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20/10/2005 | FRANCE | N°05VE00780

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 20 octobre 2005, 05VE00780


Vu I°), sous le n° 05VE00780, la requête enregistrée le 2 mai 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement N° 0408642 en date du 30 mars 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 28 octobre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... Alonso X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X... Alonso X devant le Tribunal admin

istratif de Cergy-Pontoise ;

Il soutient que le magistrat délégué, en déduisant...

Vu I°), sous le n° 05VE00780, la requête enregistrée le 2 mai 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement N° 0408642 en date du 30 mars 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 28 octobre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... Alonso X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X... Alonso X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Il soutient que le magistrat délégué, en déduisant de l'application combinée de l'article 96§1 de la Constitution nationale colombienne et du 2° de l'article 19-1 du code civil que l' enfant Y des époux X est nécessairement français et que, par voie de conséquence, aucune mesure d'éloignement ne pouvait être prononcée à leur encontre, a commis une erreur de droit ; qu'il n'apparaît pas que la loi constitutionnelle colombienne ne permette en aucune façon de transmettre à l'enfant Y la nationalité colombienne de ses parents quand bien même serait-il né sur le sol français ; que la demande en date du 23 mars 2005 de certificat de nationalité française adressée au tribunal d'instance d' Aubervilliers a été présentée postérieurement à l'édiction de l'arrêté de reconduite à la frontière ; que la demande de certificat de nationalité française soulève une difficulté sérieuse qu'il appartient à l'autorité judiciaire de trancher ; que les autres moyens soulevés par M. X... Alonso X, dans sa demande présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise seront rejetés dès lors que l'arrêté de reconduite à la frontière est motivé, que l'arrêté attaqué ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il n'est pas démontré l'existence d'un obstacle à la poursuite de leur vie privée et familiale avec leurs deux enfants en Colombie ou dans tout autre pays susceptible de les accueillir ni le principe d'égalité de traitement ;

............................................................................................................

Vu II°), sous le n°05VE00861, la requête enregistrée le 1er juin 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; il demande à la Cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement n° 0408640 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 28 octobre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... Alonso X ;

Il soutient que, dès lors que plusieurs éléments du dossier attestent d'une difficulté sérieuse s'agissant de la nationalité de l'enfant Y, en écartant la question préjudicielle le magistrat délégué a méconnu les règles de compétence ; que, par suite, un tel moyen est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;

Vu la décision en date du 23 septembre 2005 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près du tribunal de grande instance de Versailles a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. X... Alonso X ;

Vu la décision du président de la Cour administrative d'appel de Versailles, en date du 3 janvier 2005, donnant délégation à M. Z pour l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article R. 776-19 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code civil, notamment son article 19-1-2° ;

Vu la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2005 :

- le rapport de M. Z, magistrat délégué ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes susvisées du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS tendent à l'annulation et au sursis à exécution d'un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 05VE00780 :

Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susvisée : Sous réserve des dispositions de l'article 26, ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion ( . . . ) : 1° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an : ( . . .) Ces mêmes étrangers ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 . ; qu'aux termes de l'article 19-1 du code civil dans sa rédaction résultant de l'article 64 de la loi du 26 novembre 2003 susvisée : Est français : ( . . .) 2° L'enfant né en France de parents étrangers pour lequel les lois étrangères ne permettent en aucune façon qu'il se voie transmettre la nationalité de l'un ou l'autre de ses parents ; ( . . . ) ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que seuls les parents étrangers d'un enfant né en France, y résidant, et pour lequel les lois étrangères ne lui permettent, en aucune façon, qu'il se voie transmettre la nationalité de l'un ou l'autre de ses parents, ne peuvent faire l'objet d'une reconduite à la frontière ;

Considérant que par jugement du 30 mars 2005, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS en date du 28 octobre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière prononcée à l'encontre de M. X... Alonso X, de nationalité colombienne, au motif que M.X ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite car il est le père d'un enfant français mineur résidant en France dès lors que son fils Y, né en France le 16 mai 2002, qui n'a pas été enregistré dans le registre d'état civil du consulat général de Colombie à Paris et qui ne peut donc au regard de la constitution nationale colombienne se voir attribuer la nationalité colombienne, ne peut se prévaloir que de la nationalité française ;

Considérant que si aux termes de l'article 96 § I alinéa b) de la constitution nationale colombienne la nationalité colombienne est réservée aux enfants de père ou de mère colombiens qui, nés en terre étrangère, ont été enregistrés auprès d'un poste consulaire de la République colombienne, il ressort des pièces du dossier qu'en se bornant à produire un certificat de non inscription, en date du 9 novembre 2004, de son fils Y sur les registres du consulat de Colombie à Paris, M. X... Alonso X n'établit pas l'existence d'un quelconque obstacle à l'enregistrement de son fils Y dans le registre d'état civil du Consulat colombien et l'impossibilité de la transmission de la nationalité colombienne du père à l'enfant Y ; que la circonstance que les époux X aient déposé le 23 mars 2005 une demande de délivrance d'un certificat de nationalité française en faveur de leur fils ne faisait pas obstacle à ce que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS décidât la reconduite à la frontière de M. X... Alonso X ; qu'ainsi, en l'absence de difficulté sérieuse sur la nationalité de l'enfant Y et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée, c'est en commettant une erreur de droit que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 28 octobre 2004 au motif que l'enfant Y ne pouvant qu'être regardé que comme français, en application des dispositions précitées du 2° de l'article 19-1 du code civil, M. X... Alonso X pouvait se prévaloir des dispositions du 1° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui prohibent l'édiction d'un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre d'un père d'enfant français mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté en date du 28 octobre 2004 ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. X... Alonso X à l'appui de sa demande présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière, est suffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. X... Alonso X fait valoir qu'il est entré en France le 17 mai 2000 , que sa femme y demeure depuis décembre 2000, que son fils aîné est scolarisé en France et que son fils cadet est né en France le 16 mai 2002 et qu'il ne peut poursuivre sa vie familiale hors de France, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X... Alonso X et de la possibilité offerte aux époux X de poursuivre leur vie familiale hors de France, l'arrêté préfectoral du 28 octobre 2004 prononçant la reconduite à la frontière de l'intéressé porte à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels a été prise cette mesure ; que cet arrêté n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que la nièce du requérant, née le 6 juin 2001 à Paris, se soit vue reconnaître la nationalité française n'est pas de nature à établir une quelconque violation du principe d 'égalité ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant d'ordonner la reconduite à la frontière de M. X... Alonso X, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'ait pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle et familiale de l'intéressé ni qu'il ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a faite des conséquences de l'arrêté contesté sur sa situation personnelle ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 28 octobre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... Alonso X ;

Sur les conclusions incidentes de M. X... Alonso X tendant à ce que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS lui délivre un titre de séjour :

Considérant que la présente décision, qui annule le jugement par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS du 28 octobre 2004 et rejette la demande de M. X... Alonso X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions susanalysées ;

Sur la requête n° 05VE00861 :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 05VE00861 du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 30 mars 2005 ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 05VE00861 du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS.

Article 2 : Le jugement du 30 mars 2005 du conseiller délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. X... Alonso X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et les conclusions incidentes présentées par M. X... Alonso X devant la Cour administrative d'appel de Versailles sont rejetées.

05VE00780-05VE00861

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE00780
Date de la décision : 20/10/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : CARVAJAL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-10-20;05ve00780 ?
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