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05/07/2005 | FRANCE | N°04VE00727

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 05 juillet 2005, 04VE00727


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Giovanni X, demeurant ..., par Me Dubault ;

Vu la requête, enregistrée le

24 février 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Par...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Giovanni X, demeurant ..., par Me Dubault ;

Vu la requête, enregistrée le 24 février 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. Giovanni X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°9802074 en date du 18 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements accordés, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre des années 1992 et 1993 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la notification de redressement du 6 octobre 1995 est insuffisamment motivée en ce que, s'agissant du redressement relatif aux produits non comptabilisés par la SARL Italdécor, elle ne précise pas la nature et la portée des documents saisis, qui n'ont pas été joints, et ne précise pas la façon dont les suppléments d'imposition mis à sa charge ont été déterminés, de telle sorte qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter des observations ; que la réponse aux observations du contribuable du 19 décembre 1995 n'est pas motivée en ce qu'elle ne précise pas les raisons pour lesquelles lesdites observations seraient insatisfaisantes ; que l'administration n'ayant pas communiqué à la société Italdécor les originaux des documents sur lesquels elle a fondé le redressement relatif aux produits non comptabilisés, malgré la demande qu'elle avait présentée en ce sens le 8 novembre 1995, la société n'a pas été en mesure de se défendre utilement, alors même que le vérificateur lui aurait montré une copie des pièces en cause au cours d'une entrevue dans les locaux de l'administration, le 9 octobre 1995, sans qu'elle ait pu en prendre copie ; qu'il a lui-même demandé le 10 novembre 1995 la communication de ces documents dans sa réponse à la notification de redressements ; que l'administration ne les lui a pas communiqués ; que les droits de la défense et le caractère contradictoire des débats ont, dès lors, été méconnus, ce qui doit conduire à la décharge de l'imposition supplémentaire dont il a fait l'objet à ce titre dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'il est demandé à la Cour d'enjoindre à l'administration fiscale de communiquer les documents en cause ; que, s'agissant du redressement relatif aux factures non causées, M. X n'a pas été mis en mesure de répondre utilement en raison de l'absence de motivation de ce redressement et du défaut de communication des documents sur lesquels il est fondé ; que la circonstance que la société Guérin ait été dissoute n'est pas de nature à priver de cause les factures litigieuses et celle qu'une secrétaire de la société Italdécor ait pu aider le dirigeant de cette société à la rédaction matérielle d'une facture n'est pas de nature à faire considérer cette charge comme non justifiée ; que, s'agissant des redressements notifiés à M. X au titre des revenus distribués, il appartient à l'administration fiscale d'apporter la preuve que les sommes en cause ont été effectivement appréhendées par lui, ce qu'elle ne fait pas ; que la mauvaise foi n'est pas établie ; que les intérêts de retard, qui constituent une véritable sanction, doivent être limités strictement au préjudice financier subi par le Trésor public ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2005 :

- le rapport de M. Davesne, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il incombe à l'administration d'informer le contribuable dont elle envisage de rehausser les bases d'imposition de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir à l'occasion de la mise en oeuvre de la procédure de saisie prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que l'intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement en date du 6 octobre 1995, adressée à M. X, qui l'a réceptionnée le 11 suivant, à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Italdécor dont il est le gérant et associé, envisage des rehaussements à l'impôt sur le revenu au titre des années 1992 et 1993 à raison de revenus réputés distribués résultant de redressements des bases de l'impôt sur les sociétés de la société Italdécor ;

