Vu la requête enregistrée le 13 septembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour l'ASSOCIATION SYNDICALE AUTORISÉE DES PROPRIETAIRES DE L'ILE DE VAUX SUR SEINE, ayant son siège maison du gardien de l'Ile de Vaux à Vaux sur Seine (78670), représentée par son président en exercice régulièrement habilité à cet effet, par Me Y... ; l'association demande à la Cour ;
1°) d'annuler le jugement n° 0301836 en date du 6 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2002 par lequel le préfet des Yvelines a décidé l'application anticipée de la révision du plan de prévention des risques d'inondations concernant la vallée de la Seine et de l'Oise dans les Yvelines ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 050 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le jugement est entaché d'erreur de droit dans la mesure où il lui dénie tout intérêt pour agir à l'encontre du document d'urbanisme attaqué alors qu'elle a notamment pour objet de veiller au respect des règles d'urbanisme dans les limites de son périmètre ; que l'arrêté est signé par un chef de bureau ne justifiant pas d'une délégation régulièrement publiée ; qu'en estimant que l'application anticipée du plan de prévention des risques d'inondation était justifiée par l'urgence au regard de la sécurité publique et du libre écoulement des eaux, le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ; que le document est entaché de contradiction en ce qui concerne les capacités des barrages réservoirs ; qu'il est entaché d'une inexactitude matérielle en ce qui concerne les hauteurs des plus hautes crues laquelle a directement influé sur le classement de l'île en zone rouge ; que, compte tenu de l'existence d'un pont qui reste hors d'eau même en cas de crue centennale, le préfet ne pouvait, sans erreur manifeste d'appréciation, estimer que l'inaccessibilité de l'île en cas de crue justifiait son classement en zone rouge ; que, en méconnaissance des objectifs que le plan de prévention des risques d'inondation a lui-même fixés, l'interdiction de reconstruire après sinistre est disproportionnée par rapport au degré de risque encouru ; que l'île se trouvant face au risque d'inondation dans une situation identique à celle des berges classées en zone bleue, son classement en zone rouge méconnaît le principe d'égalité ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2005 :
- le rapport de Mme Grand d'Esnon, premier conseiller ;
- les observations de Me X..., substituant Me Y..., pour l'ASSOCIATION SYNDICALE AUTORISÉE DES PROPRIETAIRES DE L'ILE DE VAUX SUR SEINE ;
- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : I.- L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, ... II - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement, ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans les cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagement ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° (...) ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 562-2 du même code : Lorsqu'un projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles contient certaines des dispositions mentionnées au 1° et au 2° du II de l'article L. 562-1 et que l'urgence le justifie, le préfet peut, après consultation des maires concernés, les rendre immédiatement opposables à toute personne publique ou privée par une décision rendue publique. Ces dispositions cessent d'être opposables si elles ne sont pas reprises dans le plan approuvé ou si le plan n'est pas approuvé dans un délai de trois ans. ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de ses statuts, l'ASSOCIATION SYNDICALE AUTORISÉE DES PROPRIETAIRES DE L'ILE DE VAUX SUR SEINE a pour but de pourvoir à l'entretien des voies, avenues, ronds-points, pont et pontons de pêche appartenant à l'association, à l'écoulement des eaux, à l'éclairage public, et, d'une façon générale, à la réalisation et l'entretien de tous projets de viabilité (adduction d'eau, de gaz, réseau d'assainissement, modification, élargissement et création de voirie) ou de défense contre les inondations intéressant la collectivité des propriétaires. ;
Considérant que, pour l'exécution des travaux relevant de son objet, l'association requérante devra se conformer à la réglementation résultant de la mise en application anticipée du plan de prévention des risques d'inondation concernant la vallée de la Seine et de l'Oise dans les Yvelines, dès lors que cette réglementation, conformément aux dispositions précitées de 1° et 2° du II de l'article L.562-1 du code de l'environnement, régit les conditions de réalisation, d'utilisation et d'exploitation des constructions, ouvrages et aménagements situés dans la zone exposée au risque d'inondation de l'île de Vaux sur Seine ; que l'association requérante a ainsi intérêt à demander l'annulation de l'arrêté en date du 22 novembre 2002 par lequel le préfet des Yvelines a décidé l'application anticipée de la révision du plan de prévention des risques d'inondation concernant la vallée de la Seine et de l'Oise dans les Yvelines ; que, par suite, l'association requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande comme irrecevable ; que ledit jugement doit, dès lors, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'ASSOCIATION SYNDICALE AUTORISÉE DES PROPRIETAIRES DE L'ILE DE VAUX SUR SEINE devant le Tribunal administratif de Versailles ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 22 novembre 2002 a été signé par le préfet des Yvelines ; que, par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il serait entaché d'incompétence ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne la condition d'urgence fixée par les dispositions de l'article L. 562-2 du code de l'environnement :
Considérant que pour décider l'application anticipée du plan de prévention des risques d'inondation concernant la vallée de la Seine et de l'Oise dans les Yvelines, le préfet des Yvelines s'est fondé sur le fait que les dispositions jusque là applicables ne permettaient pas de garantir la sécurité publique et le libre écoulement des crues, et que la révision du plan de prévention du risque d'inondation ne pouvait être approuvée à bref délai ;
