Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Centrale photovoltaïque de Boissières a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019.
Par un jugement nos 2101474, 2101475 du 15 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2023 sous le n° 23TL01756, la société Centrale photovoltaïque de Boissières, représentée par la société d'avocats Artys, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 mai 2023 en tant qu'il porte sur la cotisation foncière des entreprises ;
2°) de prononcer la réduction des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la valeur vénale devant être prise en compte afin de déterminer la valeur locative du terrain d'assiette d'une centrale photovoltaïque doit être calculée par comparaison avec des terrains agricoles de même nature ; en l'occurrence, le prix à l'hectare pour les prés et terres libres dans le Gard s'élevait à 8 810 euros en moyenne, soit une valeur vénale de 182 279 euros ;
- cette valeur vénale ne peut correspondre à la somme des loyers devant être versés durant toute la durée du bail emphytéotique conclu pour permettre l'édification et l'exploitation de ladite centrale, dès lors que ces loyers ne reflètent pas le prix qui pourrait être obtenu pour le seul terrain par le jeu de l'offre et de la demande et que le service aurait dû mettre en œuvre des coefficients d'actualisation ;
- l'administration ne pouvait se fonder sur les baux emphytéotiques conclus en 2014 alors que la valeur vénale devait être évaluée au 1er janvier 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 12 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 février 2024.
II. Par une décision n° 476026 du 8 juillet 2024, le Conseil d'État a renvoyé à la cour administrative de Toulouse, où elle a été enregistrée sous le n° 24TL01765, la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés les 17 juillet et 17 octobre 2023 par la société Centrale photovoltaïque de Boissières, représentée par la société d'avocats Artys, en tant qu'elle demande :
1°) d'annuler le jugement du 15 mai 2023 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il porte sur la cotisation foncière des entreprises ;
2°) de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ; il a, notamment, insuffisamment répondu au moyen tiré de ce que la méthode d'évaluation retenue par l'administration ne tient compte d'aucun coefficient d'actualisation ;
- la valeur vénale devant être prise en compte afin de déterminer la valeur locative du terrain d'assiette d'une centrale photovoltaïque doit être calculée par comparaison avec des terrains libres de toute occupation, c'est-à-dire des terrains agricoles de même nature ;
- l'administration ne pouvait retenir une valeur vénale correspondant à la somme des loyers devant être versés durant toute la durée du bail emphytéotique conclu pour permettre l'édification et l'exploitation de ladite centrale, dès lors que ces loyers ne reflètent pas le prix qui pourrait être obtenu pour le seul terrain par le jeu de l'offre et de la demande ;
- l'emploi d'une telle méthode reviendrait à soumettre les immobilisations destinées à la production d'électricité photovoltaïque à la taxe foncière, ce qui serait contraire à l'article 1382 du code général des impôts ;
- l'administration ne pouvait se fonder sur les baux emphytéotiques conclus en 2014 alors que la valeur vénale devait être évaluée au 1er janvier 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La clôture de l'instruction est intervenue trois jours francs avant l'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fougères,
- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Centrale photovoltaïque de Boissières, qui exploite une centrale photovoltaïque située dans la commune de Boissières (Gard), a été assujettie, au titre des années 2018 et 2019, à des suppléments de cotisation foncière des entreprises et de taxe foncière à raison des terrains d'assiette de ses installations, qu'elle loue à la commune de Boissières ainsi qu'à deux particuliers selon des baux emphytéotiques conclus respectivement les 7 mars, 5 août et 27 août 2014. Par un jugement du 15 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'imposition. Par sa requête n° 23TL01756, la société Centrale photovoltaïque de Boissières relève appel de ce jugement en tant que le tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises. L'intéressée ayant parallèlement introduit un pourvoi en cassation portant sur l'ensemble des suppléments d'imposition contestés, le Conseil d'État a renvoyé la requête de cette société à la présente cour, qui l'a enregistrée sous le n° 24TL01765, en tant qu'elle porte sur la cotisation foncière des entreprises. Ces requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Nîmes a expressément répondu aux moyens contenus dans la demande qui lui était soumise. En particulier, le tribunal administratif a suffisamment répondu à l'argumentation tirée de ce que l'administration aurait dû mettre en œuvre des coefficients d'actualisation en jugeant qu'aucune des dispositions dont il était fait application ne prévoyait la prise en compte de tels coefficients. Par suite, la société Centrale photovoltaïque de Boissières n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité en raison d'une insuffisance de motivation ou d'un défaut de réponse à un moyen.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. D'une part, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11°, 12° et 13° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478 (...). / La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. / Pour le calcul de l'impôt, la valeur locative des immobilisations industrielles définie à l'article 1499 est diminuée de 30 % (...) ". Aux termes de l'article 1380 de ce code : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. " Aux termes de l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 5° À l'exception de ceux mentionnés au dernier alinéa de l'article 1393, les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux ; / (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 1500 du code général des impôts : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; / 2° Selon les règles prévues à l'article 1499, lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan d'une entreprise qui a pour principale activité la location de ces biens industriels ; / 3° Selon les règles fixées à l'article 1498, lorsque les conditions prévues aux 1° et 2° du présent article ne sont pas satisfaites (...) ". Aux termes du premier alinéa du I de l'article 1498 du même code : " la valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501, est déterminée selon les modalités prévues aux II ou III du présent article (...) ". Aux termes du III du même article 1498 : " A. - La valeur locative des propriétés ou des fractions de propriété qui présentent des caractéristiques exceptionnelles est déterminée en appliquant un taux de 8 % à la valeur vénale de la propriété ou fraction de propriété, telle qu'elle serait constatée si elle était libre de toute location ou occupation à la date de référence définie au B du présent III. / À défaut, la valeur vénale de la propriété ou fraction de propriété est déterminée en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimée à la date de référence par comparaison avec celle qui ressort de transactions relatives à des terrains à bâtir situés dans une zone comparable, la valeur de reconstruction de la propriété à la date de référence. / (...) / B. - La valeur locative des propriétés et fractions de propriétés mentionnées au A du présent III est déterminée au 1er janvier 2013 ou, pour celles créées après le 1er janvier 2017, au 1er janvier de l'année de leur création. "
5. Il est constant que les terrains d'assiette des installations photovoltaïques de la société appelante, qui constituent des terrains industriels, ne peuvent être évalués selon la méthode comptable, faute d'être inscrits au bilan de cette société, et doivent être évalués selon les règles fixées à l'article 1498 du code général des impôts. Il est tout aussi constant que ces terrains doivent être regardés, à défaut de marché locatif comparable permettant de les évaluer sur le fondement du II de cet article et faute de se rattacher à l'un des sous-groupes I à IX de l'article 310 Q de l'annexe II au code général des impôts, comme présentant des caractéristiques exceptionnelles au sens du III de l'article 1498. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la valeur locative de ces terrains devait être calculée en appliquant un taux de 8 % à leur valeur vénale.
