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10/02/2005 | FRANCE | N°02VE01932

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2eme chambre, 10 février 2005, 02VE01932


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Sylvain X, demeurant ..., par Me Bibal ;

Vu la requête, enregistrée le 30

mai 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Sylvain X, demeurant ..., par Me Bibal ;

Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. Sylvain X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 987753 en date du 18 mars 2002 en par lequel le Tribunal administratif de Versailles a, à sa demande, condamné l'Etablissement français du sang à lui verser, d'une part, la somme de 53 357,16 euros avec intérêts à compter du 28 juillet 1998 et capitalisation des intérêts échus le 16 novembre 2001, pour l'indemniser de sa contamination par le virus de l'hépatite C à l'occasion d'une transfusion sanguine reçue à la clinique du Bois de Verrières les 9 et 10 janvier 1989, d'autre part, la somme de 1 524,49 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a condamné l'Etablissement français du sang à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 1 225,39 euros, avec intérêts à compter du 18 janvier 2002 et la somme de 408,46 euros au titre du cinquième alinéa de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, en tant que ce jugement a condamné l'Etablissement français du sang à lui verser une indemnité de 53 357,16 euros, qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice qu'il a subi ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Versailles à lui verser une somme de 338 436,53 euros en principal avec intérêts légaux à compter de la date de la demande et intérêts composés, à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une somme de 1 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le tribunal a manifestement sous estimé les conséquences de l'hépatite C sur son état de santé ; qu'il a totalement ignoré les conséquences professionnelles de cette contamination sur sa carrière, alors qu'il a subi une perte de salaire du fait du non renouvellement de son contrat à durée déterminée et qu'il a dû arrêter prématurément toute activité professionnelle ; qu'il a tout d'abord subi un manque à gagner égal à la différence entre la retraite qu'il a touchée et le salaire qu'il aurait du recevoir et, par la suite, un manque à gagner résultant de ce qu'il n'a pas cotisé suffisamment d'années pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2005 :

- le rapport de Mme Grand d'Esnon, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, qui est devenu définitif sur ce point, le tribunal administratif de Versailles a reconnu que l'Etablissement français du sang était responsable de la contamination par le virus de l'hépatite C dont a été victime M. X, à l'occasion d'une intervention chirurgicale le 9 janvier 1989, durant laquelle lui ont été transfusés des produits sanguins labiles ;

Sur le montant de l'indemnité due à M. X :

Considérant que M. X demande la réformation du jugement attaqué susvisé seulement en tant qu'il n'a pas indemnisé son préjudice économique et a sous-estimé ses autres chefs de préjudice ;

S'agissant du préjudice économique :

Considérant que par lettre en date du 30 mars 1999, M. X a été recruté par la Société Média Vidéo Son Edition pour un contrat à durée déterminée du 1er mai au 31 décembre 1999 ; que, toutefois, par lettre du 30 septembre suivant, son employeur l'informait qu'il ne serait pas donné suite à ce contrat et déplorait les retard pris dans l'exécution de la mission, imputables au fait que ses absences répétées pour raison de santé et son état de fatigue l'amenaient à pratiquer des horaires pour le moins irréguliers , son humeur variable rendant en outre la collaboration difficile ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de sa lettre d'embauche, que le requérant avait été recruté non seulement pour faire face à un accroissement temporaire d'activité mais aussi en raison de ses compétences dans le domaine de la vente par correspondance, lesquelles n'existaient pas au sein de la société qui cherchait à créer une structure de vente par correspondance ; que si M. X, titulaire d'un simple contrat à durée déterminée, ne disposait d'aucun droit à son renouvellement, il résulte de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des motifs ayant présidé à son recrutement, ainsi que de la circonstance que la société, bien que mécontente de ses prestations, avait évoqué avec lui au début de leur collaboration la possibilité d'une embauche à titre permanent à l'issue du contrat à durée déterminée, que l'intéressé doit être regardé comme ayant eu une chance sérieuse de prolongation de sa collaboration avec son employeur à l'issue de son contrat ; qu'il résulte de l'instruction que les absences et troubles d'humeur que lui a reprochés la société étaient exclusivement imputables à la dégradation de son état de santé du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, dans ces conditions, le jugement attaqué doit être réformé en tant qu'il n'a pas accordé à M. X d'indemnisation pour la perte de chance de prolonger son travail salarié ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner l'Etablissement français du sang à verser à l'intéressé une indemnité égale à la différence entre les salaires qu'il aurait dû percevoir, à savoir 77 521,39 euros (508 506,96 francs), et les allocations de chômage qu'il a perçues du 1er janvier 2000, après expiration de son contrat à durée déterminée, jusqu'au 31 décembre de la même année à savoir 41 817,38 euros (274 304 francs), soit à concurrence de 35 704, 03 euros, et non de 35 931, 62 euros comme demandé par le requérant ;

