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16/07/2025 | FRANCE | N°24TL01370

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 16 juillet 2025, 24TL01370


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2024 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2400977 du 17 avril 2024,

le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2024 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2400977 du 17 avril 2024, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 mai 2024 et un mémoire en régularisation enregistré le 3 octobre 2024, M. C..., représenté par Me Ozeki, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2400977 du tribunal administratif de Montpellier du 17 avril 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 26 janvier 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ; à défaut d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet de mettre fin à son inscription aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal administratif de Montpellier n'était pas compétent pour connaitre de l'arrêté litigieux en application de l'article R. 312-8 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- le préfet de l'Hérault n'était pas territorialement compétent pour édicter cet arrêté ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'une carte de séjour mention " vie privée et familiale ".

En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :

- son illégalité doit être retenue par voie d'exception dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de séjour illégale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- son illégalité doit être retenue par voie d'exception dès lors qu'elle est fondée sur une décision d'obligation de quitter le territoire elle-même illégale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juin 2025, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 août 2024.

Le 24 juin 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que M. C..., qui n'a soulevé en première instance que des moyens de légalité interne, n'est pas recevable à soulever, en appel, des moyens de légalité externe tel que celui tiré de l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénitentiaire ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant surinamien né le 6 septembre 1996, déclare être entré en France en 2009. Il a bénéficié, le 5 février 2016, d'une carte de séjour temporaire, puis de trois cartes de séjour pluriannuelles dont la dernière était valable jusqu'au 4 février 2023. Le 2 août 2023, M. C... a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ". Par arrêté du 26 janvier 2024, le préfet de l'Hérault n'a pas fait droit à sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 17 avril 2024, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 312-8 du code de justice administrative : " Les litiges relatifs aux décisions individuelles prises à l'encontre de personnes par les autorités administratives dans l'exercice de leurs pouvoirs de police relèvent de la compétence du tribunal administratif du lieu de résidence des personnes faisant l'objet des décisions attaquées à la date desdites décisions (...) ". Aux termes de l'article R. 312-2 du même code : " (...) Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation. ".

3. Si M. C... soutient que le tribunal administratif de Montpellier n'était pas compétent territorialement pour connaître du litige l'opposant au préfet de l'Hérault, dès lors qu'à la date de la décision attaquée il était incarcéré à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne), il ressort des pièces du dossier que cette incompétence n'a pas été soulevée au cours de l'instance devant le tribunal. Par suite, M. B... n'est pas fondé à s'en prévaloir pour la première fois en appel. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du code pénitentiaire : " Les personnes détenues peuvent élire domicile auprès de l'établissement pénitentiaire (...) 3° Pour faciliter leurs démarches administratives. "

5. Il résulte de ces dispositions que le préfet territorialement compétent pour prendre un refus de titre de séjour est celui dans le ressort duquel l'étranger a sa résidence. Si M. C... est incarcéré au centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis (Essonne) depuis le 14 décembre 2022, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il y aurait élu domicile pour ses démarches administratives ou plus simplement informé, contrairement à ce qu'il affirme, les services de la préfecture qu'il ne résidait plus dans le département de l'Hérault. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du préfet de l'Hérault pour prendre l'arrêté en litige doit être écarté.

6. En deuxième lieu, M. C..., qui n'a soulevé en première instance que des moyens de légalité interne, n'est pas recevable à soulever en cause d'appel des moyens de légalité externe qui ne sont pas d'ordre public. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour, est irrecevable.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et des motifs de la décision attaquée, que le préfet a souligné que M. C... n'établissait pas l'existence de son concubinage avec la mère d'un de ses enfants, tout comme la réalité de ses liens paternels avec ses enfants, et qu'il ne démontrait pas non plus être dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C... doit être écarté.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

9. Comme l'a déjà relevé le tribunal administratif, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... avait, avant son incarcération, mené une vie commune avec la mère de son second enfant ou maintenu des liens avec cette dernière depuis son incarcération. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il entretiendrait des liens avec ses deux enfants ou avec d'autres membres de sa famille séjournant sur le territoire français. Les éléments du dossier ne permettent pas d'estimer que M. C... aurait eu une situation socioprofessionnelle stable en France, la seule production de contrats de missions temporaires datant des années 2019-2020 étant insuffisante à cet égard. Par ailleurs, l'appelant a fait l'objet de deux condamnations pénales, dont une pour récidive, pour des faits de transport, d'importation, de détention et acquisition non autorisée de stupéfiants, par deux jugements des tribunaux correctionnels de Créteil et de Paris des 20 novembre 2018 et 18 janvier 2023. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant l'arrêté en litige.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, M. C... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté compte tenu de ce qui précède.

En ce qui concerne l'interdiction de retourner sur le territoire français :

12. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de l'interdiction de retour sur le territoire français.

13. En second lieu, il résulte de ce qui précède que le préfet pouvait légalement édicter l'interdiction de retour sur le territoire français en litige.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... C... et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 24TL01370 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL01370
Date de la décision : 16/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Frédéric Faïck
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : OZEKI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-16;24tl01370 ?
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