des liens personnels et familiaux en France qui sont tels qu'un refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que l'arrêté de reconduite à la frontière méconnaît lui-même les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet des Yvelines a entaché son arrêté de reconduite à la frontière d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ; que la décision de reconduite à la frontière méconnaît les dispositions de l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en ce qu'elle ne fixe pas de pays de destination ; que l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière impliquera nécessairement la remise d'un titre de séjour ou, à tout le moins, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ; que l'astreinte qui accompagnera cette injonction est justifiée par l'attitude du préfet qui lui refuse depuis sa demande du 27 juillet 2001 la délivrance d'un titre de séjour auquel il peut pourtant prétendre de plein droit ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2006 :

- le rapport de M. Martin, magistrat délégué ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions d'annulation :

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant algérien, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 février 2005, de la décision du préfet des Yvelines 8 février 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté litigieux est signé par M. Jean-Christophe Z, directeur de l'administration générale de la préfecture, dont la délégation de signature en date du 3 janvier 2005 a été régulièrement publiée dans le recueil n° 1 des actes administratifs de janvier 2005 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que si M.X est recevable à invoquer l'exception d'illégalité de l'arrêté en date du 8 février 2005 par lequel le préfet des Yvelines lui avait refusé la délivrance d'un titre de séjour, il n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté a été pris par une autorité incompétente, dès lors que cet arrêté a été signé comme il a été dit ci-dessus, par M. Jean-Christophe Z, directeur de l'administration générale de la préfecture, qui avait reçu une délégation de signature pour signer tous arrêtés relevant des attributions du ministère de l'intérieur ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé dans sa rédaction résultant du troisième avenant du 11 juillet 2001 : « (…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (…) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (…) » ; que M. X soutient être entré en France en 1991 ; que, toutefois, les justificatifs produits au titre des années 1991, 1992, 1993 et 1994 n'apparaissent pas suffisamment probants dès lors que notamment, pour l'année 1994, le seul élément produit se limite à une attestation d'une société Subex relative à des congés annuels signée le 14 juin 1994 ; qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, des éléments produits devant la Cour par le requérant que si, depuis le mois de mars 1995, M. X établit par des bulletins de paye libellés à son nom sa présence en France au titre de l'année 1995 et par les correspondances avec l'administration sa présence en France depuis le début de l'année 2000, les ordonnances médicales et les résultats d'analyse, qui sont les seuls éléments produits au titre des années 1996, 1997, 1998 et 1999 et qui ne sont libellés qu'au nom de X sans précision du prénom, ne permettent pas de justifier de la présence du requérant sur le territoire national de 1995 à 2000 ; qu'il ne peut, dès lors, prétendre au bénéfice des dispositions du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que si M.X soutient qu'il vit en France depuis 1991 auprès de sa soeur et de son beau-frère et que son père est décédé, il n'est pas contesté que l'épouse du requérant vit en Algérie avec ses sept enfants ; que, dès lors, la décision du préfet des Yvelines refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, ainsi, pas méconnu ni les stipulations précitées du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, qu'aux termes de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, dans sa rédaction alors applicable : « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (…) / La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15. » ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'ainsi, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article 6 1° et 5° de l'accord franco-algérien, le préfet n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater de cette ordonnance, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour ;

Considérant, en sixième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être rappelées, l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 14 avril 2005 par lequel le préfet des Yvelines a prononcé la reconduite à la frontière de M. X ne méconnaît ni les stipulations du 1 et du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, qu'eu égard aux conditions susrappelées de séjour en France de M. X, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Yvelines ait entaché l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de l'intéressé d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant l'Algérie comme pays de destination :

Considérant que, dans les termes où il est rédigé, l'arrêté du 14 avril 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. X doit être regardé comme comportant une décision distincte par laquelle le préfet des Yvelines a décidé que l'intéressé serait éloigné à destination de l'Algérie ; que c'est sans erreur de droit que le préfet a pu, au sein du même arrêté, décider de la reconduite à la frontière du requérant et fixer le pays à destination duquel il serait reconduit sans méconnaître les dispositions de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquelles la décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même ;

Sur la demande d'injonction :

Considérant que la présente décision n'appelle aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par M. X tendant à ce que la Cour prescrive au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

05VE01023 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE01023
Date de la décision : 09/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : LIGER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-02-09;05ve01023 ?
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