Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SOCIÉTÉ DE PRODUITS CHIMIQUES INDUSTRIELS (SPCI), demeurant 19 rue des Bretons à Saint-Denis (93212), par Me Courteault ;
Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la SOCIÉTÉ DE PRODUITS CHIMIQUES INDUSTRIELS (SPCI) demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0102030-5 et n° 0104811 du 7 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 29 septembre 2000 de l'inspecteur du travail de la Seine-Saint-Denis autorisant la société à licencier M. X, membre du comité d'entreprise, délégué du personnel et représentant syndical du comité d'entreprise et la décision implicite du ministre de l'emploi et de la solidarité rejetant le recours hiérarchique de M. X dirigé contre la décision du 29 septembre 2000 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Elle soutient que le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est irrégulier dès lors qu'elle n'a pu obtenir la réouverture de l'instruction à la suite de la réception tardive le 28 mars 2002, d'un nouveau mémoire de 28 pages établi dans l'intérêt de M. X et nécessitant une étude approfondie, alors que la clôture de l'instruction avait été fixée au 18 avril 2002 ; que le tribunal ne pouvait écarter les attestations de salariés, même postérieures à la décision autorisant le licenciement, qui venaient corroborer la réalité des griefs invoqués dans la demande d'autorisation de licenciement, qui étaient tirés des comportements agressifs de M. X et des abus d'autorité dont ces salariés étaient l'objet, ni écarter les pièces probantes révélatrices du harcèlement moral de M. X à l'égard de Melle Y ; que le tribunal a commis une erreur sur les faits en jugeant que leur chronologie établissait que la demande d'autorisation de licenciement était en réalité motivée par le refus de M. X d'accepter la charge du département alimentaire ; qu'en vue de prévenir la répétition des graves agissements de harcèlement, il appartenait à l'entreprise de prendre les dispositions nécessaires à défaut desquelles sa responsabilité n'aurait pas manqué d'être engagée ; que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, la rotation importante du personnel au sein de la division Plastiques et Caoutchoucs était établie ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2005 :
- le rapport de M. Martin, premier conseiller ;
- les observations de Me Pétricoul pour la société de produits chimiques industriels et Me Peeters pour M. X ;
- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le mémoire produit le 28 mars 2002 par M. Jacques X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'apportait aucun élément nouveau aux précédentes écritures de l'intéressé, sur lesquelles la SOCIETE DE PRODUITS CHIMIQUES INDUSTRIELS avait eu l'occasion de s'exprimer en temps utile ; que, par suite, cette société n'est pas fondée à soutenir qu'en appelant l'affaire à l'audience publique du 18 avril 2002, le tribunal aurait méconnu le caractère contradictoire de l'instruction ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail relatives aux conditions de licenciement respectivement des délégués du personnel et des membres du comité d 'entreprise, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel et du mandat de représentant syndical au comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un salarié investi d'un mandat de représentant du personnel ou des fonctions de délégué syndical est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation du licenciement et, en cas de recours hiérarchique, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier la mesure projetée compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat ou des fonctions dont il est investi ;
Considérant qu'après avoir, dans un premier temps, refusé par une décision du 24 juillet 2000, d'accorder l'autorisation de licencier M. X, salarié protégé, aux motifs que la demande d'autorisation présentée par la SOCIETE DE PRODUITS CHIMIQUES ET INDUSTRIELS comportait un vice substantiel du fait de l'absence d'entretien préalable avant la consultation du comité d'entreprise, que le motif du licenciement était incertain et que l'enquête n'avait pas permis de vérifier la gravité des faits reprochés à M. X, l'inspecteur du travail de la 2ème section de la Seine-Saint-Denis a, à la suite d'une nouvelle demande de la société, accordé le 29 septembre 2000, l'autorisation sollicitée ; qu'à l'appui de sa demande, la société invoquait les