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25/11/2004 | FRANCE | N°02VE03392

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 25 novembre 2004, 02VE03392


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles le recours présenté par ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Vu le recours enregistr

au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 16 sept...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles le recours présenté par ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Vu le recours enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 16 septembre 2002 par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9806848-5 du 7 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a déchargé M. X des cotisations à l'impôt sur le revenu et à la contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994 ainsi que des pénalités afférentes à ces impositions ;

2°) de rétablir M. X aux rôles de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée à concurrence des droits et pénalités dont la décharge a été ordonnée par le Tribunal administratif de Versailles ;

Il soutient que le tribunal administratif a commis une erreur de droit dès lors que l'administration fiscale n'était pas tenue d'informer le contribuable dans la notification de redressements de la faculté de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'en effet, une telle mention n'est prévue par aucun texte lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L.69 du livre des procédures fiscales et lorsque, comme en l'espèce, le contribuable a tacitement accepté les redressements en s'abstenant de présenter des observations à la notification de redressement ; que le législateur n'a pas entendu, en décidant l'extension du champ d'intervention de la commission départementale aux revenus d'origine indéterminée, instituer d'autres règles de saisine et de fonctionnement de la commission que celles applicables dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire ; que le tribunal a dénaturé les faits car la notification de redressements adressée au contribuable le 2 décembre 1996 comportait au recto de la dernière page un rappel des dispositions de l'article L 76 du livre des procédures fiscales prévoyant la possibilité de la saisine de la commission ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2004 :

- le rapport de M. Martin, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. a fait l'objet du 6 février 1996 au 2 décembre 1996, d'un examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 1993 et 1994 à l'issue duquel des redressements lui ont été notifiés selon la procédure de taxation d'office prévue par les articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales ; que par jugement du 7 mai 2002, le Tribunal administratif de Versailles a fait droit à la demande de M. au motif que la procédure de taxation d'office suivie à son encontre était irrégulière ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie relève de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales issus de l'article 9-V de la loi n°87-502 du 8 juillet 1987 : Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59 et qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) ;

Considérant que l'article 9-V précité a ouvert la possibilité pour le contribuable taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en cas de désaccord persistant avec l'administration fiscale ; que si cette nouvelle procédure suppose que la notification de redressement invite le contribuable à présenter d'éventuelles observations aux redressements notifiés, afin qu'il puisse, en cas de désaccord persistant, demander la saisine de la commission départementale, aucun texte n'oblige l'administration à informer le contribuable de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lorsqu'elle lui notifie les bases d'une imposition effectuée notamment en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ; que ce n'est que si le désaccord persiste que l'administration est tenu d'informer le contribuable de cette possibilité de saisir la commission ; que c'est, par suite, à tort que le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur l'irrégularité de la procédure de taxation d'office pour accorder la décharge des droits et pénalités assignés à M. X au titre des années ci-dessus mentionnées ;

Considérant toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L.12 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : L'administration des impôts peut procéder à la vérification approfondie de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues au présent livre. A l'occasion de cette vérification, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie du contribuable. ;

Considérant qu'en instituant, par l'article 67 de la loi n°75-1278 du 30 décembre 1975 portant loi de finances pour 1976, la procédure de vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble, le législateur a nécessairement entendu permettre à l'administration de contrôler la cohérence entre les revenus déclarés par le contribuable et notamment, sa situation de trésorerie ; que, par suite, en insérant dans le livre des procédures fiscales la disposition de l'alinéa 2 de l'article 12, susmentionné, le gouvernement n'a pas excédé les limites de l'habilitation législative ;

Considérant que si M. soutient que le vérificateur à qui il avait remis ses relevés bancaires ne les lui a pas restitués, l'administration fiscale produit un accusé de réception et une lettre dont M. a accusé réception le 6 avril 1996, desquels il résulte qu'il avait adressé des photocopies de ses relevés bancaires et non les originaux ; qu'ainsi le contribuable qui avait conservé les relevés bancaires originaux ne peut prétendre qu'il s'est trouvé privé du moyen de présenter des observations ;

