Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement nos 2204170, 2204171 du 26 septembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2023, Mme C..., représentée par Me Brel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler cet arrêté du 8 juillet 2022 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- le magistrat désigné a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour était susceptible de causer sur sa situation ;
S'agissant de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour :
- le préfet de la Haute-Garonne a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur d'appréciation dans son application ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale car fondée sur un refus de titre lui-même illégal ;
- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est illégale car fondée sur un refus de titre et une obligation de quitter le territoire français eux-mêmes illégaux ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 25 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 décembre 2023.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Fougères a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante russe entrée en France irrégulièrement le 26 décembre 2017, selon ses déclarations, à l'âge de 61 ans, a présenté une demande d'asile, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 novembre 2019, refus confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 30 décembre 2021, puis une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade le 10 février 2022. Par un arrêté du 8 juillet 2022, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par la présente requête, Mme C... relève appel du jugement du 26 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des termes du jugement attaqué que le magistrat désigné ne s'est pas prononcé sur le moyen soulevé par Mme C... tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour serait susceptible d'entraîner sur sa situation. Toutefois, à l'appui de ce moyen, Mme C... faisait uniquement valoir les risques qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade n'impliquant pas, par elle-même, un renvoi vers la Fédération de Russie, ce moyen était inopérant et le magistrat désigné n'a, dès lors, pas entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant d'y répondre.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'une hypertension artérielle avec douleurs thoraciques atypiques et d'une arthrose lombaire invalidante compliquée d'une neuropathie axonale responsable de douleurs des membres inférieurs majorées. Il ressort, en outre, du dossier médical confidentiel transmis au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, saisi par le préfet au cours de l'instruction de la demande de titre de séjour, que Mme C... suit un traitement à base de médiatensyl, d'ibuprofène et de paracétamol codéiné et que des séances de kinésithérapie sont préconisées. Toutefois, le collège de médecins a considéré que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. La réalité de cette affirmation n'est pas remise en cause par les seuls certificats médicaux versés au dossier par l'appelante, le premier décrivant essentiellement son état psychologique et la nature de ses douleurs, sans mentionner les conséquences d'une éventuelle interruption de son traitement, qu'il ne détaille d'ailleurs pas, et le second, postérieur à la décision attaquée, mentionnant seulement " une aggravation de son état de santé qui nécessite un renforcement de son traitement médicamenteux ", sans préciser la nature de cette aggravation et les médicaments qu'elle nécessite, et que son " état de santé peut se compliquer jusqu'à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ", sans autre précision. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation ni méconnaître les dispositions précitées que le préfet de la Haute-Garonne a pu refuser à Mme C... de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade.
5. En second lieu, ainsi que dit au point 2 du présent arrêt, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'implique pas, par elle-même, le renvoi de Mme C... vers son pays d'origine. L'intéressée ne peut dès lors utilement soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible d'entraîner sur sa situation eu égard aux menaces dont elle ferait l'objet en cas de retour dans ce pays.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision obligeant Mme C... à quitter le territoire français :
6. En premier lieu, l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à Mme C... n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ce refus, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, c'est sans méconnaître les dispositions précitées que le préfet de la Haute-Garonne a pris à l'encontre de Mme C... une décision portant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
9. En premier lieu, l'illégalité des décisions refusant à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ces décisions, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision fixant le pays à destination duquel Mme C... pourra être éloigné, ne peut qu'être écartée.
10. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Mme C..., qui se dit originaire de Tchétchénie, soutient qu'après l'enlèvement en 2003 par des hommes masqués de son mari, qu'elle n'a jamais revu, son fils né en 1992 a été à son tour enlevé et violenté à plusieurs reprises en 2011, 2012 et 2015, et qu'ils ont tous deux fui la Fédération de Russie pour se rendre d'abord en Biélorussie, puis en Pologne, en Allemagne, en Belgique et enfin en France. Elle soutient ainsi qu'elle est exposée à des risques de peines ou traitements inhumains aussi bien en tant que simple membre de la famille d'une personne perçue par les autorités tchétchènes comme proche des combattants, qu'en tant que demandeuse d'asile, et mentionne notamment des rapports établis par l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés le 13 mai 2016 et en avril 2017. Toutefois, outre que ces éléments généraux étaient anciens à la date de la décision attaquée, l'intéressée, dont la demande de protection a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile, ne verse aucun élément au dossier permettant d'établir son origine tchétchène, la disparition de son mari, les violences subies par son fils ou tout autre élément probant de nature à étayer ses allégations. Elle ne justifie pas non plus encourir une menace personnelle et actuelle en raison du simple dépôt de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées en fixant comme pays de renvoi la Fédération de Russie.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent jugement, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C... doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au conseil de Mme C... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Nicolas Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02223