carences en management et les comportements agressifs de l'intéressé vis à vis de ses collaborateurs entraînant leur démotivation, ainsi que le harcèlement moral qu'il aurait exercé à l'encontre de Mlle Y et le trouble manifeste créé dans l'entreprise par le refus de M. X d'accepter une autre affectation qui n'entraînait pas de modification substantielle de son contrat de travail ; que pour accorder l'autorisation de licencier M. X, l'inspecteur s'est fondé sur plusieurs témoignages de salariés attestant la réalité des faits reprochés, et sur le fait que son refus d'accepter une autre affectation créait un trouble manifeste dans l'entreprise ; que la décision du 29 septembre 2000 a été implicitement confirmée par le ministre de l'emploi et de la solidarité ;
Considérant que si la SOCIETE DE PRODUITS CHIMIQUES ET INDUSTRIELS fait valoir que le Tribunal administratif de Versailles a écarté à tort les attestations établies par deux salariées, qui postérieurement au licenciement de leur supérieur, ont pu, une fois libérées de la contrainte exercée par ce dernier, exposer librement les comportements agressifs de celui-ci et les abus d'autorité dont elles étaient l'objet, il est constant que le témoignage de l'une d'entre elles, qui fait état de l'agressivité de M. X, émane d'une salariée à qui M. X avait dû rappeler les termes de la convention collective et le nécessaire respect des horaires de travail ; que le témoignage de la seconde salariée émane d'une personne qui avait elle-même aux dires de Mlle Y, participé au harcèlement dont celle-ci aurait été victime ; qu'il résulte des pièces du dossier que les témoignages de deux cadres de l'entreprise sont le fruit de conversations avec la direction de l'entreprise ; que si Melle Y a déclaré dans une lettre adressée le 3 avril 2000 au directeur général de la société être victime du harcèlement moral de M. X, il ne résulte pas des pièces du dossier que ces agissements qui sont imputables à des tiers aient été confortés par M. X, leur supérieur hiérarchique ; qu'il résulte, en revanche des pièces du dossier que les faits de harcèlement moral dont Melle Y s'estime victime et qui se seraient déroulés dans la semaine du 13 au 17 mars 2000 et dans la semaine du 20 au 24 mars 2000, ont été portés, comme il a été dit ci-dessus, à la connaissance du directeur de la société dans une lettre qui lui a été adressée le 3 avril 2000, alors que dès le 30 mars 2000 une télécopie émanant du groupe international dont fait partie la SPCI, et adressée à M. X, faisait état du désir de la direction française de le nommer à la tête du département alimentaire ; que ce nouveau poste, s'il lui assurait une rémunération équivalente au cours de l'année 2000 ne pouvait, contrairement à ce que soutient la société, lui assurer pour l'avenir un salaire équivalent, du fait de la moindre importance de ce département par rapport au département plastique et caoutchouc dont M. X avait jusqu'alors assumé la responsabilité à la satisfaction de son employeur ; que l'existence de tensions entre M. X et d'autres salariés de son entreprise n'est établie par aucune pièce du dossier ; que si la société soutient que le taux de rotation du personnel était anormalement élevé au sein de la division plastiques et caoutchoucs, elle ne l'établit pas en se bornant à produire un relevé des entrées et sorties du personnel de cette division sans l'accompagner de précisions sur les raisons du départ des salariés et d'éléments de comparaison avec le taux de rotation du personnel dans les autres services ; que, par suite, en estimant que la réalité des agissements reprochés à M. X était établie par les témoignages des salariés, et que le trouble qui résulterait pour l'entreprise du refus de M. X d'accepter une autre affectation professionnelle était manifeste, l'inspecteur du travail a entaché d'inexactitude matérielle sa décision du 29 septembre 2000 autorisant la SOCIETE DE PRODUITS CHIMIQUES ET INDUSTRIELS à prononcer le licenciement M. X ; que, par suite, la SOCIETE DE PRODUITS CHIMIQUES ET INDUSTRIELS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 29 septembre 2000 l'autorisant à licencier M. X et la décision implicite du ministre de l'emploi et de la solidarité rejetant le recours hiérarchique de M. X dirigé contre cette décision du 29 septembre 2000 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ DE PRODUITS CHIMIQUES INDUSTRIELS (SPCI) est rejetée.
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