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16/06/2005 | FRANCE | N°05VE00064

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 16 juin 2005, 05VE00064


Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2005 en télécopie et régularisée le 19 janvier 2005, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405414 du 22 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 22 juin 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Saïd X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise ;

Le préfet soutient

qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté d...

Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2005 en télécopie et régularisée le 19 janvier 2005, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405414 du 22 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 22 juin 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Saïd X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise ;

Le préfet soutient qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté de reconduite sur la situation personnelle et familiale de M. X ; que l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour doit être rejetée dès lors que la procédure suivie n'est pas entachée d'irrégularité et que M. X n'ayant pas présenté la demande de renouvellement de sa carte de séjour temporaire mention artiste-interprète dans le délai prescrit par les dispositions de l'article 3 du décret du 30 juin 1946, c'est à bon droit et sans erreur manifeste que lui a été opposée l'absence de visa de long séjour, d'autant qu'en méconnaissance des dispositions de l'article 3 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, le contrat de travail produit à l'appui de sa demande de renouvellement ne comportait pas le visa du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ; qu'eu égard à la durée et aux conditions de séjour du couple en France, l'arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 2005 :

- le rapport de Mme Grand d'Esnon, magistrat délégué ;

- les observations de Me Ettalbi pour M. X ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant que pour annuler l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière de M. X, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a retenu que l'arrêté était entaché d'erreur manifeste compte tenu des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation de M. X qu'il comportait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité marocaine, né en 1967, est entré en France en 2001 revêtu d'un visa de court séjour et a obtenu le 29 avril 2001 une carte de séjour temporaire portant la mention profession artistique et culturelle à raison de son emploi d'interprète percussionniste, laquelle carte a été renouvelée à son expiration en 2002 ; que pour des raisons indépendantes de sa volonté, cette carte n'a pas été renouvelée en 2003, en sorte que s'étant maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 10 mars 2004, de la décision du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS du 5 mars 2003 lui refusant le renouvellement de sa carte de séjour temporaire mention artiste-interprète et l'invitant à quitter le territoire, il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée de son séjour en France, des conditions et de la durée de séjour de son épouse en France, et de la possibilité de solliciter un visa pour retrouver un emploi d'artiste, la mesure contestée n'a pas eu des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de M. X ; qu'il suit de là que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a estimé que le préfet avait entaché son appréciation d'une erreur manifeste ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et devant la cour administrative d'appel ;

S'agissant de l'exception d'illégalité de la décision du 5 mars 2004 par laquelle le PRÉFET DE LA SEINE SAINT-DENIS a refusé de lui délivrer un titre de séjour :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X s'est pourvu le 23 juillet 2004 devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise contre la décision en date du 5 mars 2004 lui refusant un titre de séjour, ensemble contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le PRÉFET DE LA SEINE SAINT-DENIS sur le recours gracieux qu'il avait formé le 6 avril 2004 ; qu'il suit de là que cette décision n'étant pas devenue définitive, il est recevable à exciper de son illégalité ;

Considérant en premier lieu, que M. X fait valoir que cette décision serait entachée d'un vice de procédure faute pour lui d'avoir été mis en mesure de présenter ses observations préalablement à son intervention ; que si l'intéressé, qui se prévaut à tort des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983, doit être regardé comme invoquant le bénéfice des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il ressort de leurs termes mêmes qu'elles s'appliquent à certaines décisions individuelles exception faite des cas où il est statué sur une demande ; qu'il est constant que la demande de renouvellement de carte de séjour temporaire mention artiste-interprète émanait de M. X lui-même ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'était pas tenu d'entendre M. X, ni de le mettre à même de présenter des observations écrites ;

Considérant en second lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, (...) La carte de séjour temporaire délivrée à un artiste interprète ... ou à un auteur d'oeuvre littéraire ou artistique ... titulaire d'un contrat de plus de trois mois passé avec une entreprise ou un établissement dont l'activité principale comporte la création ou l'exploitation d'une oeuvre de l'esprit porte la mention profession artistique et culturelle ; qu'aux termes des dispositions de l'article 3 du décret du 30 juin 1946 modifié : Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans, est tenu de se présenter à Paris, à la préfecture de police et dans les autres départements à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de carte de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. (...) La demande doit être présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il doit présenter sa demande : 4° (...) dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire. ; qu'aux termes des dispositions de son article 7 : L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : ( ...) 3° sauf stipulation contraire d'un convention internationale applicable en France, un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° du troisième alinéa de l'article 3 du présent décret. ; qu'aux termes des dispositions de l'article 7-9 du même décret : Pour l'application du quatrième alinéa de l'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, l'étranger artiste-interprète ou auteur d'oeuvre littéraire ou artistique doit présenter à l'appui de sa demande un contrat d'une durée supérieure à trois mois conclu avec une entreprise ou un établissement dont l'activité principale comporte la création ou l'exploitation d'oeuvres de l'esprit. Ce contrat est visé : 1° S'il s'agit d'un contrat de travail, par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du lieu de résidence de l'étranger ; (...) ;

Considérant que la carte de séjour temporaire dont M. X était titulaire, expirait le 30 avril 2003, et qu'il n'a pu obtenir un nouveau contrat de travail que le 22 mars 2004 ; que dès lors, la demande qu'il a déposée le 30 décembre 2003 pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour était tardive au regard des dispositions précitées de l'article 3 du décret du 30 juin 1946 ; que si l'intéressé fait valoir que l'absence de contrat ne lui était pas imputable, cette circonstance ne saurait être utilement invoquée dès lors qu'elle doit être regardée non comme constituant une circonstance empêchant le dépôt d'une demande remplissant par ailleurs toutes les conditions prescrites par les lois et règlements, mais comme révélant seulement que l'intéressé ne remplissait pas les conditions nécessaires à l'obtention du titre de séjour sollicité à la date à laquelle il devait en demander le renouvellement ; que, dès lors, en ne tenant pas compte de ces circonstances, et en qualifiant par suite la demande de titre dont il était saisi de première demande, le PRÉFET DE LA SEINE SAINT-DENIS n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste ; qu'en application des dispositions de l'article 7 du décret du 30 juin 1946, il a pu légalement opposer à l'intéressé l'absence de visa d'une durée supérieure à trois mois ;

S'agissant des autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il est marié à une compatriote résidant en France et qu'un enfant est né de leur union, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il n'est entré sur le territoire français qu'en 2001 âgé de 33 ans, que ses parents résident au Maroc ainsi que la plupart de ses frères et soeurs et qu'à la date de la décision attaquée son épouse ne disposait plus de titre de séjour l'autorisant à séjourner en France ; qu'il suit de là que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS en date du 22 juin 2004 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 22 juin 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Saïd X ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du 22 octobre 2004 du magistrat délégué par le président du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant Tribunal Administratif de Cergy- Pontoise par M. Saïd X est rejetée.

N°05VE00064

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE00064
Date de la décision : 16/06/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Jenny GRAND D'ESNON
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : ETTALBI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-06-16;05ve00064 ?
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