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12/04/2005 | FRANCE | N°02VE03004

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 12 avril 2005, 02VE03004


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée par M. Jean-Pierre X, demeurant ... ;

Vu la requête, enregistrée par télécopie p

ar le 9 août 2002 et par courrier le 13 août 2002 au greffe de la Co...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée par M. Jean-Pierre X, demeurant ... ;

Vu la requête, enregistrée par télécopie par le 9 août 2002 et par courrier le 13 août 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9602838-962839-962840-962841-972306-982917 en date du 6 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe d'habitation et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990 à 1997 ainsi que la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996, 1997 dans les rôles de la commune de Jouy-le-Moutier ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de lui accorder des dommages et intérêts pour procédure excessivement longue ;

4°) de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 950 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le tribunal, en ne jugeant pas ses demandes dans un délai raisonnable, a violé l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ce qui doit entraîner l'annulation du jugement et le versement d'une indemnisation ; qu'il appartenait au tribunal de faire droit à ses demandes avant l'intervention de l'article 18 de la loi de finances rectificative pour 1998 ; que sa contestation fiscale portant sur ses droits et obligations de caractère civil, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme est opérant ; que le défaut d'affichage ne pouvant être couvert par l'article 18 de la loi de finances rectificative pour 1998, les taxes qui lui sont réclamées sont sans fondement ; que les membres de la commission communale des impôts directs ont été irrégulièrement désignés ; que la composition de la commission est irrégulière ; que le tribunal a omis de statuer sur ce dernier moyen ; que l'adoption par le conseil municipal de deux taux est irrégulière s'agissant de la taxe sur les ordures ménagères et non d'une redevance pour service rendu ; que la décision de rejet de ses demandes a été irrégulièrement prise avant l'audience ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 98-1627 du 30 décembre 1998 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2005 :

- le rapport de M. Bresse, premier conseiller ;

- les observations de M. X ;

- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : toute personne a droit à ce que sa cause soit entendu équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ; qu'aux termes de l'article 13 de la même convention : toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations, lorsque le litige entre dans leur champ d'application, que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable ; que, toutefois, la méconnaissance de cette obligation, à la supposer avérée, si elle est éventuellement de nature à ouvrir droit à réparation, est, sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure ; qu'ainsi, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis de statuer sur la composition irrégulière de la commission communale des impôts au regard de l'article 1650 du code général des impôts manque en fait, ce moyen n'ayant pas été soulevé en première instance ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal aurait statué sur les demandes de M. X avant l'audience tenue le 23 mai 2002, le jugement n'ayant été lu, à l'issue du délibéré, que le 6 juin 2002 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 1496 du code général des impôts : I. La valeur locative des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession autre qu'agricole, commerciale, artisanale ou industrielle est déterminée par comparaison avec celle de locaux de référence choisis, dans la commune, pour chaque nature et catégorie de locaux. II. La valeur locative des locaux de référence est déterminée d'après un tarif fixé, par commune ou secteur de commune et de commune à commune ; qu'aux termes de l'article 1 503 du même code : I. Le représentant de l'administration et la commission communale des impôts directs dressent la liste des locaux de référence visés à l'article 1496, déterminent leur surface pondérée et établissent les tarifs d'évaluation correspondants. Le service des impôts procède à l'harmonisation des éléments d'évaluation de commune à commune et les arrête définitivement, sauf appel prévu dans les conditions définies au II. Il les notifie au maire qui doit, dans un délai de cinq jours les afficher à la mairie... II. Dans les trois mois qui suivent l'affichage, ces éléments peuvent être contestés tant par le maire, dûment autorisé par le conseil municipal, que par les propriétaires et les locataires, à la condition que les réclamants possèdent ou tiennent en location plus du dixième du nombre total des locaux de la commune ou du secteur de commune intéressé, chaque local n'étant compté qu'une fois et qu'aux termes de l'article 1507-I du même code : les redevables peuvent réclamer, dans le délai prévu à l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales contre l'évaluation attribuée aux propriétés bâties dont ils sont propriétaires ou dont ils ont la disposition ;

Sur les cotisations de taxe d'habitation et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères des années 1990 à 1992 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que, pour les années 1990 à 1992, le procès-verbal de 1974 des opérations de révision des évaluations des propriétés bâties des communes de la zone d'agglomération nouvelle de Cergy-Pontoise, qui est seul applicable, ne permet pas d'identifier le local 5M avec lequel l'immeuble de M. X a été évalué, ce local ne figurant pas au procès-verbal des opérations de révision foncière ; que son bien a donc été évalué en violation des dispositions précitées de l'article 1496 du code général des impôts ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'accorder à M. X la décharge des cotisations de taxe d'habitation et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990 à 1992 ;

