Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Me Olivier Benoît, liquidateur judiciaire de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Belycar, a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2017.
Par ordonnance du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis la demande de Me Benoît, liquidateur judiciaire de la société Belycar, au tribunal administratif de Nîmes en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2021152 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 février 2023, Me Benoît, liquidateur judiciaire de la société Belycar, représenté par Me Gasquet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 décembre 2022 ;
2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière au regard de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration n'a pas entièrement donné suite à sa demande de communication en ne lui adressant pas les pièces des procédures de rectification concernant ses fournisseurs ;
- la procédure d'imposition est irrégulière au regard de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle est entachée d'un abus de droit rampant ;
- l'administration ne démontre pas que la mention de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge figurant sur les factures de ses fournisseurs est erronée dès lors que la seule circonstance que les premiers propriétaires étaient des sociétés allemandes de location de véhicules ne suffit pas à établir que la vente de ces véhicules a donné lieu à déduction de taxe sur la valeur ajoutée ;
- il n'est pas davantage démontré qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle participait à un système de fraude dès lors qu'aucun des indices relevés par l'administration n'est susceptible de révéler sa connaissance du régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux véhicules acquis auprès de ses fournisseurs français ;
- la position de l'administration aboutit, en méconnaissance du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, à une situation de double taxation, la taxe sur la valeur ajoutée d'amont doit donc être admise en déduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mise en recouvrement à son encontre ;
- l'application de la majoration de 80 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée dès lors que son intention frauduleuse n'est pas démontrée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par Me Benoît, liquidateur judiciaire de la société Belycar, ne sont pas fondés ;
- dans le cas où la majoration de 80 % pour manœuvre frauduleuse ne serait pas retenue, il convient de lui substituer celle de 40 % prévue en cas de manquement délibéré.
Une ordonnance du 5 juillet 2024 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chalbos,
- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Belycar, qui exerce une activité de commerce de voitures à Venerque (Haute-Garonne), a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 2 avril 2019 du tribunal de commerce de Toulouse. Elle a fait l'objet d'une procédure de visite et de saisie prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ainsi que d'une vérification de comptabilité au cours de laquelle l'administration fiscale a remis en cause le régime de la taxation de la valeur ajoutée sur la marge, appliqué sur les ventes à ses clients de véhicules d'occasion d'origine allemande, achetés auprès de revendeurs français. Les rappels envisagés par le service en matière de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés, s'agissant de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, par une proposition de rectification du 18 décembre 2017, et s'agissant de la période du 1er janvier 2015 au 30 juin 2017, par une proposition de rectification du 19 juillet 2018. Les droits de taxe sur la valeur ajoutée correspondants, assortis d'une majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses, ont été mis en recouvrement le 31 janvier 2019 et ont été contestés en vain auprès de l'administration fiscale par le liquidateur judiciaire de la société Belycar, qui en a demandé la décharge au tribunal administratif de Toulouse. Il fait appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel le tribunal de Nîmes, à qui l'affaire avait été transmise, a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.
4. Il ressort des termes des demandes adressées par la société Belycar les 15 février et 10 septembre 2018 que celle-ci a sollicité la communication de l'intégralité des documents obtenus par l'administration à la suite de l'exercice de son droit de communication. Il a été donné suite à cette demande par la communication de ces éléments par courrier du 8 novembre 2018. En revanche, les pièces se rapportant aux procédures de rectification des différents fournisseurs de la société Belycar n'ayant pas été obtenues par l'administration par l'exercice de son droit de communication, elles n'entraient pas dans le champ de la demande telle que formulée sans ambiguïté par la société sur le fondement de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. L'appelant ne peut par suite utilement faire grief à l'administration fiscale de ne pas lui avoir communiqué des pièces que la société n'a pas demandées. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit donc être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles (...) ".
