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15/09/2005 | FRANCE | N°03VE04375

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 15 septembre 2005, 03VE04375


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice au administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SOCIÉTÉ d'AMÉNAGEMENT D'ARNY-BRUYÈRES (SADAB), dont le siège est au domaine

d'Arny B.P. 6 à Bruyères-le-Châtel (91680) par la S.C.P. Boull...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice au administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SOCIÉTÉ d'AMÉNAGEMENT D'ARNY-BRUYÈRES (SADAB), dont le siège est au domaine d'Arny B.P. 6 à Bruyères-le-Châtel (91680) par la S.C.P. Boulloche ;

Vu la requête enregistrée le 28 novembre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la SADAB demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 014725 en date du 30 septembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 27 septembre 2001 par laquelle la commune de Bruyères-le-Châtel a décidé de ne pas approuver la modification du plan d'aménagement de zone de la zone d'aménagement concerté d'Arny ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération ;

3°) de condamner la commune de Bruyères-le-Châtel à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire en ce qu'il est fondé sur des éléments sur lesquels elle n'a pas eu le temps de répliquer ; qu'il est insuffisamment motivé en ce qu'il lui a appliqué sans justification la qualification de secte ; que le jugement est entaché d'erreur de droit en ce qu'il a remis en cause le principe même de l'opération et les droits acquis, alors qu'il n'était saisi que de la légalité du refus d'une simple modification du plan d'aménagement de zone ; que les considérations tirées de l'identité des futurs occupants des locaux sont inopérantes pour apprécier l'intérêt général présenté par l'opération ; que le mouvement des « Focolari » n'est pas une secte ; que le motif retenu par la commune et tiré de l'incompétence de la SADAB pour mener l'opération est entaché tant d'erreur de droit que d'erreur de fait ;

…………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2005 :

- le rapport de Mme Grand d'Esnon, premier conseiller ;

- les observations de Me Boulloche pour la SADAB et de Me de Peyramont pour la commune de Bruyères-le-Châtel ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 septembre 2005, présentée pour la commune de Bruyères-le-Châtel ;

Sur la fin de non recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol. (…) ; qu'il ressort de ces dispositions que le législateur, en employant l'expression recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme, n'a entendu viser, conformément à l'objectif de sécurité juridique poursuivi par la loi, que les recours contre des décisions approuvant, modifiant ou révisant de tels documents ; qu'il en résulte qu'un refus de modifier un plan d'aménagement de zone ne constitue pas une décision entrant dans le champ de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que, par conséquent, l'appel dirigé contre un jugement ayant statué sur la légalité d'une telle décision n'est pas assujetti au respect des formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir susmentionnée soulevée par la commune de Bruyères-le-Châtel ne saurait être accueillie ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le vendredi 12 septembre 2003, la commune de Bruyères-le-Châtel a produit un mémoire développant un nouvel argument tiré de ce que, pour commercialiser le tiers des surfaces constructibles du projet destiné à être mis à la disposition de particuliers ou industriels désireux de s'y installer, la société d'aménagement choisirait les seuls postulants acceptant de souscrire à une charte des valeurs promues par le mouvement des « Focolari » et produisait divers documents à l'appui de cet argument ; que la société requérante ne saurait être regardée comme ayant été mise en mesure de pouvoir y répliquer utilement, l'instruction étant close le vendredi 12 septembre 2003 à minuit ; que cet argument nouveau a pourtant été retenu par les premiers juges pour rejeter la requête ; que, de ce fait, le caractère contradictoire de l'instruction n'a pas été respecté à l'égard de la SADAB, sans que la commune puisse utilement soutenir que les documents en cause étaient nécessairement connus de la société ; qu'il suit de là que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant qu'il y lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SADAB devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Sur les fins de non recevoir opposées par la commune de Bruyères-le-Châtel à la demande de la SADAB :