Sur les cotisations de taxe d'habitation et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères des années 1993 à 1997 et les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties des années 1996 et 1997 :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des dispositions des articles 1496, 1503 et 1507 du code général des impôts que les opérations de détermination et d'évaluation des locaux de référence et des surfaces pondérées ne peuvent être contestées que dans les conditions et formes prévus par le II de l'article 1503 du code général des impôts, c'est-à-dire dans un délai de trois mois suivant l'affichage des locaux de référence et de leurs tarifs par le maire dûment autorisé par le conseil municipal ou par les propriétaires et locataires à la condition qu'ils possèdent ou tiennent en location plus du dixième du nombre total des locaux de la commune ou du secteur de commune intéressé ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'un propriétaire présente, à l'appui de sa contestation de la taxe d'habitation, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ou de la taxe foncière sur les propriétés bâties mise à sa charge, des moyens tirés de la procédure suivie lors des opérations d'évaluation ; que, par suite, les moyens tirés de l'irrégularité, au regard de l'article 1650 du code général des impôts, des conditions de désignation des membres de la commission communale des impôts de Jouy-le-Moutier et de la composition de cette commission qui a approuvé le procès-verbal des évaluations foncières de cette commune de 1992, lequel s'est substitué au procès-verbal établi en 1974 pour les communes de la zone d'agglomération nouvelle de Cergy-Pontoise, moyens qui ne concernent que la régularité formelle des opérations d'évaluation foncière et non l'existence ou l'opposabilité des tarifs, ne sont pas recevables et doivent être écartés pour ce motif ; que si M. X soutient que les dispositions du II de l'article 1503 du code général des impôts seraient contraires à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée sur ... la fortune ... ou tout autre situation , le moyen doit, en, tout état de cause, être écarté dès lors qu'il n'est pas précisé à quel droit ou garantie reconnu par la convention cet article porterait atteinte ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que le bien de M. X n'a pas été évalué pour les années 1990 à 1992 par rapport à un terme de comparaison clairement identifié sur le procès-verbal des évaluations foncières établi en 1974 par le syndicat d'agglomération nouvelle, en violation des dispositions précitées de l'article 1496 du code général des impôts, est sans incidence sur les impositions de l'année 1993 et des années suivantes, dès lors que, pour ces années, l'évaluation n'a pas été faite par rapport à ce document mais par rapport au procès-verbal établi en 1992 par la commune de Jouy-le-Moutier ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 30 décembre 1998 : I. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les impositions en matière d'impôts directs locaux et de taxes perçues sur les mêmes bases, calculées à partir de tarifs ou d'éléments d'évaluation arrêtés avant le 1er janvier 1999, sont réputées régulières en tant que leur légalité est contestée sur le fondement de l'absence de preuve f'affichage en mairie de ces tarifs ou éléments d'évaluation. II. - La publication de l'instruction générale du 31 décembre 1908 sur l'évaluation des propriétés non bâties au bulletin officiel des contributions directs de 1909 a pour effet de la rendre opposable aux tiers. Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, ces dispositions s'appliquent aux litiges en cours ; que les dispositions du paragraphe I. de l'article précité, qui régulièrement publiées au Journal officiel de la République française s'imposent au juge et sont applicables à la taxe d'habitation, à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et à la taxe foncière sur les propriétés bâties établies avant l'entrée en vigueur de la loi, font obstacle à ce qu'un contribuable se prévale, à l'appui de conclusions dirigées contre des impositions directes locales calculées à partir de tarifs ou d'éléments d'évaluation arrêtés avant le 1er janvier 1999, de l'absence de preuve de l'affichage ; que M. X ne peut donc invoquer le défaut d'affichage en mairie de Jouy-le-Moutier des tarifs ou des éléments d'évaluation résultant des opérations de révision foncière achevées en 1992 par la commune et qui se sont substituées, ainsi qu'il a été dit précédemment au procès-verbal des opérations foncières établi par le syndicat d'agglomération nouvelle en 1974, ni, en tout état de cause, le défaut d'affichage dans les locaux de ce syndicat des tarifs adoptés la même année ; que les dispositions du II de cet article, qui font référence à une instruction applicable en matière de taxe foncière sur les propriétés non bâties, ont un champ d'application distinct ; qu'il n'appartient pas au juge administratif, en tout état de cause, de vérifier la régularité des conditions d'adoption d'une disposition de nature législative ; que M. X ne peut invoquer utilement les dispositions de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur les droits et obligations à caractère civil, quand bien même il fait application d'une législation ayant pour effet de priver rétroactivement le contribuable de la possibilité d'obtenir la décharge d'une imposition ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 1520 du code général des impôts : Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal et qu'aux termes de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales : Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes qui bénéficient de la compétence prévue à l'article L. 2224-13 peuvent instituer une redevance d'enlèvement des ordures ménagères calculée en fonction du service rendu, dès lors qu'ils assurent au moins la collecte des déchets des ménages... La redevance est instituée par l'assemblée délibérante de la collectivité locale ou de l'établissement public qui en fixe le tarif ;

Considérant qu'alors même qu'il a choisi d'instaurer la taxe prévue à l'article 1520 précité du code général des impôts et non la redevance calculée en fonction du service rendu prévue par l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, le conseil municipal de Jouy-le-Moutier pouvait, comme il l'a fait, instaurer deux taux de taxe différents sans méconnaître le principe de l'égalité devant l'impôt ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à demander la décharge de cette taxe, dans la mesure où il résulte de l'instruction que la collecte des ordures ménagères est effectuée avec une fréquence supérieure dans la ville nouvelle que dans la partie ancienne de la commune ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes en décharge des cotisations de taxe d'habitation et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles il est assujetti au titre des années 1990 à 1992 ;

Sur les conclusions tendant au versement de dommages et intérêts pour durée excessive de la procédure devant le tribunal administratif :

Considérant que si M. X demande également à la cour de condamner l'Etat à lui verser une indemnité pour dépassement du délai raisonnable du jugement de ses demandes en première instance en violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une telle demande ne peut, en tout état de cause, être présentée directement devant le juge d'appel ; que, dès lors, lesdites conclusions doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat au remboursement des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il est accordé décharge à M. X des cotisations de taxe d'habitation et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990 à 1992 dans les rôles de la commune de Jouy-le-Moutier.

Article 2 : Le jugement n° 962838-962839-962840-962841-972306-982917 en date du 6 juin 2002 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

02VE03004 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 02VE03004
Date de la décision : 12/04/2005
Sens de l'arrêt : Décharge de l'imposition
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: Mme BARNABA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-04-12;02ve03004 ?
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