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20/12/2005 | FRANCE | N°05VE00023

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 20 décembre 2005, 05VE00023


Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2005 par télécopie et le 12 janvier 2005 en original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0409113 du 30 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 27 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Djamel X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Djamel X devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Il soutient que la mesure

de reconduite à la frontière prise à l'encontre de M. X ne porte pas à son droit au re...

Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2005 par télécopie et le 12 janvier 2005 en original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0409113 du 30 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 27 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Djamel X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Djamel X devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Il soutient que la mesure de reconduite à la frontière prise à l'encontre de M. X ne porte pas à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, dès lors que l'intéressé n'établit ni la réalité de sa vie commune avec Mlle Y, citoyenne française, qui était enceinte, ni sa qualité de père de l'enfant à naître, ni la réalité de son projet de mariage ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2005 :

- le rapport de M. Davesne, magistrat délégué ;

- les observations de Me Rolf-Pedersen, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Bresse , commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté, en date du 27 novembre 2004, par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a décidé de reconduire à la frontière M. X, de nationalité algérienne, le premier juge a estimé que cet arrêté a porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. X, entré en France en 2001, fait valoir qu'à la date de l'arrêté contesté, il vivait en concubinage avec Mlle Y, citoyenne française, avec laquelle il a ultérieurement souscrit un pacte civil de solidarité, et que cette dernière attendait un enfant, né le 4 février 2005, qu'il a reconnu dès le 1er décembre 2004 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions de séjour en France de M. X qui a fait l'objet d'une interdiction du territoire national d'une durée de trois ans prononcée par le tribunal correctionnel de Bobigny le 13 juin 2003, que l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, en date du 27 novembre 2004, n' a pas, eu égard aux effets d'une telle mesure, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière contesté en se fondant sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et devant la Cour ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;(...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré en France sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; qu'ainsi, l'arrêté de reconduite à la frontière dont il a fait l'objet le 27 novembre 2004 ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les dispositions du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui peuvent être substituées à celles du 1°, dès lors, en premier lieu, que s'étant maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 juin 2003, de la décision préfectorale lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, il se trouvait dans la situation où, en application du 3° du I de l'article 22, le préfet pouvait décider qu'il serait reconduit à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à demander l'annulation du jugement du 30 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 27 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 0409113, en date du 30 novembre 2004, du magistrat délégué du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise par M. X et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N°05VE00023

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE00023
Date de la décision : 20/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien DAVESNE
Rapporteur public ?: M. BRESSE
Avocat(s) : ROLF PEDERSEN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-12-20;05ve00023 ?
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