Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2202960 du 12 septembre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 avril 2024, M. B..., représentée par Me Brel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 septembre 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure tiré de l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits quant à sa résidence habituelle en France depuis dix ans ;
- elle méconnaît les stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : elle est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant refus de titre de séjour.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : elle est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 1er mars 2024.
Par une ordonnance du 2 juin 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 juin 2025, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre, première conseillère,
- les observations de Me Bachet, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 9 août 1973, est entré en France le 2 juin 2001 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Le 20 novembre 2009, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de ses liens privés et familiaux en France. Par un arrêté du 30 novembre 2010, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et édicté une mesure d'éloignement à son encontre. Le 12 janvier 2012, l'intéressé a, de nouveau, sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 18 juin 2012, l'autorité préfectorale a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et l'a interdit de retour sur ce territoire pendant trois ans. Le recours formé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1202993 du 21 février 2013. Le 20 mai 2021, M. B... a sollicité un titre de séjour en se prévalant de l'ancienneté de sa présence en France. Par un arrêté du 13 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance du certificat de résidence demandé, sur le fondement des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 12 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
3. M. B... soutient avoir établi sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige. À ce titre, il se prévaut, notamment, de factures, de relevés bancaires, d'ordonnances et autres documents médicaux, de quittances de loyer, d'attestations de domiciliation ou encore de billets de train et de factures d'hôtel. Toutefois, ces éléments peu diversifiés ne comportent, notamment, aucune quittance de loyer ou facture d'énergie ou autre pièce plus probante quant à l'existence d'une domiciliation au titre, en particulier, des années 2011, 2012, 2014 et 2020 et de nature ainsi à établir son installation durable sur le territoire français. Dans ces conditions, les justificatifs dont se prévaut M. B... ne sont pas de nature à établir, par leur manque de variété et de caractère probant, sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. En particulier, s'agissant de l'année 2020, l'intéressé se prévaut seulement de trois billets de train, de surcroît uniquement datés du mois de décembre, sans aucun autre élément de domiciliation de nature à établir sa résidence habituelle en France sur l'ensemble de cette année. Par ailleurs, à l'exception de la mention d'un précédent mariage aujourd'hui dissout, l'appelant, qui se déclare divorcé et sans charge de famille et vit en France de manière précaire et isolée, n'apporte aucun élément propre à caractériser la nature et l'intensité des liens privés et familiaux qu'il a pu développer dans ce pays, en dépit de sa durée alléguée de présence, au regard de ceux conservés dans son pays d'origine qu'il a quitté à l'âge de 28 ans et dans lequel il conserve des attaches familiales dès lors qu'y résident ses deux parents. Dès lors, en lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas fait une inexacte application des stipulations précitées du 1) de l'article 6 de l'accord franco algérien, M. B... ne justifiant pas d'une résidence depuis plus de dix ans en France.
4. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a ni entaché sa décision d'inexactitude matérielle des faits quant à la résidence habituelle de M. B... en France depuis dix ans ni d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; /3° Lorsqu'elle envisage de retirer le titre de séjour dans le cas prévu à l'article L. 423-19 ; / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ".
6. D'une part, il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser ou de renouveler un titre de séjour, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels ces dispositions renvoient.
7. D'autre part, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf dispositions contraires expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour. Au nombre de ces dispositions figurent notamment celles de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que le préfet doit consulter la commission du séjour des étrangers lorsqu'il envisage de refuser ou de renouveler le titre de séjour temporaire d'un étranger.
8. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 3, M. B... ne satisfait pas aux conditions de fond posées par les stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien pour obtenir un certificat de résidence au titre de sa présence en France depuis plus de dix ans, à supposer le titre de séjour prévu par ces stipulations comme ayant une portée équivalente à ceux mentionnés à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'était pas tenu de saisir préalablement la commission du titre de séjour avant de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à M B.... Le vice de procédure tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. La décision portant refus de titre de séjour n'étant pas illégale ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 8, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement en litige serait, par voie de conséquence, illégale, doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
10. L'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie ainsi qu'il a été dit au point précédent, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel M. B... est susceptible d'être éloigné serait illégale, par voie de conséquence, doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24TL00796