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19/06/2025 | FRANCE | N°23TL01069

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 19 juin 2025, 23TL01069


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.



Par un jugement n° 2101171 du 6 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mém

oire, enregistrés le 9 mai 2023 et le 14 février 2024, M. D... et Mme C..., représentés par la société d'exercice libéral ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 2101171 du 6 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mai 2023 et le 14 février 2024, M. D... et Mme C..., représentés par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Avodia, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 mars 2023 ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'impositions contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle s'est abstenue de leur communiquer les documents demandés et qu'ils ne pouvaient pas avoir librement accès à ces documents à la date de la demande ;

- les charges dont la déduction a été refusée ne peuvent être regardées comme des revenus distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

- l'administration ne démontre pas que les factures obtenues de tiers portent sur la construction de biens immobiliers leur appartenant, faute de les produire ;

- l'administration ne pouvait assujettir les revenus distribués aux contributions sociales sur les revenus du patrimoine pour leur fraction excédant 10 % du capital social, des primes d'émission et des sommes versées en compte courant ;

- l'intérêt de retard et les pénalités doivent être déchargés par voie de conséquence.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 20 octobre 2023 et le 22 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 18 520 euros prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- il a été fait droit au moyen portant sur les contributions sociales, ce qui entraîne un dégrèvement de 18 520 euros ;

- les autres moyens soulevés par M. D... et Mme C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fougères,

- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société JPB Développement, dont M. D... était le gérant de droit et l'associé majoritaire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. À l'issue du contrôle, le service a considéré que la société avait pris en charge des dépenses personnelles de M. D..., et a remis en cause leur déduction du bénéfice imposable. En conséquence, le service a notifié à M. D... et Mme C..., par une proposition de rectification du 17 août 2017 et selon la procédure contradictoire, son intention de mettre à leur charge des suppléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et de contributions sociales à raison des revenus réputés distribués par cette société, assortis de pénalités pour manquement délibéré. M. D... et Mme C... relèvent appel du jugement du 6 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a refusé de faire droit à leur demande tendant à la décharge de ces suppléments d'imposition.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision en date du 20 octobre 2023, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a prononcé un dégrèvement partiel du supplément de contributions sociales en litige, à hauteur de 18 520 euros. À concurrence de ce montant, la requête de M. D... et Mme C... est devenue sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées, de manière à lui permettre de formuler utilement ses observations. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.

4. Il ressort de la proposition de rectification adressée le 17 août 2017 à M. D... et Mme C... que celle-ci mentionne l'année d'imposition concernée et le fondement légal des rehaussements envisagés, en l'occurrence le 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et le montant de ces rehaussements. Cette proposition de rectification comporte également les motifs des rehaussements envisagés, pour l'essentiel contenus dans les extraits de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable adressés à la société JPB Développement, lesquels y sont repris in extenso et précisent le détail des charges non admises en déduction du résultat et la taxe sur la valeur ajoutée dont la déduction n'est pas admise en raison du caractère personnel des dépenses concernées. La seule circonstance que le début de ces extraits mentionne à tort une " annexe 1 " inexistante n'est pas de nature à avoir induit en erreur les contribuables sur le champ des dépenses concernées, a fortiori alors que les extraits de la réponse aux observations du contribuable qui y sont repris précisent que cette annexe n'existe pas et comporte un nouveau tableau listant clairement ces dépenses. Il en va de même de la circonstance que l'administration ait notifié aux contribuables un montant de distribution supérieur à celui des dépenses finalement retenues, qui ne privait pas ces derniers de le relever dans leurs observations, ce qu'ils ont d'ailleurs fait et qui a conduit l'administration à abandonner la fraction des rehaussements correspondante. La proposition de rectification était ainsi suffisamment motivée et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 57 et R. 57 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

7. La méconnaissance par l'administration de son obligation, rappelée au point précédent, de communiquer au contribuable qui en a fait la demande les documents obtenus de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions demeure toutefois sans conséquence sur la régularité de la procédure d'imposition s'il est établi que le contribuable, après avoir formulé cette demande et avant la mise en recouvrement de ces impositions, a effectivement eu accès à ces mêmes documents.

