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29/11/2005 | FRANCE | N°03VE00949

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4eme chambre, 29 novembre 2005, 03VE00949


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES (MATMUT) dont le siège est 66 rue

de Sotteville - 76030 Rouen cedex, par Me Ribault, avocat ;...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES (MATMUT) dont le siège est 66 rue de Sotteville - 76030 Rouen cedex, par Me Ribault, avocat ;

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES

( MATMUT ) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement N° 9937468 en date du 21 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier René Dubos de Pontoise à procéder au remboursement de la somme de 768 372, 88 F , soit 117 137, 69 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 1997, qu'elle a elle-même versée aux ayants droit de Mme X, décédée des suites d'une contamination transfusionnelle par le virus du sida ;

2°) de condamner le centre hospitalier René Dubos de Pontoise à lui verser la somme avec les intérêts au taux légal ainsi qu'il est dit ci-dessus ;

3°) de condamner cet établissement à lui verser une somme de 4 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que, par jugement des 16 janvier 1989 et 15 octobre 1990, le Tribunal de grande instance de Pontoise l'a condamnée, ainsi que son assuré M. Y, à réparer le préjudice subi par les ayants droit de Mme X, décédée le 27 août 1988 des suites d'une contamination par le virus du sida contracté à l'occasion de transfusions consécutives à un accident sur la voie publique dont elle a été victime le 16 novembre 1984 ; que le jugement du 15 octobre 1990 a été confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Versailles en date du 8 décembre 1995 ; qu'elle était fondée à demander au tribunal la condamnation du centre hospitalier René Dubos de Pontoise au titre de la subrogation légale prévue par l'article L 121-12 du code des assurances, sa réclamation formée auprès de cet établissement le 17 novembre 1998 ayant été rejetée ; que c'est à tort que le tribunal a opposé à sa demande de remboursement l'exception de prescription quadriennale qu'avait invoquée l'Etablissement français du sang ; que le point de départ de la prescription quadriennale ne peut être fixé qu'à partir du moment où la créance est née et certaine ; qu'en l'espèce, elle n'a été fixée de manière définitive sur le lien causal entre les transfusions sanguines et le décès de Mme X qu'à la suite de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles en date du 8 décembre 1995 ; qu'avant cette date, la cause de la créance des ayants droit de Mme X, aux droits desquels elle se trouve par les effets de la subrogation légale était inconnue ; que cet arrêt ayant été signifié le 23 janvier 1996, le point départ pour le calcul de la prescription quadriennale a commencé à courir le 1er janvier 1997 en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ; qu'en fixant ce point de départ au 1er janvier 1991, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il résulte des rapports d'expertise médicale que l'origine de la contamination de Mme X est transfusionnelle ; qu'eu égard aux nombreuses transfusions subies par cette dernière au centre hospitalier René Dubos, le lien de causalité entre lesdites transfusions et son décès se trouve établi ; que la responsabilité de cet établissement est engagée, le sang infecté ayant été livré par le centre de transfusion sanguine du Val-d'Oise dont la tutelle est exercée par le centre hospitalier ; qu'elle a entièrement indemnisé la victime des préjudices qu'elle a subis consécutivement à l'accident dont M. Y, son assuré, a été déclaré responsable et ne sollicite la condamnation du centre hospitalier que pour la part du préjudice consécutif au décès de Mme X, qui a été subi par ses ayants droit ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2005 :

- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller ;

- les observations de Me Perinetti (cabinet Houdart), pour l'Etablissement français du sang ;

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : «Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (…)» ; que l'article 3 de cette loi dispose : « La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui ne peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X a été victime d'un accident de la circulation le 16 novembre 1984, dont M. Y a été déclaré responsable par jugement du Tribunal de grande instance de Pontoise en date du 5 mai 1986 ; que le tribunal a ordonné une expertise médicale de Mme X par le jugement susvisé puis par un nouveau jugement du 16 novembre 1987, la consolidation de l'état de la victime n'étant pas acquise le 12 décembre 1986, date du dépôt du premier rapport de l'expert ; que Mme X est décédée le 27 août 1988, alors que le médecin expert avait déposé son deuxième rapport le 20 février 1988 ; que, par jugement du 16 janvier 1989, le Tribunal de grande instance de Pontoise a, d'une part, condamné M. Y et son assureur, la MATMUT, à verser aux consorts X-Z une indemnité en réparation du préjudice corporel subi par Mme X, résultant de l'accident dont elle avait été victime et, d'autre part, désigné une troisième fois le médecin expert avec mission de décrire l'affection dont elle était décédée et de donner son avis sur le lien de causalité pouvant exister entre le décès et l'accident du 16 novembre 1984 ; que le médecin expert a conclu, dans son rapport du 25 novembre 1989, que Mme X était décédée « des suites d'un sida post-transfusionnel », consécutif à l'accident de la circulation du 16 novembre 1984, des transfusions sanguines ayant été réalisées « dans les jours ou dans les heures qui ont suivi ledit accident » ; que, par jugement du 15 octobre 1990, le Tribunal de grande instance de Pontoise a condamné solidairement M. Y et la MATMUT à réparer les conséquences dommageables résultant du décès de Mme X ; que, sur appel de M. Y et de la MATMUT, la Cour d'appel de Versailles, après avoir ordonné une expertise complémentaire par arrêt du 20 novembre 1992 puis un complément d'expertise par ordonnance du 24 mars 1994, a confirmé le jugement du 15 octobre 1990 par son arrêt du 8 décembre 1995 ;

