Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 mai 2024 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour pour une durée de trois ans, d'enjoindre au préfet du Tarn de procéder à la suppression de son signalement à fin de non-admission dans le système d'information Schengen, d'enjoindre à cette autorité de l'admettre au séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 2403241 du 20 décembre 2024, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet du Tarn de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et de supprimer sans délai son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, et a mis à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2025, le préfet du Tarn demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2024 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de rejeter la demande de M. C....
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, M. C... constitue une menace actuelle et sérieuse pour l'ordre public et il a bien pris en compte sa situation ;
- à cet égard, il n'est pas nécessaire que l'étranger ait fait l'objet de condamnations pénales pour être regardé comme constituant une menace pour l'ordre public ;
- par ailleurs, aucun des moyens soulevés par l'intéressé à l'appui de sa demande n'est fondé.
Par ordonnance du 26 mai 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juin 2025 à 12 heures.
Un mémoire a été produit pour M. C... le 14 juin 2025.
M. C... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 13 juin 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant russe d'origine tchétchène né le 20 mai 1994, déclare être entré en France au cours de l'année 2008. Il s'est vu délivrer une première carte de résident, valable du 15 mai 2012 au 14 mai 2022. À la suite du dépôt d'une demande de renouvellement de sa carte de résident, le 25 mars 2022, le préfet du Gers lui a délivré un récépissé de demande de carte de séjour valable jusqu'au 14 novembre 2022. Par deux arrêtés des 16 mars et 18 octobre 2023, le préfet du Tarn a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Ces décisions ont été annulées par un jugement du 14 novembre 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse qui a enjoint au réexamen de la situation de l'intéressé. Par un arrêté du 14 mai 2024, le préfet du Tarn a refusé la demande de titre de séjour de M. C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
2. Le préfet du Tarn relève appel du jugement du 20 décembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 14 mai 2024 précité.
Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :
3. Il ressort des pièces du dossier du bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. C... qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel d'Auch à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol, de vol en réunion, d'usage de fausse plaque sur un véhicule à moteur et conduite d'un véhicule à moteur malgré l'injonction de restituer le permis de conduire, commis les 3 et 4 mars 2013, à un mois de prison pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours commis le 1er février 2014. Par ailleurs, le préfet du Tarn expose, sans être aucunement contredit, que l'intéressé a tenu des propos inquiétants à l'encontre d'individus de sexe féminin et décrit une pratique religieuse rigoriste de l'intéressé attestant de son adhésion à une version radicalisée de l'islam. Enfin, il ressort de l'extrait du fichier du traitement des antécédents judiciaires qu'il a été mis en cause, pour escroquerie, en mars 2013, pour des faits de conduite d'un véhicule à moteur malgré une suspension administrative ou judiciaire du permis de conduire, en novembre 2020, et en mars 2023 pour des faits de mise en danger de la vie d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité lors de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, et de l'extrait d'une procédure policière du 15 mars 2023 qu'il a également été interpellé ce même jour en raison d'une mise en cause pour des faits de violence. Eu égard à la nature et au caractère répété des faits qui viennent d'être rappelés ainsi qu'à l'ensemble du comportement de M. C... tel que décrit par le préfet, qui s'est fondé sur ces faits et ce comportement pour fonder sa décision, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ce dernier ne justifiait pas de l'examen auquel il a procédé et qui l'a conduit à considérer que la présence de l'intéressé sur le territoire français était de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Tarn est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a estimé que la décision de refus de renouvellement de la carte de résident de M. C... était entachée d'un défaut d'examen de la situation de ce dernier. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif et devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la qualité de réfugié a été reconnue en application du livre V se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans ". Et aux termes de l'article L. 424-6 du même code : " Lorsqu'il est mis fin au statut de réfugié par décision définitive de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par décision de justice ou lorsque l'étranger renonce à ce statut, la carte de résident prévue aux articles L. 424-1 et L. 424-3 est retirée. / L'autorité administrative statue sur le droit au séjour des intéressés à un autre titre dans un délai fixé par décret en Conseil d'État. / Sous réserve de menace grave à l'ordre public ou que l'intéressé ne soit pas retourné volontairement dans le pays qu'il a quitté ou hors duquel il est demeuré de crainte d'être persécuté, la carte de résident ne peut être retirée en application du premier alinéa quand l'étranger est en situation régulière depuis au moins cinq ans ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 432-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le renouvellement de la carte de résident peut être refusé à tout étranger lorsque : / 1° Sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public (...) ".
7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un étranger à qui la qualité de réfugié a été reconnue se voit de plein droit accorder une carte de résident et qu'un refus de renouvellement de cette carte ne peut être fondé sur la seule menace grave pour l'ordre public constituée par la présence de cet étranger sur le territoire français, en dehors de l'hypothèse de la perte du statut de réfugié par l'intéressé.
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du message adressé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides au tribunal administratif de Toulouse le 9 octobre 2024 que M. C... possède le statut de réfugié, qualité sur le fondement de laquelle une carte de résident lui avait été délivrée en 2012 et qui a également fondé sa demande de renouvellement de carte de résident, en 2022, rejetée par l'arrêté contesté du 14 mai 2024. En conséquence, le renouvellement de sa carte de résident en qualité de réfugié devait lui être accordé sans que puissent y faire obstacle les dispositions de l'article L. 432-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Tarn n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 14 mai 2024 par lequel ce préfet a refusé la demande de titre de séjour de M. C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du préfet du Tarn est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
Le président-assesseur,
N. Lafon
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 25TL00056