Considérant, en premier lieu, que si en raison du caractère paisible de la Seine, les inondations n'y sont pas, selon les termes mêmes du rapport de présentation du plan, des inondations dites rapides mais des inondations de plaine à montée lente , ce qui permet d'anticiper et de prendre toutes les dispositions nécessaires vis à vis de la population, ce même rapport indique toutefois que ces inondations peuvent néanmoins occasionner une gêne considérable pour les personnes, représenter une menace pour de nombreux riverains et parfois provoquer des victimes par méconnaissance du risque et des caractéristiques de l'inondation (hauteurs de submersion pouvant être importantes, vitesses de courant localement très élevées) et que les submersions peuvent se prolonger plusieurs jours, voire plus, entraînant des dégâts considérables aux biens, des perturbations importantes sur les activités, des désordres sanitaires... ;
Considérant, en deuxième lieu, que parallèlement à l'élaboration du plan contesté, l'association a rédigé un plan de gestion des inondations de l'île de Vaux sur Seine qui recense le matériel de protection et d'évacuation disponible sur l'île et organise l'évacuation des véhicules et des habitants en cinq phases selon les cotes atteintes par le fleuve ; que si utile qu'elle soit, cette démarche n'est pas de nature à rendre sans objet l'application immédiate du plan, laquelle vise essentiellement à ne pas compromettre l'application ultérieure du plan par une aggravation des risques ou la création de risques nouveaux durant son élaboration ;
Considérant, en dernier lieu, qu'en se bornant à soutenir que le plan de prévention des risques d'inondation n'apporterait aucune plus value réellement significative tant par rapport aux documents existants que sont, d'une part, l'arrêté préfectoral du 1er août 1990 portant délimitation du périmètre des zones à risques d'inondation en vallée de Seine et, d'autre part, le décret du 8 février 1991 portant approbation du plan des surfaces submersibles de la vallée de la Seine pour les Yvelines que par rapport aux pouvoirs qui son conférés au maire par les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, l'ASSOCIATION SYNDICALE AUTORISÉE DES PROPRIETAIRES DE L'ILE DE VAUX SUR SEINE, qui n'assortit cette allégation d'aucune précision, ne met pas le juge en mesure de se prononcer sur le bien-fondé de ce moyen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la condition d'urgence prévue par les dispositions précitées de l'article L. 562-2 du code de l'environnement ne serait pas remplie et de ce que, par suite, il ne pouvait être décidé de faire une application anticipée du plan de prévention des risques d'inondation doit être écarté ;
En ce qui concerne les erreurs matérielles :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les erreurs entachant la notice de présentation du plan tant en ce qui concerne le chiffrage de la capacité des barrages-réservoirs de la Seine que celui du volume d'eau de la crue de 1910 auraient eu une incidence sur l'appréciation des risques portée par l'autorité compétente pour déterminer les règles du plan de prévention ;
Considérant que si les plus hautes eaux connues lors de la crue centennale de référence de 1910, telles qu'elles ressortent des cartes qui ont été diffusées sur le site internet de la préfecture des Yvelines, sont de 37 centimètres plus élevées que celles relevées par l'association pour élaborer son plan des gestion des inondations de l'île de Vaux , il ressort des pièces du dossier que cet écart n'a pas eu d'incidence sur le classement de l'île, dès lors que le classement de toutes les îles des Yvelines en zone rouge a été dicté non par les valeurs des plus hautes eaux connues lors de la crue centennale mais par le simple constat d'une vulnérabilité spécifique de ces îles au regard des possibilités d'accès ;
En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation :
Considérant, en premier lieu, que la seule circonstance que l'île de Vaux sur Seine soit reliée à la terre par un pont qui demeurerait hors d'eau en cas de crue comparable à celle de 1910 n'est pas de nature à établir que le préfet aurait entaché son appréciation d'erreur manifeste dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué que l'île ne serait pas exposée aux autres risques induits par l'insularité, lesquels résultent notamment tant des forts courants qui peuvent y sévir que du fait que le risque d'interruption des réseaux limite les capacités d'intervention des services de secours ;
Considérant, en second lieu, que la notice de présentation du plan cite, parmi les principes généraux ayant guidé le zonage, un objectif de proportionnalité des mesures aux risques qui doit être concilié avec les deux autres objectifs qu'elle retient, à savoir celui de soumettre le moins de personnes et de biens possibles aux inondations et celui de fixer des mesures économiquement acceptables par tous ; qu'en limitant sévèrement le droit de reconstruire et en interdisant notamment la reconstruction après inondation le préfet des Yvelines n'a pas méconnu l'objectif de proportionnalité qu'il s'était ainsi fixé ; que les incidences patrimoniales du plan sur la valeur des propriétés classées en zone rouge ne peuvent être regardées comme méconnaissant manifestement l'objectif de minimisation des coûts, lequel doit être apprécié au niveau de l'ensemble du territoire concerné par le plan et non des seuls propriétaires de l'île ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, eu égard notamment à la pluralité des objectifs retenus par le plan pour délimiter les zones de risque, que le préfet des Yvelines n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne le principe d'égalité :
Considérant que, du seul fait de son insularité, l'île de Vaux sur Seine ne se trouve pas dans une situation identique aux terrains situés sur les berges voisines en ce qui concerne le risque d'inondation ; que, dès lors, la circonstance que les cotes atteintes par les plus hautes eaux connues sur ces terrains classés en zone bleue seraient identiques à celles relevées sur l'île ne saurait être utilement invoquée à l'appui du moyen tiré de la violation du principe d'égalité ; qu'elle ne saurait utilement se prévaloir du classement retenu pour les îles de la Cité et Saint-Louis à Paris, classement édicté par une autre autorité sur un autre périmètre ; que ledit moyen doit donc être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION SYNDICALE AUTORISÉE DES PROPRIETAIRES DE L'ILE DE VAUX SUR SEINE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du Préfet des Yvelines en date du 22 novembre 2002 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0301836 du Tribunal administratif de Versailles en date du 6 juillet 2004 est annulé ;
Article 2 : La demande présentée par l'ASSOCIATION SYNDICALE AUTORISÉE DES PROPRIETAIRES DE L'ILE DE VAUX SUR SEINE devant le Tribunal administratif de Versailles et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 04VE03238