6. Il résulte de l'instruction que le service a déterminé la valeur vénale de ces terrains à partir de la somme des redevances versées par la société sur la durée des baux emphytéotiques conclus par elle pour la prise de ces terrains. La société appelante soutient que la méthode retenue est erronée dès lors, d'abord, qu'elle aboutirait à un résultat sans rapport avec la valeur qui aurait résulté de leur vente, laquelle ne pourrait selon elle être déterminée que par comparaison avec des transactions effectuées sur des terrains agricoles à proximité, ensuite, qu'en tout état de cause cette méthode conduirait à déterminer la valeur vénale, non pas des seuls terrains, mais de l'ensemble constitué par les terrains et la centrale photovoltaïque, en outre, que l'administration ne pouvait légalement se référer à des baux conclus en 2014 pour déterminer une valeur vénale au 1er janvier 2013 et, enfin, que l'administration aurait dû utiliser des coefficients d'actualisation.
7. Toutefois, en premier lieu, d'une part, quand bien même les immobilisations destinées à la production d'électricité d'origine photovoltaïque sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties en application du 12° de l'article 1382 du code général des impôts, cette exonération ne concerne pas les terrains d'assiette d'une telle centrale, qui demeurent passibles de cette taxe sur le fondement du 5° de l'article 1381 du même code lorsque, compte tenu de l'importance des moyens techniques mis en œuvre et de leur rôle prépondérant dans l'activité de la centrale, ces terrains doivent être regardés comme des terrains non cultivés employés à un usage industriel. Par suite, dès lors qu'il n'est pas contesté que la centrale photovoltaïque exploitée par la société appelante présentait ces caractéristiques, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la valeur vénale devrait être déterminée par comparaison avec des transactions portant sur des terrains agricoles.
8. D'autre part, il résulte de l'instruction que la valorisation des terrains litigieux provient, pour l'essentiel, de ce qu'ils servent d'assiette à la centrale photovoltaïque correspondante et que la durée d'exploitation de cette centrale correspond à celle des baux emphytéotiques, qui prévoient qu'à leur terme la centrale doit être détruite et les terrains restitués dans leur état initial. Dans ces conditions, l'administration a pu, en l'espèce, déterminer la valeur vénale de ces terrains en se fondant sur le montant de la redevance prévue par les baux emphytéotiques pendant la durée de ceux-ci sans méconnaître les dispositions du premier alinéa du A du III de l'article 1498 du code général des impôts.
9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les baux emphytéotiques concernés portent uniquement sur les terrains d'assiette de la centrale photovoltaïque et que la redevance ne vise donc à couvrir que la prise à bail de ces terrains. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la méthode d'évaluation retenue par le service et fondée sur les redevances prévues par ces baux, conduirait à retenir la valeur vénale cumulée du terrain et de la centrale photovoltaïque.
10. En troisième lieu, l'administration fiscale pouvait se fonder sur des baux conclus en 2014 pour déterminer la valeur vénale des terrains en litige au 1er janvier 2013, dès lors que ces actes étaient suffisamment proches de cette date de référence.
11. En dernier lieu, si la société Centrale photovoltaïque de Boissières soutient que l'administration ne pouvait, pour évaluer la valeur vénale des terrains en litige, se borner à additionner les loyers sur la durée de quarante ans que prévoient les baux emphytéotiques, et aurait dû tenir compte de coefficients d'actualisation, elle ne propose toutefois aucun taux d'actualisation ni aucune méthode de calcul permettant d'affiner la valeur vénale de ces biens et ne justifie pas, dès lors, que la prise en compte de ces coefficients d'actualisation conduirait à la décharge, totale ou partielle, des suppléments d'imposition en litige.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Centrale photovoltaïque de Boissières n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2018 et 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la société Centrale photovoltaïque de Boissières sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Centrale photovoltaïque de Boissières et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 23TL01756, 24TL01765