Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2023 par lequel le préfet du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2304622 du 14 décembre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 11 décembre 2023 en tant qu'il a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 août 2024 et 27 juin 2025 sous le n° 24T02292, M. A..., représenté par Me Gonand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il rejette la demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire ;
2°) d'annuler dans cette mesure l'arrêté du 11 décembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un visa lui permettant de retourner en France ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les décisions d'obligation de quitter le territoire français et de refus de délai de départ volontaire méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2025, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une décision du 19 juillet 2024, le bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire a constaté la caducité de la demande de M. A....
II - Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2025 sous le n° 25TL00171, le préfet du Gard demande à la cour d'annuler le jugement n° 2304622 en tant qu'il annule l'arrêté du 11 décembre 2023 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Il soutient que :
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français a été prise à la suite d'un examen particulier de la situation de l'intéressé ;
- elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Le 2 juin 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la requête n° 25TL00171 du préfet du Gard est tardive dès lors qu'elle a été enregistrée au-delà du délai d'appel d'un mois. Le préfet du Gard a présenté des observations le 10 juin 2025.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité marocaine, né le 1er janvier 1982, déclare être entré en France en 2009. Par un arrêté du 11 décembre 2023, le préfet du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur ce territoire pendant une durée de trois ans. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2023. Par un jugement du 14 décembre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté précité en tant qu'il prononçait une interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus des conclusions de M. A.... Par une requête enregistrée sous le n° 24TL02292, M. A... relève appel de ce jugement dont il demande l'annulation en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Par une autre requête enregistrée sous le n° 25TL00171, le préfet du Gard demande l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français contenue dans son arrêté du 11 décembre 2023.
2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger de questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 24TL02292 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que le 17 juillet 2017 M. A... s'est marié à une ressortissante comorienne résidant régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident, avec laquelle il a eu deux enfants nés les 15 janvier 2012 et 8 février 2014, qu'il a reconnus respectivement le 18 décembre 2012 et seulement le 8 février 2017 pour le second. Toutefois, comme l'a déjà relevé la magistrate désignée du tribunal, M. A... n'apporte aucun élément permettant d'estimer qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ni qu'il aurait noué avec eux des relations particulières alors, par ailleurs, qu'il ne démontre aucune intégration socioprofessionnelle au cours de ses 14 années de présence alléguée sur le territoire français. En ce qui concerne l'éducation des enfants, il ressort d'une note de l'inspecteur d'académie que M. A... ne s'est pas investi lors des réunions organisées par les intervenants du programme de réussite de la ville de Nîmes dont profitait sa fille. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. A... a déjà fait l'objet de trois obligations de quitter le territoire français les 19 novembre 2014, 4 juin 2015 le 16 avril 2018 à l'exécution desquelles il s'est soustrait et qu'ainsi, il se maintient en situation irrégulière depuis plusieurs années. De plus, il ressort des mentions contenues dans le procès-verbal d'audition dressé par les officiers de police judiciaire le 11 décembre 2023 que M. A... s'exprime dans un français approximatif, ce qui a nécessité l'intervention d'un interprète en langue arabe et qu'il a, par ailleurs, déclaré avoir une famille au Maroc, son pays d'origine. Enfin, l'arrêté attaqué n'a pas, par lui-même, pour effet de séparer définitivement l'intéressé de sa femme et de ses enfants dès lors qu'il lui resterait possible, depuis son pays d'origine, de faire une demande de titre de séjour. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... à mener en France une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Il résulte du point 5 que le préfet ne peut être regardé comme ayant méconnu l'intérêt supérieur des enfants de M. A.... Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit ainsi être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2023 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre des frais de l'instance.
Sur la requête n° 25TL00171 :
9. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, alors applicable, relatif aux appels contre les jugements statuant sur les demandes tendant à l'annulation des obligations de quitter le territoire français et aux décisions relatives au séjour qu'elles accompagnent : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au préfet du Gard le 14 décembre 2023. Ce dernier en a accusé réception le même jour à 12h54 au moyen de l'application Télérecours. La requête n° 25TL00171 du préfet du préfet du Gard dirigée contre ce jugement n'a été enregistrée au greffe de la cour que le 24 janvier 2025, soit après l'expiration du délai d'un mois imparti par l'article R. 776-9 précité du code de justice administrative pour faire appel. Par ailleurs, dans la requête précitée n° 24TL02992, le préfet n'a pas présenté d'appel incident tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français en litige. Dès lors, la requête n° 25TL00171, qui a été présentée tardivement, est irrecevable et ne peut qu'être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 24TL02292 et 25TL00171 sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie pour information en sera délivrée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24TL02292 et 25TL00171 2