Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. I... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2024 par lequel le préfet de l'Hérault a procédé au retrait de la carte de séjour pluriannuelle dont il était titulaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'enjoindre à ce dernier de renouveler cette carte de séjour pluriannuelle et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2406329 du 7 janvier 2025, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de l'Hérault de restituer à M. C... le titre de séjour dont il était titulaire et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et mis à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée le 3 février 2025 sous le n° 25TL00234, le préfet de l'Hérault demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 janvier 2025 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter la demande de M. C....
Il soutient que la présence en France de M. C... constitue une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2025, M. C..., représenté par Me Mazas, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen soulevé par le préfet de l'Hérault n'est pas fondé ;
- la " note blanche " produite en annexe n° 5 de la requête doit être écartée des débats ;
- la décision de retrait de son titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;
- elle aurait dû être précédée de la consultation de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire n'est pas justifiée, dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- la décision fixant le pays de renvoi n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par une ordonnance du 19 mai 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juin 2025.
II. Par une requête, enregistrée le 3 février 2025 sous le n° 25TL00235, le préfet de l'Hérault demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2406329 du 7 janvier 2025 du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen d'annulation soulevé dans sa requête au fond présente un caractère sérieux et est de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le tribunal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2025, M. C..., représenté par Me Mazas, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen soulevé par le préfet de l'Hérault est dépourvu de caractère sérieux et n'est pas de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le tribunal.
Par une ordonnance du 19 mai 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juin 2025.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de D...,
- et les observations de Me Mazas pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant russe d'origine tchétchène né le 29 septembre 1997, est entré en France en septembre 2002. Il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 14 décembre 2015 au 14 décembre 2016, puis d'une carte de séjour pluriannuelle portant la même mention, valable du 15 décembre 2016 au 14 décembre 2020, renouvelée jusqu'au 14 décembre 2024. Il a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2024 par lequel le préfet de l'Hérault a procédé au retrait de cette carte de séjour pluriannuelle, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par la requête n° 25TL00234, le préfet de l'Hérault fait appel du jugement du 7 janvier 2025 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté, lui a enjoint de restituer à M. C... le titre de séjour dont il était titulaire et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et mis à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la requête n° 25TL00235, le préfet de l'Hérault demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.
2. Les requêtes n° 25TL00234 et n° 25TL00235 présentées par le préfet de l'Hérault étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 25TL00234 :
3. La circonstance que la seconde " note blanche " produite par le préfet de l'Hérault, pour la première fois devant la cour, fait état de nouveaux éléments factuels concernant M. C..., dont certains sont postérieurs au jugement attaqué, ne justifie pas qu'elle soit écartée des débats.
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
4. Aux termes de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public (...) ". L'article R. 432-4 du même code dispose que : " Sans préjudice des dispositions des articles R. 421-41, R. 422-7, R. 423-2 et R. 426-1, le titre de séjour peut être retiré dans les cas suivants : / (...) / 6° L'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier d'une " note blanche " émise par les services de renseignement le 27 août 2024, soumise au débat contradictoire et confirmée par une seconde " note blanche " produite le 14 février 2025, que M. C... a entretenu, en 2019, des liens avec un prédicateur pro-djihadiste et est entré en contact, en 2020, avec un individu en lien avec la mouvance islamiste radicale. Au cours du mois de septembre 2022, il a participé à plusieurs repas au domicile de ce dernier, en présence, notamment, d'une personne qui avait été condamnée le 16 janvier 2014 à six ans d'emprisonnement pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme et le 9 juillet 2019 à trente mois d'emprisonnement pour recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement. Il a organisé, au cours du mois de décembre 2022, des repas réunissant ces deux personnes. Ces rencontres se sont poursuivies en 2023, avec la participation du frère radicalisé de M. C... et d'une personne qui avait été condamnée le 6 juillet 2016 à une peine de huit ans d'emprisonnement, assortie d'une période de sûreté des deux-tiers, pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme et qui a, par décret du 13 janvier 2025, été déchue de la nationalité française. La plupart de ces personnes ont continué à se fréquenter en 2024, en particulier lors d'un repas organisé le 8 janvier 2024. M. C..., qui se borne à se prévaloir de son intégration dans la société française, de ce que son comportement n'est pas répréhensible et de ce que les condamnations évoquées précédemment, prononcées dans le cadre de la législation anti-terroriste, sont anciennes et ne concernent pas l'ensemble des cinq personnes citées, ne conteste pas la réalité des liens entretenus avec ces dernières, même s'il cherche à en minimiser la portée, et ne critique pas sérieusement leur adhésion aux thèses du djihad armé prônées par des organisations terroristes. Par ailleurs, ces contacts répétés et organisés, sur une période de plus de cinq ans, avec plusieurs individus présentant la caractéristique commune d'appartenir à la mouvance islamiste radicale, est de nature à révéler, alors que M. C... n'apporte aucune explication sur la nature des relations entretenues ou l'objet des rencontres, une proximité intellectuelle avec ces derniers. Compte tenu de ces éléments, du contexte national marqué par le niveau élevé de la menace terroriste endogène, avec notamment comme vecteurs des jeunes radicalisés d'origine nord-caucasienne, ainsi que des éléments relatifs aux attaches de M. C... en France, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. Il a donc pu se fonder sur les dispositions précitées des articles L. 432-4 et R. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour retirer la carte de séjour pluriannuelle de M. C....
