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12/04/2005 | FRANCE | N°02VE03701

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 12 avril 2005, 02VE03701


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société anonyme NOVATEC, dont le siège est ..., par la SCP Dufourg ;

Vu l

a requête, enregistrée le 21 octobre 2002 au greffe de la Cour admi...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société anonyme NOVATEC, dont le siège est ..., par la SCP Dufourg ;

Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la société NOVATEC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201259 en date du 19 septembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en remboursement des frais exposés pour la constitution des garanties prévues par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;

2°) de prononcer le remboursement demandé ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 030 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que les dispositions de l'article R 208-3 du livre des procédures fiscales qui lui ont été opposées sont en contradiction avec celles, législatives, de la loi du 31 décembre 1968 relatives à la prescription quadriennale ; que, par la voie de l'exception d'illégalité, l'article R. 208-3 du livre des procédures fiscales ne peut s'appliquer ; que l'habilitation du pouvoir réglementaire prévue à l'ancien article 1957-2 du code général des impôts, devenu l'alinéa 2 de l'article L 208 du livre des procédures fiscales, est donnée en termes trop imprécis ; que l'alinéa 2 de cet article est contraire à la Constitution du 4 octobre 1958 et particulièrement à son article 38 ; que sa demande a été présentée dans le délai de prescription quadriennale à compter de la notification du jugement du Tribunal administratif de Versailles ; que l'article R 208-3 du livre des procédures fiscales ne doit pas être interprété de façon étroite, dès lors que le mot « tribunal » auquel il se réfère vise toute juridiction, dont les cours administratives d'appel, et non pas seulement les tribunaux administratifs ; qu'une interprétation trop étroite entraîne une différence de traitement et une rupture de l'égalité devant les charges publiques ; qu'au regard de cet article R 208-3, sa demande n'était pas tardive ; que l'appel contre un jugement de tribunal administratif interrompt le délai d'un an dans l'attente de la décision du juge d'appel, laquelle rouvrira ce délai ; que la solution retenue par le jugement attaqué conduit à une véritable iniquité, alors que l'article L 274 du livre des procédures fiscales laisse quatre ans à l'administration pour engager des poursuites ;

………………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 ;

Vu la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le décret n° 61-293 du 30 mars 1961 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2005 :

- le rapport de Mme Brin, président-assesseur ;

- les observations de Me Dufourg, avocat de la société NOVATEC ;

- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;

Sur la demande de remboursement des frais de constitution de garanties :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L 208 du livre des procédures fiscales : « Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. » ; qu'aux termes de second alinéa du même article : « Lorsque les sommes consignées à titre de garanties en application des articles L. 277 et L. 279 doivent être restituées en totalité ou en partie, la somme à rembourser est augmentée des intérêts prévus au premier alinéa. Si le contribuable a constitué des garanties autre qu'un versement en espèces, les frais qu'il a exposés lui sont remboursés dans les limites et conditions fixées par décret » ; que ces dernières dispositions sont issues du neuvième alinéa de l'article 97 de la loi du 28 décembre 1959 portant réforme du contentieux fiscal et divers aménagements fiscaux ; qu'aux termes de l'article R 208-3 dudit livre, issu du décret en Conseil d'Etat du 30 mars1961 relatif à l'application des articles 97 et 99 de la loi susmentionnée : « Pour obtenir le remboursement prévu à l'article L. 208 des frais qu'il a exposés pour constituer des garanties, le contribuable doit adresser une demande : a) Au trésorier-payeur général, s'il s'agit d'impôts directs recouvrés par les comptables du Trésor ; b) Au directeur des services fiscaux, s'il s'agit d'impôts, droits ou taxes recouvrés par les comptables de la direction générale des impôts ;… La demande, appuyée de toutes justifications utiles, doit être formulée dans le délai d'un an à compter de la notification de la décision soit du directeur ou du trésorier-payeur général, soit du tribunal saisi » ;

Considérant que, par un jugement en date du 1er juillet 1999, notifié le 16 septembre 1999, le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société NOVATEC a été assujettie au titre des années 1985 à 1987 ; que, par un arrêt en date du 2 novembre 2001, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie formé le 17 janvier 2000 contre ce jugement ; que la société NOVATEC, par lettre en date du 31 janvier 2002, a demandé le remboursement des frais de constitution de garanties qu'elle a exposés pour obtenir le sursis de paiement des impositions en litige ; qu'elle conteste le refus que lui a opposé le trésorier-payeur général de l'Essonne qui, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 208-3 du livre des procédures fiscales, a regardé sa demande comme tardive ;

