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08/12/2005 | FRANCE | N°05VE00675

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 08 décembre 2005, 05VE00675


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 avril 2005 en télécopie et le 14 avril 2005 en original, présentée pour M. Mohamed X, demeurant chez Mme Françoise ... ..., par Me Benchelah ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501800 du 9 mars 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal Administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2005 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de po

uvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts de Seine de lui délivrer une carte de rési...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 avril 2005 en télécopie et le 14 avril 2005 en original, présentée pour M. Mohamed X, demeurant chez Mme Françoise ... ..., par Me Benchelah ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501800 du 9 mars 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal Administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2005 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts de Seine de lui délivrer une carte de résidence d'algérien de 10 ans ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le premier juge a commis une erreur de droit en n'appliquant pas à sa situation les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que les conditions posées par l'article 6-4 de l'accord sont plus favorables que celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il exerce effectivement l'autorité parentale sur son enfant français ; qu'il prend effectivement en charge l'éducation de sa fille, comme tendent à le prouver le jugement de divorce et les attestations de différents voisins ou proches ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant de New York du 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2005 :

- le rapport de M. Brumeaux , magistrat délégué ;

- les observations de Me Boudjellal, se substituant à Me Benchellah, avocat ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 2 octobre 2004, de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 30 septembre 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre « 1°) L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an » ;

Considérant que, toutefois, indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; que par suite c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les seules dispositions précitées de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour rejeter la demande de M. X ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le moyen soulevé par M. X devant le tribunal administratif de Versailles ;

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 6 4° de l'accord franco-algérien susvisé : « Le certificat de résidence d'un an portant mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an. » ; que ces stipulations, entrées en vigueur à la date de la décision attaquée, qui prescrivent que le ressortissant algérien remplissant les conditions prévues doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, font obstacle à ce que l'intéressé puisse légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant que M. X s'est marié le 7 mars 1998 à Melle Sandrine Y, de nationalité française, avec laquelle il a eu une petite fille, Sarah, née le 21 septembre 1998 ; que depuis le 12 février 2004, M. X est divorcé ; qu'aux termes du jugement rendu par le juge aux affaires familiales près du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 12 février 2004 il partage avec son ancienne épouse l'autorité parentale à l'égard de sa fille, et doit verser une pension pour l'entretien et l'éducation de sa fille ; qu'il ressort de ces éléments que M. X exerce effectivement l'autorité parentale à l'égard de sa fille ; que dès lors M. X est en droit de se voir délivrer un certificat de résidence sur le fondement de la disposition précitée ; qu'il est fondé, par voie de conséquence, à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine ne pouvait pas prendre légalement la mesure de reconduite dont il a fait l'objet ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé,(…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas » ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision afin de lui délivrer le titre de séjour ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du 9 mars 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal Administratif de Versailles et l'arrêté du préfet des Hauts de Seine en date du 28 févier 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.

Article 2 : Le préfet statuera sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N°05VE00675

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE00675
Date de la décision : 08/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : BENCHELAH

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-12-08;05ve00675 ?
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