Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 2 mars 2021 de la directrice générale de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) en tant qu'elle a confirmé une réfaction de 260 208,89 euros sur l'aide attribuée au titre du fonds opérationnel 2019 pour le financement de son programme opérationnel et une pénalité de 203 272,64 euros.
Par un jugement n° 2102467 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 5 juillet 2023 et le 11 décembre 2024, l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale, représentée par Me Ledoux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler la décision du 2 mars 2021 de la directrice générale de FranceAgriMer, ainsi que la décision du 9 novembre 2020 par laquelle la même autorité avait, pour l'essentiel, prononcé les mêmes mesures ;
3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la décision du 2 mars 2021 n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire préalable ;
- elle a versé à son adhérente, la coopérative Les Deux Vallées, la somme correspondant à la prise en charge des dépenses avant la date limite fixée au point 3.7.2 de l'annexe W de la stratégie nationale en matière de programmes opérationnels à caractère durable dans le secteur des fruits et légumes, lequel a été conçu pour les organisations de producteurs entretenant un rapport direct avec les producteurs concernés par le programme opérationnel ;
- la remise en cause de la réfaction de 260 208,89 euros appliquée sur le fondement du point 3.7.2 de l'annexe W de la stratégie nationale en matière de programmes opérationnels à caractère durable dans le secteur des fruits et légumes implique celle de la pénalité de 203 272,64 euros qui lui a été infligée ;
- aucune pénalité ne pouvait lui être appliquée, ainsi que le prévoit le paragraphe 3 de l'article 61 du règlement délégué (UE) n° 2017/891 de la Commission du 13 mars 2017, dès lors qu'elle n'est pas responsable de la prise en compte du montant non admissible.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 30 octobre 2024 et le 6 janvier 2025, FranceAgriMer, représenté par Me Alibert, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions dirigées contre la décision du 9 novembre 2020, qui sont nouvelles en appel, sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale sont inopérants ou ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le règlement délégué (UE) n° 2017/891 de la Commission du 13 mars 2017 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 2017/892 de la Commission du 13 mars 2017 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,
- les observations de Me Marsso pour l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale,
- et les observations de Me Corazza pour FranceAgriMer.
Considérant ce qui suit :
1. L'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale, qui a été reconnue en qualité d'organisation de producteurs dans le secteur des fruits et légumes par un arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 30 octobre 1997, a déposé une demande d'aide d'un montant de 4 702 275,74 euros au titre du fonds opérationnel 2019 pour le financement de son programme opérationnel. À la suite d'un contrôle sur place réalisé du 11 mars au 3 août 2020, la directrice générale de FranceAgriMer, par une décision du 9 novembre 2020, lui a attribué une aide réduite à 4 074 920,02 euros, après application de plusieurs réfactions et d'une pénalité de 313 677,86 euros. Par une décision du 2 mars 2021, la même autorité a partiellement fait droit au recours gracieux introduit par l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale le 5 janvier 2021 en portant le montant de l'aide à 4 295 730,46 euros, après avoir annulé certaines réfactions et réduit la pénalité infligée à 203 272,64 euros. L'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale fait appel du jugement du 12 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande, qu'il a regardée comme tendant à l'annulation des décisions du 9 novembre 2020 et du 2 mars 2021, en tant qu'elles ont prononcé une réfaction de 260 208,89 euros et la pénalité précitée.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". La minute du jugement contesté a été signée par la présidente de la formation de jugement, le rapporteur ainsi que la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signature de la minute, manque en fait et doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes L. 110-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées à l'administration ". L'article L. 121-1 du même code dispose que : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".