Considérant qu'après avoir indemnisé les ayants droit de Mme X en exécution des décisions susvisées du Tribunal de grande instance de Pontoise et de la Cour d'appel de Versailles, la MATMUT a adressé au centre hospitalier René Dubos de Pontoise une réclamation en date du 17 novembre 1998, tendant à ce que cet établissement prenne à sa charge la réparation du préjudice résultant du décès de la victime ; qu'à la suite du refus opposé à sa réclamation, la MATMUT a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui a rejeté sa demande par jugement du 21 janvier 2003 au motif que le délai de prescription quadriennale avait expiré le 31 décembre 1994 ; que la société requérante, dont la requête d'appel doit être regardée comme dirigée contre l'Etablissement français du sang en vertu des dispositions de l'article 18 de la loi susvisée du 1er juillet 1998, conteste l'exception de prescription quadriennale ainsi opposée à sa demande ;

Considérant qu'il résulte du rapport du médecin expert en date du 25 novembre 1989 et d'une note complémentaire de ce praticien en date du 22 mars 1990, dont le Tribunal de grande instance de Pontoise fait état dans son jugement du 15 octobre 1990, que la contamination de Mme X par le virus de l'immunodéficience humaine trouve sa cause dans les transfusions sanguines pratiquées au centre hospitalier René Dubos de Pontoise immédiatement après l'accident dont elle a été victime le 16 novembre 1984 ; que le médecin expert indique avec des précisions suffisantes qu'eu égard à la gravité des blessures dont était atteinte Mme X, il a été procédé à la transfusion de nombreux produits sanguins alors qu'elle était hospitalisée dans l'établissement susvisé ; qu'après avoir rappelé les circonstances de l'affaire au plan chronologique et écarté tous autres facteurs de risques, il conclut à une contamination ayant pour origine les transfusions secondaires à l'accident du 16 novembre 1984 et ayant provoqué le décès survenu le 27 août 1988 ; que, pour condamner solidairement la MATMUT et M. Y, le Tribunal de grande instance de Pontoise s'est fondé sur la faute du conducteur qui a rendu nécessaire les transfusions sanguines à l'origine de la contamination, laquelle a entraîné le décès de Mme X ;

Considérant que les informations relatives à la responsabilité du centre hospitalier René Dubos de Pontoise, rappelées ci-dessus, ont été mises à la disposition de la MATMUT et de M. Y au plus tard le 25 juin 1990, date de la signification des conclusions de ces derniers dans le cadre de la procédure les opposant aux ayants droit de Mme X ; que l'existence de la créance contre le centre hospitalier était donc connue dans son principe par l'auteur de l ‘accident et par son assureur dans le courant de l'année 1990 ; que, par suite, la MATMUT n'est pas fondée à soutenir qu'au 1er janvier 1991, la cause du décès de Mme X n'était pas établie ; que si la Cour d'appel de Versailles a ordonné un complément d'expertise à l'effet de poursuivre l'enquête transfusionnelle, en vue de fournir tous éléments permettant d'identifier l'appartenance éventuelle de deux des donneurs à un groupe à risque, cette circonstance ne saurait, contrairement à ce que prétend la MATMUT, faire regarder cette dernière comme ayant, jusqu'au 23 février 1996, date à laquelle l'arrêt de la Cour d'Appel de Versailles est devenu définitif, ignoré l'existence de sa créance à l'égard du centre hospitalier, au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 précité ; qu'ainsi, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le délai de prescription a commencé à courir à compter du 1er janvier 1991 ; que celui-ci était expiré le 17 novembre 1998, date de la réclamation présentée au centre hospitalier René Dubos ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la MATMUT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la MATMUT le paiement à l'Etablissement français du sang de la somme de 1 500 euros au titre des frais que celui ;ci a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la MATMUT est rejetée.

Article 2 : La MATMUT est condamnée à verser à l'Etablissement français du sang la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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03VE00949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 03VE00949
Date de la décision : 29/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GIPOULON
Rapporteur ?: Mme Françoise BARNABA
Rapporteur public ?: Mme COLRAT
Avocat(s) : BRIAND

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-11-29;03ve00949 ?
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