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a estimé que la décision de retrait de la carte de séjour pluriannuelle de M. C... méconnaissait les articles L 432-4 et R. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et était entachée d'une erreur d'appréciation. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif et devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens :
S'agissant de la décision de retrait du titre de séjour :
7. En premier lieu, la décision attaquée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, notamment des éléments précis concernant la situation de M. C..., est suffisamment motivée.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 121-2 du même code dispose que : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / 2° Lorsque leur mise en œuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) ". Aux termes enfin de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 15 décembre 2023, le préfet de l'Hérault a informé M. C... de son intention de procéder au retrait de la carte de séjour pluriannuelle qui lui avait été délivrée le 25 novembre 2021 et qui était valable jusqu'au 14 décembre 2024. Il l'a invité, à cette occasion, à présenter ses observations écrites et, le cas échéant, orales, après avoir indiqué que " l'article L. 432-4 du CESEDA prévoit qu'une carte de séjour pluriannuelle peut être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Ce courrier doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme mentionnant, avec une précision suffisante, les motifs de droit et de fait ultérieurement retenus par l'arrêté contesté. M. C... a ainsi a été mis à même de présenter utilement ses observations sur la décision envisagée, ce qu'il a d'ailleurs fait dans un courrier de son conseil du 3 janvier 2024, même s'il contenait une critique portant sur la " violation du contradictoire ". Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise sans être précédée d'une procédure contradictoire répondant aux exigences de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration doit donc être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / (...) / 5° Lorsqu'elle envisage de refuser le renouvellement ou de retirer une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident dans le cas prévu à l'article L. 412-10 ". Cet article dispose que : " Lorsque la décision de refus de renouvellement ou de retrait concerne une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident, l'autorité administrative prend en compte la gravité ou la réitération des manquements au contrat d'engagement au respect des principes de la République ainsi que la durée du séjour effectuée sous le couvert d'un document de séjour en France. Cette décision ne peut être prise si l'étranger bénéficie des articles L. 424-1, L. 424-9, L. 424-13 ou L. 611-3. / La décision de refus de renouvellement ou de retrait d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident est prise après avis de la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". Par la décision contestée, qui est fondée sur les dispositions précitées des article L. 432-4 et R. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a retiré la carte de séjour pluriannuelle de M. C..., après avoir estimé que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. Cette décision de retrait ne relève pas, en tout état de cause, du champ du 1° ou du 2° de l'article L. 432-13 précité, qui concerne les refus de délivrance ou de renouvellement de titres de séjour. Par ailleurs, dès lors qu'elle ne retient pas l'existence de manquements au contrat d'engagement au respect des principes de la République, cette même décision ne relève pas davantage du cas prévu au 5° de cet article. Par suite, l'intimé n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision contestée.
11. En quatrième lieu, M. C..., bien qu'étant entré en France à l'âge de 5 ans en compagnie de sa mère, de sa sœur et de ses frères, est célibataire et sans charge de famille. Il ne justifie ni l'ancienneté, ni la stabilité, de la relation amoureuse qu'il évoque. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Enfin, il ne justifie pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, alors même que l'intéressé a effectué ses études en France, où il a exercé occupé plusieurs emplois, qu'il bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'opérateur de chantiers ferroviaires, annonceur, sentinelle et agent de sécurité du personnel, et qu'il produit des attestations de proches faisant état de son intégration dans la société française, la décision portant retrait de sa carte de séjour pluriannuelle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. La motivation du retrait du titre de séjour étant, ainsi qu'il a été dit au point 7, suffisante, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.
13. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 11 du présent arrêt, le moyen selon lequel la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
14. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ". Compte tenu de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le comportement de M. C... ne constitue pas une menace pour l'ordre public doit être écarté.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
15. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, alors même qu'il ne fait pas référence, dans l'arrêté attaqué, au risque de conscription en cas de retour de M. C... dans son pays d'origine, ne s'est pas livré à un examen approfondi et complet de la situation de ce dernier avant de prendre la décision contestée.
16. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
17. D'une part, M. C..., qui est d'origine tchétchène, soutient qu'il encourt des risques pour sa sécurité en cas de retour en Russie et se prévaut, à ce titre, de ce qu'il est issu d'une famille connue pour sa participation à la lutte contre la présence russe en Tchétchénie. Toutefois, il n'apporte aucun élément permettant de confirmer ses allégations sur ce point. En se bornant à produire ou faire état de rapports d'ordre général relatifs à la situation des Tchétchènes après leur retour en Russie, l'intimé n'établit pas la réalité de menaces personnelles en cas de retour dans son pays d'origine.
18. D'autre part, M. C... soutient qu'il encourt, en Russie, un risque de conscription forcée ou de sanction de son refus de rejoindre l'armée et, en particulier, de participer au conflit avec l'Ukraine, où il possède des attaches familiales. Ainsi que l'a estimé la Cour nationale du droit d'asile dans sa décision n° 21068674 du 20 juillet 2023, lorsqu'il peut être tenu pour établi qu'un ressortissant russe est appelé dans le cadre de la mobilisation partielle des réservistes du décret présidentiel russe n° 647 du 21 septembre 2022 ou d'un recrutement forcé, il est probable qu'il soit amené à participer, directement ou indirectement, à la commission de crimes de guerre dans le cadre de son service, étant donné l'objet même de la mobilisation partielle, l'impossibilité de refuser un ordre de mobilisation et compte tenu des conditions de déroulement du conflit armé entre la Russie et l'Ukraine, marqué par la commission à grande échelle de crimes de guerre par les diverses unités des forces armées russes, que ce soit dans les territoires contrôlés par l'Ukraine ou dans les territoires actuellement placés sous contrôle des autorités russes. Dans ces conditions, les insoumis à cette mobilisation et les mobilisés ayant déserté sont exposés, à raison de leur refus de participer aux opérations militaires menées par l'armée russe en Ukraine, à des sanctions constitutives de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
19. Il appartient à l'intéressé de fournir l'ensemble des éléments pertinents permettant d'établir qu'il est effectivement soumis à une obligation militaire qui l'amènerait à participer, directement ou indirectement, à la commission de crimes de guerre. La seule appartenance à la réserve mobilisable ne permet pas d'établir qu'un ressortissant russe serait effectivement amené à commettre de tels crimes. Il lui incombe de fournir les éléments permettant d'établir qu'il est effectivement appelé à servir dans les forces armées dans le cadre de la mobilisation partielle du décret du 21 septembre 2022 ou d'un recrutement forcé.
20. En l'espèce, la seule production, par M. C..., de la copie d'une convocation au commissariat militaire de la République de Tchétchénie pour comparaître, le 6 novembre 2023, devant un comité de recrutement, à la supposer même authentique, ne permet ni d'établir qu'il serait effectivement soumis à une obligation militaire en Russie et à une mobilisation certaine dans le cadre du conflit avec l'Ukraine, ni, par conséquent, qu'il serait exposé à des risques personnels et actuels de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine.
21. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 20 que le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a fixé le pays de renvoi serait intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions précitées de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
22. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 30 octobre 2024, lui a enjoint de restituer à M. C... le titre de séjour dont il était titulaire et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et mis à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n° 25TL00235 :
23. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2406329 du 7 janvier 2025 du tribunal administratif de Montpellier, les conclusions du préfet de l'Hérault tendant au sursis à exécution de ce même jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2406329 du 7 janvier 2025 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 25TL00235 du préfet de l'Hérault tendant au sursis à exécution du jugement n° 2406329 du 7 janvier 2025 du tribunal administratif de Montpellier.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. I... C....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, où siégeaient :
M. G..., président,
D..., président-assesseur,
Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.
Le rapporteur,
D...
Le président,
A... G...
Le greffier,
E...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 25TL00234, 25TL00235