6. Pour remettre en cause le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliqué aux véhicules acquis par la société Belycar auprès de ses fournisseurs, lesquels se fournissent eux-mêmes auprès de sociétés allemandes, l'administration fiscale s'est fondée sur divers éléments la conduisant à estimer que ces véhicules avaient été initialement acquis par les fournisseurs sous le régime des livraisons intra-communautaires exonérées et que la société Belycar ne pouvait ignorer qu'elle ne pouvait appliquer le régime de taxation sur la marge. Ce faisant, le service n'a remis en cause ni l'existence même des fournisseurs, ni la réalité des contrats conclus ou des factures établies par ces derniers, dont il n'a pas davantage considéré qu'ils auraient été conclus dans un but exclusif d'éluder ou d'atténuer l'impôt. Il a en revanche seulement entendu donner à ces actes et à la relation entre la société Belycar et ses fournisseurs ainsi que les précédents propriétaires des véhicules, une qualification différente de celle adoptée par cette société. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait implicitement mais nécessairement invoqué un abus de droit et que les impositions en litige auraient été établies à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des garanties de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée :
7. En premier lieu, aux termes du 2° bis de l'article 256 bis du code général des impôts : " Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'État membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet État prises pour la mise en œuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ". Enfin, aux termes de l'article 297 E de ce code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".
8. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre État membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E de ce code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Il en est de même lorsque le bien est acquis auprès d'un fournisseur situé en France et dont le fournisseur est situé quant à lui dans un autre État membre. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.
9. Il est constant que la société Belycar a acquis des véhicules en provenance d'Allemagne par l'intermédiaire de fournisseurs français qui établissaient des factures mentionnant l'application du régime de la marge.
10. D'une part, il résulte des termes des propositions de rectification du 18 décembre 2017 et du 19 juillet 2018 que, pour démontrer le caractère erroné de ces mentions, l'administration ne s'est pas fondée, contrairement à ce que soutient l'appelant, sur la seule circonstance que les précédents propriétaires des véhicules étaient des sociétés allemandes, professionnelles de l'automobile et assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, susceptibles, compte tenu de la législation de leur État membre, d'avoir procédé à la récupération de la taxe en amont lors de l'acquisition ou de la construction de ces véhicules. Outre un tel indice, dont elle pouvait pertinemment tenir compte, l'administration fiscale s'est fondée sur les résultats des différentes vérifications de comptabilité diligentées auprès de chacun des fournisseurs français de la société Belycar, au cours desquelles il est apparu que ceux-ci revendaient des véhicules suivant le régime de la taxation sur la marge alors qu'ils avaient été acquis à leurs précédents propriétaires suivant le régime des livraisons intracommunautaires. Un tel constat est résulté, selon les fournisseurs, tant de la comparaison du montant de leurs acquisitions avec celui des livraisons intracommunautaires déclaré par leurs propres fournisseurs, que de la consultation de certains documents tels que des factures d'achat des véhicules par les fournisseurs de la société Belycar, obtenus par le service notamment dans le cadre d'une assistance administrative internationale ainsi que de son droit de communication. Il est également apparu, chez certains fournisseurs de la société Belycar, l'émission d'un double jeu de factures, les originales révélant des acquisitions de véhicules avec une taxe sur la valeur ajoutée appliquée sur le prix total. Ainsi, l'administration établit suffisamment le caractère inexact des mentions portées sur les factures émises par les fournisseurs de la société Belycar.
