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16/07/2025 | FRANCE | N°24TL00469

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 16 juillet 2025, 24TL00469


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2200447 du 17 juillet 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédu

re devant la cour :



Par une requête enregistrée le 21 février 2024, M. A..., représenté par l'AARPI Diale...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2200447 du 17 juillet 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2024, M. A..., représenté par l'AARPI Dialektik Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 juillet 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au profit de son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A... soutient que :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

- elles sont insuffisamment motivées.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il réside habituellement en France et que les pathologies qu'il présente ne lui permettront pas d'accéder de manière effective aux soins en cas de retour en Guinée, certains médicaments qui lui sont prescrits n'étant pas disponibles dans son pays alors qu'en outre, il n'y remplit pas les conditions pour bénéficier de l'assurance- maladie ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- son illégalité doit être retenue par voie d'exception dès lors qu'elle est fondée sur des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français illégales ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des risques qu'il encourt en cas de retour en Guinée.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de M. A....

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 26 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président assesseur,

- les observations de Me Bachet pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 28 août 1995, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 6 septembre 2017. Il a sollicité l'asile le 5 mars 2018 et sa demande a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 octobre 2019. Le 14 janvier 2020, il a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Il a obtenu une autorisation provisoire de séjour à ce titre, valable du 22 juin 2021 au 21 décembre 2021. M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un avis du 24 août 2021, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier pouvait bénéficier d'une offre et d'un accès aux soins en Guinée, où il pourrait voyager sans risque. Par une décision du 25 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité, a obligé ce dernier à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

2. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 17 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, la décision en litige, qui rejette la demande de titre de séjour de M. A... en qualité d'étranger malade, est suffisamment motivée en droit dès lors qu'elle mentionne les différents articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont le préfet a fait application. Elle est également suffisamment motivée au regard des éléments de fait dès lors qu'elle précise que M. A... ne justifie pas être dans l'impossibilité d'accéder, dans son pays d'origine, aux soins que requiert son état de santé. La décision attaquée précise encore que M. A... ne dispose pas, en France, de liens personnels et familiaux suffisamment intenses, anciens et stables, tandis qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, la décision attaquée satisfait à l'obligation de motivation.

4. En deuxième lieu, il ressort des motifs de sa décision que le préfet a examiné la situation de M. A... au regard de son état de santé et de la possibilité qui est la sienne de bénéficier de soins dans son pays d'origine. Le préfet a également examiné si M. A... pouvait prétendre à un titre de séjour à titre discrétionnaire pour motif humanitaire. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine notamment au vu de ces échanges et éléments contradictoires. En cas de doute et notamment lorsque le secret médical a été levé par l'intéressé, il lui appartient, le cas échéant, de compléter ces éléments en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Pour rejeter la demande de titre de séjour dont il était saisi, le préfet s'est notamment fondé sur l'avis du 24 août 2021, par lequel le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Guinée, ce dernier pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'épisodes d'hémoptysie, de douleurs thoraciques et d'asthme faisant suite à une lobectomie du poumon droit, ainsi que d'une anomalie cardiaque. La gravité de son état de santé et les conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'entraînerait pour lui l'absence de soins ne sont pas contestées par le préfet. Toutefois, d'une part, si M. A... fait valoir que certains médicaments qui lui sont prescrits ne sont pas disponibles dans son pays d'origine, et se prévaut à cet égard d'une " liste nationale des médicaments essentiels " établie en 2021 par la République de Guinée, il ne justifie pas des prescriptions médicales alléguées. D'autre part, si M. A... fait valoir qu'il ne pourrait bénéficier du dispositif d'assurance maladie guinéenne, il se borne à produire à l'appui de cette allégation un extrait du site internet de la sécurité sociale guinéenne sans apporter les précisions sur sa situation personnelle, et notamment financière, qui permettraient de conclure qu'il ne pourrait accéder personnellement aux soins nécessaires à son état de santé. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation que le préfet a refusé de faire droit à la demande de titre de séjour présentée par M. A... en qualité d'étranger malade.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

9. Ainsi qu'il l'a été exposé au point 7, l'état de santé de M. A... n'exige pas qu'il demeure en France pour que sa prise en charge médicale soit poursuivie. Par ailleurs, M. A... a été admis au séjour en 2017 sur le territoire français à titre provisoire du fait de sa demande d'asile, laquelle a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 octobre 2019. Il ne fait état d'aucun lien familial ou personnel en France, alors que sa mère demeure en Guinée comme lui-même l'a précisé dans sa demande de titre de séjour. En outre, M. A... a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine qu'il a quitté à l'âge de 22 ans. Dans ces conditions, le préfet n'a, en tout état de cause, pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision ne se trouve pas davantage, en tout état de cause, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique dès lors qu'elle repose sur une décision de refus de titre de séjour elle-même suffisamment motivée, ce qui est le cas en l'espèce, ainsi qu'il est dit au point 3. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été exposé au point 3, que le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... doit être écarté.

Sur le pays de renvoi :

12. En premier lieu, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachées d'illégalité, l'appelant n'est pas fondé à exciper de leur illégalité à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de renvoi.

13. En deuxième lieu, la décision attaquée indique que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, vu notamment l'absence de demande de protection internationale. Cette motivation est suffisante contrairement à ce que soutient M. A.... Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et des motifs de sa décision, que le préfet aurait procédé à un examen insuffisant de la situation de M. A... relativement aux risques encourus par ce dernier en cas de retour en Guinée, et qu'il se serait cru lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant définitivement la demande de l'intéressé.

14. En troisième lieu, si M. A... allègue encourir, en cas de retour en Guinée, un risque d'être exposé à des peines ou traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'en justifie pas, alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été rejetée ainsi qu'il a été dit.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24TL00469 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL00469
Date de la décision : 16/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-16;24tl00469 ?
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