Considérant que si M. X ne peut pas se prévaloir d'une irrégularité de procédure qui aurait entaché la vérification de comptabilité de la SARL Italdécor au motif que des documents n'ont pas été communiqués à cette dernière, il résulte de l'instruction que la notification de redressement susmentionnée du 6 octobre 1995 indique que les documents sur lesquels le vérificateur s'est fondé pour réintégrer des produits non comptabilisés dans les résultats imposables de la société ont été saisis, dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, chez M. Tabart, exploitant d'appareils automatiques sous l'enseigne Christian Automatic et fait état d'achats effectués au comptant auprès de celui-ci, puis dresse une liste détaillée des sommes en cause ; que M. X a demandé dans ses observations en date du 10 novembre 1995 à ladite notification la communication des documents contenant les renseignements utilisés par l'administration ; que l'administration, en tout état de cause, ne peut opposer au requérant la circonstance que les représentants de la société ont pu consulter ces documents lors d'une entrevue qui s'est déroulée le 9 octobre 1995 dans les locaux de l'administration alors qu'au surplus il est constant que M. X a reçu la notification de redressement le concernant postérieurement à cette date, le 11 octobre 1995 ; que, par suite, en refusant de communiquer à M. X les documents sur lesquels elle a fondé son redressement, l'administration a porté atteinte au principe du respect des droits de la défense ; que dès lors le requérant est fondé à soutenir que la procédure d'imposition suivie à son égard est irrégulière en ce qui concerne les revenus réputés distribués procédant de la réintégration dans les résultats de la SARL Italdécor des produits non comptabilisés Tabart ; qu'il y a donc lieu d'accorder à M. X la décharge correspondante en droits, pénalités et intérêts de retard ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement du 6 octobre 1995 et la réponse aux observations du contribuable du 19 décembre 1995 sont suffisamment motivées en ce qui concerne les autres chefs de redressement ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que M. X a demandé la communication des documents utilisés par le service pour procéder au redressement factures non causées ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant que, par lettre du 21 septembre 1995 signée par M. X en sa qualité de gérant, la SARL Italdécor a désigné ce dernier comme bénéficiaire, à concurrence de 25 %, des distributions ; qu'il doit donc être regardé comme ayant, dans cette proportion, appréhendé les revenus distribués ; que M. X ayant refusé les redressements qui lui ont été notifiés le 6 octobre 1995, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de l'existence et du montant des sommes imposées entre les mains du requérant ;

Considérant que, s'agissant du redressement résultant de la remise en cause des charges d'exploitation correspondant aux factures Guérin, le ministre fait valoir, sans être valablement contredit, que l'entreprise Guérin n'a pas d'existence juridique, que les factures ont été établies avec l'aide de la société Italdécor et que les chèques destinés à honorer ces factures n'ont pas été établis à l'ordre de l'entreprise Guérin ; que, dès lors l'administration établit le bien-fondé de l'imposition mise à la charge de M. X en tant que revenus distribués ;

En ce qui concerne les pénalités de mauvaise foi restant en litige :

Considérant que l'administration fait valoir que la société Italdécor, dont M. X est le gérant, a déduit de ses résultats des factures établies par elle-même au nom d'une société sans existence juridique ; qu'ainsi, l'administration établit l'intention délibérée d'éluder l'impôt et, par suite, la mauvaise foi du requérant ;

En ce qui concerne les intérêts de retard restant en litige :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. ;

Considérant que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toutes natures subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, y compris au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que la référence au taux de l'intérêt légal, qui ne reflète qu'imparfaitement le taux du marché monétaire, ne constitue pas une référence plus pertinente pour établir le caractère manifestement excessif du taux de l'intérêt appliqué à M. X ; qu'il en va de même du taux de l'intérêt interbancaire qui concerne les relations entre les établissements bancaires ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que, pour l'application de l'article 39 du code général des impôts, aux termes duquel : 2. (...) les pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants aux dispositions légales régissant (...) l'assiette des impôts, contributions et taxes, ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt. , l'intérêt de retard serait assimilé à une pénalité ne saurait, en tout état de cause, conduire à qualifier l'intérêt de retard de sanction dès lors que la déductibilité de celui-ci pour le calcul du résultat imposable constitue une question distincte de celle en litige ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que l'intérêt de retard serait d'un montant très élevé par rapport aux sanctions prévues aux articles 1840 G ter à 1840 G quinquies du code général des impôts est sans influence sur la qualification de celui-ci ;

Considérant, en quatrième lieu, que la possibilité offerte à l'administration par l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003, de procéder à des remises à titre gracieux d'intérêts de retard est sans influence sur le taux de l'intérêt légalement applicable ;

Considérant que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que tout ou partie de l'intérêt de retard constitue une sanction ; qu'en conséquence, doivent être écartés les moyens tirés d'une part, du défaut de motivation, fondé sur les dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, et, d'autre part, de l'absence de modulation, fondé sur l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est que partiellement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée assignées à M. X sont réduites d'une somme correspondant à la taxation entre ses mains en tant que revenus distribués des produits non comptabilisés Tabart réintégrés dans les résultats de la SARL Italdécor au titre des années 1992 et 1993.

Article 2 : M. X est déchargé des droits, pénalités et intérêts de retard correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n°9802074 en date du 18 décembre 2003 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 04VE00727
Date de la décision : 05/07/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIN
Rapporteur ?: M. Sébastien DAVESNE
Rapporteur public ?: Mme BARNABA
Avocat(s) : DUBAULT-BIRI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-07-05;04ve00727 ?
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