Considérant, en premier lieu, que la délibération attaquée ayant pour objet de refuser de modifier le plan d'aménagement de zone de la zone d'aménagement concerté (ZAC) d'Arny, elle ne saurait être regardée comme préparatoire à quelque autre délibération et est susceptible d'être déférée devant le juge de l'excès de pouvoir à raison de l'ensemble des vices susceptibles de l'affecter ;

Considérant, en deuxième lieu, que le gérant d'une SARL a qualité pour la représenter en justice ; qu'il suit de là que la fin de non recevoir tirée de ce que la gérante de la SADAB ne justifierait pas d'une décision lui conférant qualité pour agir au nom de cette société devant le juge administratif doit être écartée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, un refus de modifier un plan d'aménagement de zone ne constitue pas une décision entrant dans le champ de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

Considérant, en quatrième lieu, que la délibération attaquée en date du 27 septembre 2001 ayant été produite par la commune, la demande de la société doit être regardée comme satisfaisant aux prescriptions édictées par les dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative ;

Considérant enfin que les fins de non recevoir tirées de l'absence de signature de la demande et du défaut de timbre manquent en fait ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bruyères-le-Châtel n'est pas fondée à soutenir que la demande de la SADAB était irrecevable ;

Sur la légalité de la délibération attaquée :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme: « Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objet de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels... » ; qu'aux termes des dispositions de son article L. 311-1 , « les zones d'aménagement concerté sont les zones à l'intérieur desquelles une collectivité publique… décide d'intervenir pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains … » ;

Considérant que par délibération en date du 11 février 1991 la commune de Bruyères-le-Châtel a créé la zone d'aménagement concerté d'Arny et a approuvé son plan d'aménagement de zone ; qu'après avoir confié l'aménagement de cette zone à un premier aménageur, la commune a ensuite, le 30 mai 2000, signé une nouvelle convention d'aménagement avec le nouveau propriétaire des terrains à aménager, la SADAB ; que, par délibération en date du 19 février 2001, la commune a décidé de procéder à la modification du plan d'aménagement de zone et autorisé le maire à soumettre ce projet à enquête publique ; qu'à l'issue de l'enquête publique qui s'est tenue du 27 avril au 28 mai 2001, le commissaire enquêteur a rendu un avis défavorable en raison, d'une part, de ses doutes sur la compétence technique de la société chargée de l'aménagement, d'autre part, du caractère incomplet du plan d'aménagement de zone, enfin du fait qu'il apparaîtrait « davantage comme une opération satisfaisante pour un organisme à objectifs très limités que comme une opération d'intérêt général » ; que, par la délibération en date du 27 septembre 2001 en litige, la commune a refusé d'approuver les modifications au plan d'aménagement de zone qui avaient été soumises à enquête publique pour les motifs retenus par le commissaire enquêteur ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de présentation du dossier de modification du plan d'aménagement de zone et de la liste des principales modifications par rapport au plan initial que les modifications apportées visaient à la redynamisation du tissu d'activités de la commune, frappée par la disparition d'une grande entreprise, grâce à la création de plus de 30 000 m² de locaux d'activités, à la stabilisation du taux de croissance démographique de la commune par la réalisation d'environ une centaine de logements sur une période de 15 à 20 ans, à l'amélioration de l'intégration du projet dans l'environnement par la réduction des hauteurs maximales pour les locaux d'activités et la référence à une typologie de construction pour les bâtiments affectés à l'habitation, par l'introduction de prescriptions concernant l'aspect de clôtures et de dispositions pour l'aménagement des espaces libres et plantations ; qu'en outre, étaient apportées les modifications nécessaires pour assurer la conformité du plan d'aménagement de zone aux documents d'urbanisme et aux lois entrés en vigueur depuis son adoption, ainsi qu'au programme local de l'habitat approuvé en 2000, notamment par l'affectation de 25 % des logements prévus au secteur du logement social, par la possibilité de prévoir des logements collectifs ainsi que par la réduction des prix d'acquisition des logements du fait du remplacement des parkings souterrains initialement prévus par des places de stationnement situées en surface ; qu'enfin des équipements publics nouveaux, entièrement financés par l'aménageur, étaient prévus, à savoir des aménagements routiers pour améliorer la sécurité de l'accès à la zone d'aménagement concerté et, d'autre part, la construction d'une classe d'école primaire dans un groupe scolaire existant ; que le parti d'aménagement retenu tout en maintenant une zone ZA dédiée aux activités et aux équipements collectifs, étendait à l'accueil d'activités la vocation de la zone ZB primitivement consacrée à l'habitat et accroissait de 5 500 m² la surface constructible de cette zone afin de diversifier le tissu de la partie habitée ; qu'enfin les caractéristiques des unités foncières ainsi que les règles d'implantation des constructions ont été assouplies et adaptées à diverses options d'aménagement dont celle d'éviter l'émiettement en très petits lots des activités ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la délibération attaquée, qui se borne à modifier partiellement les dispositions d'urbanisme applicables dans la zone d'aménagement concerté pour les adapter à un nouveau parti d'aménagement dicté par des motifs entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code précité, n'a ni pour objet ni pour effet de conditionner l'accueil d'activités ou d'habitants dans cette zone à une quelconque adhésion à des valeurs philosophiques et religieuses particulières ; qu'elle n'a pas davantage pour objet de confier la réalisation de cette zone à la SADAB, ce qui a été fait par la décision distincte par laquelle elle a approuvé la convention avec cet aménageur et a autorisé son maire à la signer ; qu'ainsi, en se fondant, d'une part, sur les intentions supposées de l'aménageur pour estimer que celles-ci révélaient un objectif non conforme aux buts d'intérêt général auxquels une zone d'aménagement concerté doit répondre et, d'autre part, sur la circonstance que la SADAB n'étant pas un aménageur professionnel, elle n'aurait pas les compétences techniques requises pour se voir confier l'aménagement et l'équipement de la zone, la commune de Bruyères-le-Châtel a entaché sa décision d'erreur de droit ;

