Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 mars 2024 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler sa carte de séjour pluriannuelle, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2401900 du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2024 sous le n° 24TL02578, M. B..., représenté par Me Mazas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juin 2024 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 mars 2024 du préfet de l'Hérault ;
3°) de restituer son passeport ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter du présent arrêt ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en fait ;
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées en fait ;
- elles n'ont pas été précédées d'un examen réel et sérieux de sa situation ;
- la décision de refus de titre de séjour devait être précédée de la saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle aurait dû être précédée de la consultation de la commission du titre de séjour ;
- sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire n'est pas justifiée, dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour est privée de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2025, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 septembre 2024.
II. Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2024 sous le n° 24TL02579, M. B..., représenté par Me Mazas, demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2401900 du 6 juin 2024 du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que l'exécution du jugement contesté est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables, dès lors qu'elle rend possible son éloignement, et que les moyens qu'il soulève présentent un caractère sérieux.
Par une ordonnance du 12 mai 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 juin 2025.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 septembre 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- et les observations de Me Mazas pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 12 février 1993 et de nationalité marocaine, a été confié à l'aide sociale à l'enfance du département des Alpes-Maritimes, puis, à compter du 16 décembre 2010, du département de l'Hérault et a obtenu, le 31 octobre 2012, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", renouvelée jusqu'au 4 juin 2015, puis du 10 mars 2017 au 9 mars 2019. Il a ensuite obtenu une carte de séjour pluriannuelle, valable du 10 mars 2019 au 9 mars 2023. Par un arrêté du 27 mars 2024, le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler cette carte, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par la requête n° 24TL02578, M. B... fait appel du jugement du 6 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par la requête n° 24TL02579, il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.
2. Les requêtes n° 24TL02578 et n° 24TL02579 présentées par M. B... étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 24TL02578 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montpellier, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par M. B..., a expressément répondu et de manière suffisante aux moyens tirés du défaut d'examen de sa situation et de saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de l'absence de menace pour l'ordre public et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, la décision attaquée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, notamment des éléments précis concernant la situation de M. B..., est suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le préfet, qui n'était pas tenu d'examiner d'office sa demande sur un autre fondement que celui invoqué, aurait dû précéder la décision attaquée de la saisine, pour avis, du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement (...) de la carte de séjour pluriannuelle (...) ". Aux termes de l'article L. 432-13 du même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / (...) / 5° Lorsqu'elle envisage de refuser le renouvellement ou de retirer une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident dans le cas prévu à l'article L. 412-10 ". Cet article dispose que : " Lorsque la décision de refus de renouvellement ou de retrait concerne une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident, l'autorité administrative prend en compte la gravité ou la réitération des manquements au contrat d'engagement au respect des principes de la République ainsi que la durée du séjour effectuée sous le couvert d'un document de séjour en France. Cette décision ne peut être prise si l'étranger bénéficie des articles L. 424-1, L. 424-9, L. 424-13 ou L. 611-3. / La décision de refus de renouvellement ou de retrait d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident est prise après avis de la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". Par la décision contestée, qui est fondée sur les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a estimé que la présence en France de M. B... constituait une menace pour l'ordre public. Cette décision ne retient pas l'existence de manquements au contrat d'engagement au respect des principes de la République et ne relève donc pas du cas prévu à l'article L. 412-10 précité. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault était tenu de saisir la commission du titre de séjour en application du 5° de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet de l'Hérault, alors même qu'il ne fait pas référence, dans l'arrêté attaqué, à l'irresponsabilité pénale de M. B..., à sa maladie psychiatrique et à son hospitalisation d'office en février 2024, ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de ce dernier.
8. En cinquième lieu, lorsque l'administration oppose à un étranger le motif tiré de ce que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public pour refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement un refus de titre de séjour et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace pour l'ordre public.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné à dix reprises, entre 2011 et 2022, pour des faits de vol, de récidive de vol dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, de voyage habituel dans un moyen de transport public de personnes payant sans titre de transport valable, d'usage illicite et de détention non autorisée de stupéfiants. En outre, le service pénitentiaire d'insertion et de probation de l'Hérault a émis, le 7 décembre 2023, un signalement à l'encontre de M. B..., pour avoir proféré des menaces d'égorgement de mécréants. Enfin, par un jugement du 12 février 2024, le tribunal correctionnel de Montpellier l'a reconnu coupable des faits de destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, constitués par l'incendie volontaire, le 10 décembre 2023, du piano installé dans le hall de la gare ferroviaire de Montpellier. Compte tenu du caractère récent de ces derniers faits, de leur nature et de leur gravité, de la récurrence des infractions pénales dont il s'est rendu coupable depuis 2011, ainsi que des éléments relatifs aux attaches de M. B... en France, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. À ce titre, la circonstance que le jugement correctionnel du 12 février 2024 l'a déclaré irresponsable pénalement pour cause de trouble mental ayant aboli son discernement au moment des faits et a ordonné son admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète ne suffit pas à considérer, alors d'ailleurs que sa dangerosité a été établie et a justifié le prononcé d'une interdiction de détenir ou porter une arme pour une durée de dix ans, qu'il ne présenterait plus une menace pour l'ordre public. Il en est de même des synthèses médicales établies les 29 mars et 9 juillet 2024 par lesquelles un médecin psychiatre se borne à faire état de ce que l'état clinique de M. B... est en cours d'amélioration. Le préfet de l'Hérault a donc pu se fonder sur l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser de renouveler la carte de séjour pluriannuelle de M. B....
10. En dernier lieu, les circonstances que M. B... est entré en France à l'âge de 12 ans, qu'il a obtenu plusieurs titres de séjour, qu'il a été élevé essentiellement dans les foyers de l'aide sociale à l'enfance et que sa maladie psychiatrique, qui est à l'origine de difficultés majeures, doit faire l'objet d'une prise en charge, sont insuffisantes pour faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. La motivation du refus de titre de séjour étant, ainsi qu'il a été dit au point 4, suffisante, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.
12. En deuxième lieu, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne faisait obligation au préfet, compte tenu de la date de l'arrêté attaqué, qui est postérieure à l'abrogation de l'ancien 9° de l'article L. 611-3 de ce code, de recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à M. B....
13. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 et 10 du présent arrêt, les moyens selon lesquels la décision portant obligation de quitter le territoire français n'aurait pas été précédée d'un examen réel et sérieux et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.
S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
14. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ". Compte tenu de ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le comportement de M. B... ne constitue pas une menace pour l'ordre public doit être écarté.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., qui ne précise au demeurant pas le traitement nécessité par son état de santé et les risques qu'il encourrait personnellement, ne pourrait bénéficier effectivement au Maroc, où résident d'ailleurs la plupart des membres de sa famille, d'une prise en charge adaptée de sa pathologie psychiatrique. Il n'établit donc pas qu'en cas de retour dans son pays d'origine, son état de santé atteindrait un seuil de gravité tel qu'il serait exposé à un risque de subir personnellement des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a fixé le pays de renvoi serait intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions précitées de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
17. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision portant interdiction de retour, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
Sur la requête n° 24TL02579 :
19. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2401900 du 6 juin 2024 du tribunal administratif de Montpellier, les conclusions de M. B... tendant au sursis à exécution de ce même jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24TL02579 de M. B... tendant au sursis à exécution du jugement n° 2401900 du 6 juin 2024 du tribunal administratif de Montpellier.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 24TL02578, 24TL02579