Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2204185 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 octobre et 1er novembre 2023, M. A..., représenté par Me Ghiamama Mouelet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 novembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de l'intervention de cet arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car il est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché de plusieurs erreurs de fait ; l'intéressé n'était pas en situation irrégulière à la date de dépôt de sa demande de renouvellement dès lors qu'il a sollicité un rendez-vous en préfecture dans les deux mois qui ont précédé l'expiration de son titre de séjour ; l'attestation de stage produite par l'intéressé concerne à la fois son parcours d'étudiant à l'Institut des Hautes Etudes de Management du Maroc et à l'université Lyon III, dans le cadre d'un double diplôme ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que la demande de renouvellement de titre de séjour n'est pas irrecevable du seul fait qu'elle a été présentée tardivement, en vertu des dispositions de l'article L. 436-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 5 juillet 2023, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par ordonnance du 22 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mars 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant du Maroc, né le 15 octobre 1995, est entré en France le 28 août 2020 muni d'un visa étudiant valable du 15 mars 2020 au 15 octobre 2020. L'intéressé a, par la suite, obtenu un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable du 10 novembre 2020 au 9 novembre 2021. Après avoir obtenu un master en droit, économie gestion mention finance au titre de l'année scolaire 2018-2019, M. A... a demandé un titre de séjour mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ". Par un arrêté du 22 février 2022, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. M. A... relève appel du jugement du 4 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral précité.
3. Aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie soit avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret (...) se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur ; 2° Il justifie d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " Si l'étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants : / 1° L'étranger qui dispose d'un document de séjour mentionné aux 2° à 8° de l'article L. 411-1 présente sa demande de titre de séjour entre le cent-vingtième jour et le soixantième jour qui précède l'expiration de ce document de séjour lorsque sa demande porte sur un titre de séjour figurant dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2. Lorsque sa demande porte sur un titre ne figurant pas dans cette liste, il présente sa demande dans le courant des deux mois précédent l'expiration du document dont il est titulaire ; (...) ". Aux termes de l'arrêté du 30 avril 2021 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance, hors Nouvelle-Calédonie, des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit présenter un : " (...) un diplôme de grade au moins équivalent au master ou diplômes de niveau I labellisés par la Conférence des grandes écoles ou diplôme de licence professionnelle obtenu dans l'année dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national ou attestation de réussite définitive au diplôme (...) ".
4. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault s'est fondé, d'une part, sur la circonstance que M. A... n'avait pas déposé de demande de titre de séjour dans les délais prescrits par les dispositions précitées de l'article R. 431-5 du même code dès lors que la dernière autorisation de séjour dont il était titulaire était arrivée à expiration le 9 novembre 2021 et, d'autre part, sur la circonstance que le diplôme de Master II qu'il présentait avait été obtenu le 10 juillet 2020, soit plus d'un an avant qu'il ne formule sa demande de titre de séjour.
5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, le 11 octobre 2021, M. A... a adressé un courriel aux services de la préfecture de l'Hérault afin d'obtenir un rendez-vous en relatant les difficultés rencontrées pour en obtenir un sur la plateforme en ligne dédiée. Par courriel en réponse du 18 octobre 2021, les services préfectoraux lui ont rappelé l'obligation de prendre un rendez-vous via cette plateforme dès lors que son titre était en cours de validité. Toutefois, l'intéressé a, à nouveau, fait part des difficultés qu'il rencontrait par deux courriels en date du 19 octobre 2021 et du 9 novembre 2021. Par un courriel en date du 25 novembre 2021, l'intéressé précise s'être présenté directement au guichet du service des étrangers de la préfecture de l'Hérault et avoir été dirigé vers un autre site internet de la préfecture. Par un courriel en date du 14 janvier 2022, M. A... a été invité à formuler une demande de renouvellement de titre " étudiant " avec la mention " étudiant en recherche d'emploi ". Alors que la préfecture ne fait valoir aucun élément établissant qu'elle avait mis à sa disposition une solution de substitution destinée à répondre au cas où, alors même qu'un étranger aurait préalablement accompli toutes les diligences qui lui incombent, l'intéressé se trouverait dans l'impossibilité d'utiliser la plate-forme de rendez-vous, M. A... établit par les pièces qu'il produit avoir engagé des démarches en temps utile afin de déposer son dossier avant l'expiration de son titre de séjour.
6. En outre, si les dispositions de l'arrêté du 30 avril 2021 citées au point 3 exigent que la demande de titre soit présentée dans l'année qui suit la délivrance matérielle du diplôme, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la plaquette de présentation produite pour la première fois en appel, que la formation suivie par M. A... conduit à l'obtention d'un double diplôme " Master II Finance " délivré conjointement par l'Institut des Hautes Etudes de Management du Maroc et par l'Institut d'administration des entreprises de l'Université Jean Moulin Lyon III et que sa validation est subordonnée à la réalisation d'un stage de spécialité de 16 semaines au cours du second semestre de la deuxième année de master. Il ressort également des pièces du dossier que l'appelant, qui a obtenu son diplôme par anticipation le 10 juillet 2020 en raison du contexte sanitaire, a effectué un stage auprès de la chambre du commerce et de l'industrie de Seine-et-Marne du 7 août 2020 au 12 mars 2021, représentant une durée totale de 27 semaines. Dès lors que la réalisation de ce stage constitue une condition d'obtention du Master II Finance délivré par les deux instituts de formation précités, M. A... doit être regardé comme ayant effectivement validé son double diplôme au cours de l'année 2021. Dans ces conditions, l'appelant ayant entamé les démarches administratives pour obtenir son titre de séjour à la fin de l'année 2021, c'est à tort que le préfet a rejeté la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé pour tardiveté.
7. Il s'ensuit que M. A... est fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande, le préfet de l'Hérault a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision de refus de titre de séjour du 22 février 2022 doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision portant fixation du pays de destination.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, y compris ceux qui sont relatifs à la régularité du jugement, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur l'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui remettre sous quinze jours une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
11. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 de la loi relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Ghiamama Mouelet au titre des frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 22 février 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et le jugement n° 2204185 du tribunal administratif de Montpellier du 4 novembre 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise, sous quinze jours, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera à Me Ghiamama Mouelet la somme de 1 200 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Dieudonné Michel Ghiamama Mouelet et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
Mme Fougères, première conseillère,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
L'assesseure,
A. Fougères
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02455