Considérant, en premier lieu, que la société requérante invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'article R. 208-3 du livre des procédures fiscales au motif que le délai d'un an qu'il prévoit est contraire aux dispositions de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances notamment sur l'Etat ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics que la prescription quadriennale instituée par cette loi n'est applicable que sous réserve des dispositions définissant un régime légal de prescription spécial à une catégorie déterminée de créances susceptibles d'être invoquées à l'encontre de l'une de ces personnes morales de droit public ; que, comme il a été dit, le législateur a expressément investi l'autorité administrative agissant par décret du pouvoir de déterminer les modalités d'exercice de la demande tendant au remboursement des frais de constitution de garanties ; que les dispositions précitées de l'article R. 208-3 du livre des procédures fiscales, dont les contestations relatives à leur application sont, en vertu de l'article R. 208-6 du même livre, jugées selon les règles applicables aux litiges relatifs au recouvrement des impôts considérés, ont pour effet d'instituer un régime légal de prescription propre aux créances inhérentes aux frais de constitution de garanties dont les contribuables entendent se prévaloir envers l'Etat ; que ces créances sont, de ce fait, exclues du champ d'application de la loi du 31 décembre 1968 ; que, par suite, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société NOVATEC, au motif que le législateur ne pouvait autoriser le pouvoir réglementaire à instituer un délai d'un an sauf à recourir à la procédure des ordonnances prévue par l'article 38 de la Constitution du 4 octobre 1958, soutient que le second alinéa de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales est contraire à la Constitution ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la conformité d'une loi à la Constitution ; que la moyen soulevé est, par suite, inopérant ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions précitées de l'article R 208-3 du livre des procédures fiscales, la décision qui ouvre au contribuable un droit au remboursement de ses frais de constitution de garanties est celle du tribunal administratif qui a prononcé la décharge des impositions contestées, nonobstant la circonstance que le ministre a fait appel du jugement du tribunal ; que, par suite, le moyen tiré par la société NOVATEC de ce que le délai d'un an qui lui était ouvert par les dispositions de l'article R. 208-3 du livre des procédures fiscales devait être décompté non à partir de la date de notification du jugement du Tribunal administratif de Versailles mais à partir de celle de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris n'est pas fondé ;

Considérant, en quatrième lieu, d'une part, qu'en vertu de l'article R. 125 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, devenu l'article R. 811-4 du code de justice administrative, le recours devant la cour administrative d'appel n'a pas d'effet suspensif, d'autre part, que ni l'article L. 208 ni l'article R. 208-3 du livre des procédures fiscales ne prévoient d'interruption ou de suspension du délai d'un an fixé par les dispositions de l'article R. 208-3 ; que, par suite, la société NOVATEC n'est pas fondée à soutenir que l'appel du ministre aurait interrompu ou suspendu le délai d'un an qui lui était ouvert par ces dernières dispositions ;

Considérant, en dernier lieu, que le société NOVATEC n'est pas fondée à invoquer la rupture d'égalité devant les charges publiques et l'iniquité résultant de l'interprétation faite par l'administration des dispositions de l'article R. 208-3 du livre des procédures fiscales, dès lors que le trésorier-payeur général a fait une exacte application de ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société NOVATEC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la société NOVATEC tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société NOVATEC la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Considérant, en premier lieu, que les conclusions du ministre tendant à ce que la Cour inflige à la société NOVATEC une amende pour recours abusif ne sont pas recevables ; qu'elles doivent donc être rejetées ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qu'une collectivité publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat ne saurait présenter une demande au titre de ces dispositions sans se prévaloir de frais spécifiques exposés par elle en indiquant leur nature ; que, par suite, les conclusions du ministre tendant à ce que la société NOVATEC soit condamnée à lui verser une somme sur le fondement des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société NOVATEC est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tendant à ce qu'une amende pour recours abusif soit infligée à la société NOVATEC et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 02VE03701
Date de la décision : 12/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-04-02-0119-01-03-04 COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET. - DETTES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE. - RÉGIME DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1968. - EXCLUSION - CRÉANCES ASSIMILABLES À DES CRÉANCES D'ORIGINE FISCALE DONT LES CONTRIBUABLES ENTENDENT SE PRÉVALOIR ENVERS L'ETAT [RJ1].

z18-04-02-01z19-01-03-04z Les dispositions de l'article R. 208-3 du livre des procédures fiscales, issues du décret n°61-293 du 30 mars 1961 pris pour l'application des articles 97 et 99 de la loi n°59-1472 du 28 décembre 1959, codifiés notamment au second alinéa de l'article L. 208 du même livre, ont pour effet d'instituer un régime légal de prescription propre aux créances inhérentes aux frais de constitution de garanties dont les contribuables entendent se prévaloir envers l'Etat. Par conséquent, ainsi qu'il résulte des termes mêmes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription quadriennale, ces créances sont exclues du champ d'application de cette loi.


Références :

[RJ1]

Rappr. 14 février 2001, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie c/ S.A. Champagne Jeammaire, p. 60.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: Mme Dominique BRIN
Rapporteur public ?: Mme BARNABA
Avocat(s) : DUFOURG

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-04-12;02ve03701 ?
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