8. Il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification du 17 août 2017 qu'il a adressée à M. D... et Mme C..., le service a informé ceux-ci de l'origine et de la teneur des informations obtenues dans le cadre de son droit de communication auprès des fournisseurs de la société JPB Développement, qui fondaient le rehaussement mis à leur charge au titre de l'année 2014. Dans leurs observations en réponse à cette proposition de rectification, en date du 17 octobre 2017, les contribuables ont sollicité la communication de l'ensemble des pièces obtenues par l'administration dans le cadre de son droit de communication.

9. Contrairement à ce que soutient le ministre, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard à la teneur des informations obtenues des fournisseurs de la société telles qu'elles apparaissent notamment sur le tableau mentionné en page 21 de la proposition de rectification adressée à M. D... et Mme C..., que ceux-ci auraient eu, à la date de leur demande, directement et effectivement accès à ces informations dans les mêmes conditions que l'administration, s'agissant en particulier des courriers de réponse de certains fournisseurs. Toutefois, s'il est constant que l'administration n'a pas adressé les documents demandés au domicile personnel de M. D... et Mme C..., elle justifie les avoir adressés au siège de la société le 11 décembre 2017 sous l'intitulé " M le gérant de la SARL JPB Développement ". Eu égard à la double circonstance que M. D... était le gérant et l'associé unique de la société et qu'il ne conteste pas avoir pu accéder librement aux documents concernés en cette qualité, ce que tend au contraire à confirmer l'introduction par ses soins, non démentie, d'une requête devant le tribunal administratif de Montpellier au nom de la société contestant la soumission de ces documents au débat oral et contradictoire, M. D... et Mme C... doivent être regardés comme ayant effectivement eu accès, antérieurement à la mise en recouvrement des impositions, à ces documents et n'ont, dès lors, pas été privés de la garantie prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 de ce code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

11. D'une part, pour remettre en cause la déduction de certaines dépenses portées en charges déclarées par la société JPB Développement, l'administration fiscale a considéré que ces dépenses devaient être regardées comme des dépenses personnelles de M. D.... Pour le justifier, elle verse d'abord au dossier un ensemble de factures de la société Demarets Aluminium, lesquelles portent sur la fourniture et la pose de l'intégralité des menuiseries en aluminium d'une maison d'habitation, ainsi qu'en témoignent les intitulés des pièces dans lesquelles elles ont été posées (entrée, cuisine, patio verrière, séjour sud, séjour nord, deux chambres, salle d'eau et garage). L'administration indique en outre, sans être contredite, que de tels aménagements n'étaient pas visibles au siège de la société, où ils étaient censés avoir été réalisés, et que cette dernière n'a apporté aucun justificatif de travaux dans ses locaux. Le service produit également un ensemble de factures et avoirs de la société Déménagement Cullell portant sur la location d'un garde-meuble de 40 m3 durant les mois de janvier à avril 2014 et sur le déchargement de son contenu le 23 avril 2014 au domicile personnel de M. D... et Mme C... à Saint-Gély-du-Fesc, des factures des sociétés RBC Logistic, Champagne Billecart-Salmon et Environnement Bois indiquant des livraisons et interventions au domicile personnel des intéressés et un courrier de la société Atelier du parquet mentionnant que la livraison des biens facturés a été effectuée à cette adresse. En se bornant à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve du bien-fondé des rehaussements, les contribuables n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause ces constatations. Par suite, le service doit être regardé comme apportant la preuve du caractère personnel de ces dépenses.

12. D'autre part, en rejetant la déduction en charges de ces dépenses, l'administration les a réintégrées dans le bénéfice imposable de la société JPB Développement. Ces bénéfices désinvestis, n'ayant été ni mis en réserve, ni incorporés au capital de la société, constituaient donc des revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Dès lors, s'il était loisible à l'administration de fonder ces rehaussements, qui portent sur des sommes individualisées et identifiées, sur les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, cette circonstance ne faisait pas pour autant obstacle à ce que l'imposition en litige pût être fondée sur les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 de ce code.

13. En quatrième lieu, eu égard à la confirmation des rehaussements énoncée aux points précédents, M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les intérêts de retard et les pénalités mis à leur charge devraient être déchargés par voie de conséquence de l'irrégularité de ces rehaussements.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 et restant en litige.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. D... et Mme C... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de la cotisation supplémentaire de contributions sociales mises à la charge de M. D... et Mme C... au titre de l'année 2014, à hauteur de la somme de 18 520 euros dégrevée en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. D... et Mme C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et Mme A... C..., et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.

La rapporteure,

A. Fougères

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01069
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Aurore Fougères
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : AVODIA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;23tl01069 ?
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