11. D'autre part, il résulte de l'instruction que les véhicules revendus par la société Belycar à ses clients font l'objet d'une recherche effectuée directement par sa gérante sur les sites de véhicules étrangers, ses fournisseurs français ne disposant quant à eux pas de site Internet permettant de présenter les véhicules. La société a ainsi accès aux annonces des propriétaires allemands et est informée des caractéristiques et de l'origine des véhicules qu'elle acquiert. Il résulte d'ailleurs des copies d'annonces annexées à la proposition de rectification du 18 décembre 2017 que celles-ci font apparaître un montant de taxe sur la valeur ajoutée appliquée sur le prix total du véhicule. Il résulte encore de l'instruction que la société procède au règlement complet des véhicules avant leur mise à disposition, ses fournisseurs n'achetant les véhicules que postérieurement et n'effectuant aucune avance de trésorerie. Il est également apparu, au cours du contrôle, que la société disposait sur son ordinateur de bons de commande, de factures ou encore de certificats de cession sous format éditable, au nom et à la signature de certains de ses fournisseurs, lui permettant ainsi d'établir elle-même ces documents. Le service a d'ailleurs pu constater, dans plusieurs dossiers de ventes, des confusions entre les divers documents, ceux-ci émanant parfois, pour une même opération, de fournisseurs différents. Enfin, les opérations de contrôle ont permis de révéler que la société assurait parfois directement le transport des véhicules depuis l'Allemagne jusqu'à ses clients, ses fournisseurs ne disposant quant à eux d'aucun lieu de stockage ou de préparation des véhicules avant leur livraison. Il apparaît dans ces conditions que les fournisseurs français de la société se bornaient à assurer un rôle formel de facturier. L'administration fiscale démontre, au vu de ces différents indices, et alors qu'il résulte de l'instruction que la société Belycar, professionnelle du négoce de véhicule d'occasion, était informée des règles applicables à son secteur, ce d'autant qu'elle a déjà fait l'objet d'un précédent contrôle au cours duquel le régime de taxation sur la marge avait été remis en cause, que la société savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients. Il s'ensuit qu'elle était fondée à remettre en cause l'application du régime d'imposition à la marge appliqué à ces véhicules.
12. En second lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ".
13. L'appelant fait valoir qu'en vertu du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, le montant des rappels de la taxe collectée sur la revente, par ses soins, des véhicules achetés auprès de ses fournisseurs établis en France devait être minoré du montant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée dont ces fournisseurs ont dû faire l'objet à raison des ventes de véhicules, laquelle constitue pour la société une taxe d'amont déductible.
14. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés françaises, fournisseurs de la société Belycar, auraient fait l'objet d'un rappel au titre de la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait dû être collectée sur les ventes de véhicules effectuées au profit de la requérante, et il n'est pas établi que la société Belycar aurait effectivement supporté cette taxe dont elle revendique la déduction. Il suit de là que l'appelant n'est pas fondé à obtenir la déduction dont il réclame le bénéfice.
En ce qui concerne les pénalités :
15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".
16. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée.
17. Pour justifier l'application de la majoration pour manœuvres frauduleuses, l'administration fiscale relève notamment que la société Belycar a eu recours, de façon systématique et en toute connaissance de cause, à des fournisseurs français jouant le rôle d'officines de facturation ayant pour objet de s'insérer entre elle et les fournisseurs allemands afin d'acquérir d'importants volumes de véhicules selon le régime des livraisons intracommunautaires et les revendre frauduleusement selon le régime de la marge. Elle relève également que ce faisant, la société Belycar a continué à s'approvisionner auprès de sociétés allemandes, ainsi qu'elle le faisait déjà au titre d'exercices antérieurs ayant donné lieu à un contrôle au cours duquel le service avait remis en cause le régime de taxation sur la marge alors appliqué à ses ventes. De tels éléments sont insuffisants pour caractériser l'existence d'agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration. L'appelant est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a assorti les rappels litigieux de la majoration de 80 % prévue par les dispositions citées au point 15.
18. Les éléments relevés par l'administration fiscale et énoncés au point précédent sont en revanche de nature à établir l'existence de manquements délibérés au sens du a de l'article 1729 du code général des impôts, et justifient l'application de la majoration de 40 % que ces dispositions instituent. Dès lors que celle-ci ne prive le contribuable d'aucune garantie, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de base légale sollicitée en défense, et de substituer à la majoration de 80 % prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts celle de 40 % prévue au a du même article.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Belycar est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes n'a pas fait partiellement droit à sa demande de décharge des pénalités mises à sa charge.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Il est substitué à la majoration de 80 % prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts celle de 40 % prévue au a du même article.
Article 2 : La société Belycar est déchargée de la différence entre la majoration de 80 % qui lui a été appliquée et celle de 40 % qui lui était applicable.
Article 3 : Le jugement n° 2021152 du 30 décembre 2022 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Me Benoît, liquidateur judiciaire de la société Belycar, est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me Olivier Benoît, liquidateur judiciaire de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Belycar et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-BèthbéderLe greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00330