Considérant, en revanche, que M. X n'établit pas que la perte des revenus qu'il aurait dû percevoir s'il avait pu normalement travailler jusqu'à l'âge de 65 ans et la perte des points de retraite non acquis du fait de l'absence de travail de décembre 2000 à décembre 2005 seraient imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, s'agissant des points de retraite non acquis durant l'année 2000, il n'établit pas que la perte des points de retraite afférente n'aurait pas été compensée par l'absence de prélèvements sur les salaires non perçus ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de M. X relatives à l'indemnisation de ces chefs de préjudice ;

S'agissant des autres chefs de préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X reste atteint d'une hépatite chronique de type C, d'un niveau d'activité assez important, résistante à tous les traitements entrepris, avec un risque non négligeable d'évolution vers la cirrhose ; qu'il a très mal supporté les quatre protocoles thérapeutiques expérimentés, lesquels lui ont causé des nausées, vertiges et insomnies nocturnes associées à une hyper somnolence diurne ; qu'il souffre d'une asthénie, de pertes de mémoire et d'un état anxio-dépressif, notamment lié à l'échec des quatre traitements subis sans effet, ainsi qu'aux craintes légitimes qu'il peut entretenir quant à l'évolution de son état de santé ; que son incapacité permanente partielle a été chiffrée à 40% par l'expert désigné par les premiers juges ; que les souffrances physiques endurées ont été évaluées à 4 sur une échelle de 7 ; que, dans ces conditions, en estimant l'ensemble des préjudices non économiques, lesquels comprennent les troubles dans les conditions d'existence, et les souffrances physiques et psychiques à 54 582,55 euros, les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation insuffisante de ces chefs de préjudices ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de M. X tendant à la réévaluation de cette indemnité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander que l'indemnité que lui a allouée le jugement attaqué soit augmentée de 35 704,03 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que les intérêts de la somme de 35 704, 03 euros sont, au même titre que ceux afférents à l'indemnité allouée par le jugement attaqué, dus à compter du 28 juillet 1998 ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 29 décembre 1998 ; qu'une année ne s'était pas écoulée depuis la demande d'indemnités ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée, une seconde fois, le 16 novembre 2001 ; qu'une année entière s'était écoulée depuis la demande d'indemnité ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etablissement français du sang à payer à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche ces dispositions font obstacle à ce que M. X soit condamné à payer à l'Etablissement français du sang la somme qu'il demande au titre des frais exposé par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 53 357,16 euros que l'Etablissement français du sang a été condamné à verser à M. X par le jugement n°0987753 du Tribunal administratif de Versailles en date du 18 mars 2002 est portée à 89 061,19 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 1998. Les intérêts échus le 16 novembre 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement n°987753 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etablissement français du sang versera à M. X une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

02VE01932 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 02VE01932
Date de la décision : 10/02/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: Mme Jenny GRAND D'ESNON
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : BIBAL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-02-10;02ve01932 ?
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