Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2206370 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 novembre 2023 M. A..., représenté par Me Bautes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous besoin sous astreinte, ou, à titre subsidiaire, dans le même délai de quinze jours, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A... soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il séjourne en France depuis le 11 septembre 2017, qu'il s'y est marié le 25 août 2020 avec une ressortissante sénégalaise titulaire d'une carte de séjour temporaire ; s'il est en instance de divorce, il exerce, en vertu d'une ordonnance d'orientation et de mesures provisoires du 7 décembre 2021 du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Montpellier, conjointement avec son épouse, l'autorité parentale sur sa fille née le 7 août 2020 ; il contribue financièrement à l'entretien de son enfant par le versement d'argent, par l'achats de vêtements, de jouets et de matériel de puériculture ; il a par ailleurs tissé des liens amicaux en France ;
- le refus de séjour est par ailleurs entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il séjourne en France depuis cinq ans, qu'il y est particulièrement bien inséré professionnellement, disposant de bulletins de salaire pour la période de juillet 2020 à mai 2022 ; il dispose par ailleurs d'une promesse d'embauche du 14 octobre 2022 pour un poste d'employé polyvalent de cuisine.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de ce qu'elle aurait pour effet d'empêcher la poursuite de son insertion professionnelle en France alors qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche ; de plus, cette décision aurait pour effet de le séparer de sa fille ;
- les décisions attaquées portent atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il exerce l'autorité parentale sur sa fille et qu'une procédure de divorce est en cours, laquelle fixera ses droits au regard de son enfant ; sa présence est indispensable pour le bon développement de son enfant, et il doit pouvoir accéder au marché de l'emploi pour subvenir à ses besoins.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de M. A....
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 4 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant sénégalais né le 8 novembre 1991, est entré régulièrement en France, le 11 septembre 2017, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Il a bénéficié ultérieurement de titres de séjour en qualité d'étudiant, renouvelés jusqu'au 11 novembre 2020. M. A... a sollicité, le 3 juin 2022, son admission au séjour en qualité de travailleur salarié. Sa demande a fait l'objet d'une décision du 13 juillet 2022 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. M. A... relève appel du jugement du 9 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur le refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si M. A... a demandé un titre de séjour en qualité de travailleur salarié, le préfet de l'Hérault, dans l'arrêté en litige, a également examiné son droit au séjour en France au titre de la vie privée et familiale. Par suite, M. A... peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées à l'appui de sa contestation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé.
4. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiant jusqu'au 11 novembre 2020, il se trouvait, ainsi que le lui oppose la décision de refus de séjour du 13 juillet 2022, en situation irrégulière le 3 juin 2022, date à laquelle il a présenté sa demande d'admission au séjour au titre du travail, et démuni de visa de long séjour. S'il a certes séjourné régulièrement en France entre 2017 et 2020, c'est en qualité d'étudiant, laquelle ne lui donnait pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français.
5. M. A... se prévaut de son mariage, célébré en France le 25 août 2020, avec une compatriote titulaire d'un titre de séjour et de la naissance de sa fille le 27 août suivant. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le couple était en instance de divorce à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, si une ordonnance d'orientation et de mesures provisoires prise le 7 décembre 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Montpellier lui a attribué, conjointement avec son épouse, dont il était déjà séparé, l'autorité parentale sur sa fille, cette circonstance ne suffisait pas, à elle seule, à lui donner droit à l'attribution d'un titre de séjour. D'autant que le juge du tribunal judiciaire a relevé, dans sa décision, que M. A... était absent de la vie de l'enfant, et que son adresse n'était pas connue de la mère de celle-ci. Par ailleurs, si l'ordonnance d'orientation et de mesures provisoires du 7 décembre 2021 a fixé à 200 euros la contribution mensuelle de M. A... aux besoins de l'enfant, ce dernier n'établit pas plus en appel qu'en première instance, par les pièces qu'il produit, s'en acquitter auprès de la mère de l'enfant. Cette preuve n'est pas suffisamment apportée par les quelques factures produites au dossier dont il est allégué qu'elles correspondraient à des achats effectués au profit de l'enfant.
6. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour en litige n'a ni méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
8. Les circonstances selon lesquelles M. A... a travaillé entre juillet 2020 et mai 2022, ainsi qu'en témoignent les bulletins de salaires qu'il verse au dossier, et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche pour un poste d'employé polyvalent, cependant datée du 14 octobre 2022 et donc postérieure à la décision attaquée, ne sont pas suffisantes pour caractériser un motif exceptionnel d'admission au séjour. Dans ces conditions la décision contestée n'a pas manifestement méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, en l'absence d'illégalité du refus de séjour, le moyen invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, par voie d'exception d'illégalité du refus de titre, doit être écarté.
10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 5 du présent arrêt, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dispose : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Dès lors, ainsi qu'il est dit au point 5, que l'appelant ne justifie pas s'acquitter de la contribution financière à laquelle il est tenu et de l'effectivité des liens qui l'uniraient à sa fille, le préfet de l'Hérault ne peut être regardé comme ayant, en prenant l'obligation de quitter le territoire français en litige, méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL02548 2