4. L'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale soutient que, contrairement à celle du 9 novembre 2020, la décision du 2 mars 2021 n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire préalable. Toutefois, cette décision, prise à la suite d'un recours gracieux et donc d'une demande au sens des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, tout comme d'ailleurs la décision du 9 novembre 2020, n'était pas, alors même qu'elle procède à l'annulation de certaines réfactions et fonde sur un nouveau motif celle qui correspond à la somme de 260 208,89 euros, au nombre des décisions soumises à une procédure contradictoire. Par suite, le moyen soulevé par l'appelante est inopérant.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 32 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles : " 1. Les organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes (...) peuvent constituer un fonds opérationnel. Le fonds est financé par : / a) les contributions financières versées (...) / b) l'aide financière de l'Union, qui peut être octroyée aux organisations de producteurs (...) / 2. Les fonds opérationnels sont utilisés aux seules fins du financement des programmes opérationnels soumis aux États membres et approuvés par ceux-ci ". Le 2 de l'article 36 du même règlement dispose que : " Chaque État membre établit une stratégie nationale pour les programmes opérationnels à caractère durable sur le marché des fruits et légumes (...) ". Aux termes de l'article 9 du règlement d'exécution (UE) n° 2017/892 de la Commission du 13 mars 2017 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés : " 1. Les organisations de producteurs présentent une demande d'aide ou de solde de l'aide auprès de l'autorité compétente de l'État membre pour chaque programme opérationnel pour lequel une aide est demandée, au plus tard le 15 février de l'année suivant celle pour laquelle l'aide est demandée. / 2. Les demandes d'aide sont accompagnées des pièces justificatives indiquant : / (...) / d) les dépenses engagées au titre du programme opérationnel (...) ". Aux termes enfin du point 3.7.2 de l'annexe W de la stratégie nationale en matière de programmes opérationnels à caractère durable dans le secteur des fruits et légumes définissant les modalités d'intervention des organisations de producteurs (OP) : " (...) L'OP prend en charge la dépense en remboursant le producteur. Ainsi, le producteur doit s'acquitter de sa facture avant que l'OP ne règle le paiement de la demande de prise en charge, sauf cas dûment justifiés. Ce paiement (par l'OP) doit avoir lieu avant le 15 février de l'année suivant le fonds et le débit effectif du compte de l'OP doit également avoir été réalisé à cette date. Pour les coopératives, le mouvement du compte coopérateur vaut débit (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité. / (...) / Les sociétés coopératives agricoles peuvent se grouper en unions de coopératives agricoles. Sauf stipulation expresse contraire, ces unions sont soumises aux mêmes dispositions que les sociétés coopératives agricoles ". Aux termes de l'article L. 551-1 du même code : " L'autorité administrative reconnaît les organisations de producteurs et les associations d'organisations de producteurs dans les secteurs couverts par le règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles dans les conditions prévues par celui-ci ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'aide présentée par l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale, en sa qualité d'organisation de producteurs, au titre du fonds opérationnel 2019 pour le financement de son programme opérationnel concernait notamment six factures d'un montant total de 447 747,06 euros, émises les 18 et 19 décembre 2019 au nom des sociétés civiles d'exploitation agricole Domaine de Fontorbe et Les Vergers d'Ambres et prises en charge à hauteur de 260 208,89 euros. Ces deux sociétés productrices, qui se sont régulièrement acquittées de ces factures, ont été remboursées, au titre du fonds opérationnel 2019, les 27 et 28 avril 2020, postérieurement au 15 février de l'année suivant le fonds, date limite fixée à cet égard par le point 3.7.2 de l'annexe W cité précédemment. Les circonstances que l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale a versé les sommes en cause à la coopérative " Coop Fruits Légumes des Deux Vallées " avant le 15 février 2020 et que cette dernière a ensuite procédé au remboursement des sociétés productrices, qui en sont membres et qui n'entretiennent pas de liens directs avec l'union, sont sans incidence sur le respect des conditions prévues par le point 3.7.2 de l'annexe W, dès lors, d'une part, que cette coopérative, qui n'a pas directement supporté les dépenses en cause, ne constitue pas un producteur, d'autre part, qu'elle ne constitue pas davantage une organisation de producteurs pour l'application du dispositif en cause, contrairement à l'union appelante. Dans ces conditions, la directrice générale de FranceAgriMer était fondée à déduire la somme de 260 208,89 euros, tardivement remboursée aux sociétés productrices au regard des prescriptions posées par le point 3.7.2 de l'annexe W, du montant des dépenses admises pour le calcul de l'aide accordée à l'union appelante au titre du fonds opérationnel 2019 pour le financement de son programme opérationnel.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 61 du règlement délégué (UE) n° 2017/891 de la Commission du 13 mars 2017, relatif à la pénalité pour montants non admissibles : " (...) 2. L'État membre examine la demande d'aide reçue et établit les montants admissibles au bénéfice de l'aide. Il détermine le montant qui : / a) serait payable au bénéficiaire sur la seule base de la demande ; / b) est payable au bénéficiaire après examen de l'admissibilité de la demande. / 3. Si le montant établi conformément au paragraphe 2, point a), dépasse de plus de 3 % le montant établi conformément au paragraphe 2, point b), une pénalité est appliquée. Le montant de la pénalité correspond à la différence entre les montants calculés conformément au paragraphe 2, points a) et b). Toutefois, aucune pénalité n'est appliquée si l'organisation de producteurs est en mesure de démontrer qu'elle n'est pas responsable de la prise en compte du montant non admissible (...) ".
9. D'une part, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que l'illégalité de la réfaction de 260 208,89 euros implique l'absence de dépassement de plus de 3 % du montant de l'aide payable après examen de l'admissibilité de la demande de l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale et, par suite, la remise en cause de la pénalité de 203 272,64 euros qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions citées au point 8 doit être écarté.
10. D'autre part, l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale ne démontre pas, en se bornant à se prévaloir de ce que le retard de remboursement aux deux sociétés productrices évoquées au point 7 serait imputable à la coopérative " Coop Fruits Légumes des Deux Vallées ", qu'elle ne serait pas responsable de la prise en compte du montant non admissible de 260 208,89 euros. Elle ne peut donc se prévaloir de la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 61 du règlement délégué (UE) n° 2017/891 de la Commission du 13 mars 2017.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par FranceAgriMer, que l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de FranceAgriMer, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale le versement à FranceAgriMer de la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale est rejetée.
Article 2 : L'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale versera à FranceAgriMer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'union des coopératives agricoles Les Vergers de Blue Whale et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23TL01612