Considérant que le dernier motif retenu par le commissaire enquêteur et repris à son compte par la commune pour refuser d'approuver la modification du plan d'aménagement de zone est le caractère incomplet de ce document ; que le commissaire enquêteur a précisé que les documents graphiques ne feraient apparaître, d'une part, ni les zones naturelles et les zones urbaines et, d'autre part, ni les îlots à l'intérieur desquels s'appliquent les règles fixées par le règlement ; qu'il ressort des pièces du dossier que la seconde lacune manque en fait et que la première ne saurait, en tout état de cause, fonder légalement un refus d'approbation, dès lors que la prescription de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme dont la méconnaissance est invoquée par le commissaire enquêteur n'est applicable qu'aux documents graphiques des plans d'occupation des sols et non à ceux des ZAC ;

Considérant qu'aucun des trois motifs ayant fondé le refus opposé par la commune de Bruyères-le-Châtel n'étant de nature à le justifier légalement, la SADAB est fondée à soutenir que la délibération opposant ce refus est entachée d'excès de pouvoir et doit, par suite, être annulée ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la commune de Bruyères-le-Châtel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche, sur le fondement de ces dernières dispositions, de condamner la commune de Bruyères-le-Châtel à verser à la SADAB une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 30 septembre 2003 est annulé.

Article 2 : La délibération de la commune de Bruyères-le-Châtel en date du 27 septembre 2001 est annulée .

Article 3 : La commune de Bruyères-le-Châtel versera 1500 euros à la SADAB en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : les conclusions de la commune de Bruyères-le-Châtel présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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03VE04375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 03VE04375
Date de la décision : 15/09/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: Mme Jenny GRAND D'ESNON
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : SCP PH ET FR BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-09-15;03ve04375 ?
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