Considérant que l'examen par le vérificateur du compte bancaire de l'intéressé a fait ressortir que M. a bénéficié au titre de l'année 1993 de remises de chèques s'élevant à 296 700 F et au titre de l'année 1994 de remises de chèques s'élevant à 74 790 F pour lesquels il n'a produit aucune justification ; qu'ainsi l'administration était en possession d'éléments permettant d'établir que M. pouvait avoir disposé de revenus plus importants que ceux qu'il avait déclarés ; qu'elle était ainsi fondée à faire application des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'il appartient à M. X qui a été régulièrement taxé d'office, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;

Considérant que M. X soutient qu'il a prélevé sur son compte bancaire des chèques destinés à subvenir à ses besoins personnels dont le vérificateur n'a pas tenu compte pour chiffrer son train de vie, il n'a apporté aucune précision ni justification permettant au juge de l'impôt d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant que si, au titre de l'année 1993, M. X soutient que le dirigeant de la société Nesy, frappé d'interdiction bancaire lui avait demandé d'encaisser les chèques de 33 208 F, 31 000 F et 75 000 F et d'émettre en contrepartie des chèques à l'ordre des créanciers de cette société, il ne fournit aucune attestation de cette société et n'apporte aucun élément susceptible de démontrer qu'il a effectué les reversements allégués ; que si M. X produit une photocopie du relevé de compte de M. Brodier prouvant la réalité d'un transfert financier de 50 000 F, cette pièce n'établit pas la réalité de l'emprunt allégué par le requérant ; que si M. X soutient que le versement effectué sur son compte bancaire pour un montant de 65 000 F et de 50 000 F correspondait respectivement à la vente de meubles et d'un tableau, les attestations de messieurs Vezinet et Musset sont insuffisantes pour apporter la preuve de la réalité de ces ventes et des paiements auxquels elles auraient donné lieu ;

Considérant que si M. X, au titre de l'année 1994, soutient qu'il a bénéficié d'un prêt de M. Minot pour un montant de 20 000 F, l'attestation de ce dernier, ne suffit pas, en l'absence de précisions relatives au contrat de prêt, aux causes de l'emprunt et aux conditions de remboursement à corroborer les dires du requérant sur la cause des disponibilités dont il a bénéficié ; que si le contribuable produit une attestation émanant de son frère, concernant le prêt d'une somme de 20 000 F, celle-ci qui est peu précise et non datée n'est pas accompagnée d'éléments, tels que des justificatifs bancaires, permettant d'en vérifier l'exactitude ;

Sur les majorations exclusives de bonne foi :

Considérant qu'aux termes de l'article L.80E du livre des procédures fiscales La décision d'appliquer les majorations prévues à l'article 1729 du code général des impôts, lorsque la mauvaise foi est établie (...) est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités. ;

Considérant que si la notification de redressements du 2 décembre 1996 adressée à M. X comporte la signature et le nom du fonctionnaire chargé d'infliger les sanctions exclusives de bonne foi , elle ne comporte pas la mention du grade de l'agent ; que l'administration n'établit pas que ce dernier avait bien qualité pour notifier les majorations exclusives de bonne foi ; que l'absence de mention du grade de l'agent signataire de ce document est de nature à entacher la régularité de la procédure ; que M. X est fondé à soutenir que ces pénalités ont été établies sur une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, la décharge ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant que dans sa rédaction en vigueur issue de la loi 87-502 du 8 juillet 1987, l'article 1727 du code général des impôts dispose : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. ;

Considérant que l'intérêt de retard prévu par ces dispositions n'a pas le caractère d'une sanction mais d'une réparation du préjudice subi par le Trésor à raison du non respect par le contribuable de ses obligations fiscales, même pour la part qui excéderait l'application du taux légal ; que, par suite, M. X peut utilement se prévaloir du caractère excessif des intérêts de retard mis à sa charge ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et à la contribution sociale généralisée auxquelles M. X a été assujetti au titre des années 1993 et 1994 ainsi que des intérêts de retard.

DECIDE :

Article 1er : Les cotisations à l'impôt sur le revenu et à la contribution sociale généralisée auxquelles M. X a été assujetti au titre des années 1993 et 1994 ainsi que les intérêts de retard qui lui ont été assignés sont remis intégralement à sa charge.

Article 2 : M. X est déchargé des pénalités qui lui ont été assignées.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 7 mai 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt .

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 02VE03392
Date de la décision : 25/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2004-11-25;02ve03392 ?
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