Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes respectivement enregistrées sous le n° 2301384 et le n° 2301385, M. A... B... et Mme E... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 30 décembre 2022 par lesquels le préfet des Pyrénées-Orientales leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n°s 2301384 - 2301385 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2024, M. A... B... et Mme E... épouse B..., représentés par Me Summerfield, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juin 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler les arrêtés du 30 décembre 2022 par lesquels le préfet des Pyrénées-Orientales leur refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de saisir la commission du titre de séjour de leur demande d'admission exceptionnelle au séjour et, dans l'attente, de les munir d'une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à leur conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :
- elles ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elles méconnaissent l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elles emportent sur leur situation personnelle.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi :
- elles sont illégales en raison de l'illégalité entachant les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Par deux mémoires en défense, tous enregistrés le 22 février 2024 à 12h38 et 12h42, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 18 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 10 décembre 2024 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 20 décembre 2023. La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme C... épouse B... a été rejetée par une décision du même jour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants arméniens, respectivement nés le 15 juin 1958 et le 11 février 1962, déclarent être entrés en France, le 11 décembre 2012, en vue de rejoindre leur fils et y solliciter l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 décembre 2013. Les recours formés contre ces décisions ont été rejetés par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 6 juin 2014. Le 18 février 2015, M. B... a également sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Par deux arrêtés du 11 mai 2017, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a refusé, ainsi qu'à son épouse, la délivrance d'un titre de séjour et édicté une mesure d'éloignement à leur encontre. Par un jugement rendu le 3 octobre 2017 sous le n° 1702729, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2017. Mais par un autre jugement rendu le même jour sous le n° 1702728, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 11 mai 2017 édicté à l'encontre de M. B... au motif qu'il n'était pas établi que ce dernier était dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. En exécution de ce jugement lui prescrivant de réexaminer la demande de titre de séjour dont il avait été saisi, le préfet des Pyrénées-Orientales a, par un arrêté du 13 mai 2019, refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé et édicté une mesure d'éloignement à son encontre. Par un jugement n° 1904044 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le recours formé par M. B... contre cet arrêté.
2. Le 19 octobre 2021, M. et Mme B... ont sollicité leur admission exceptionnelle au séjour en se prévalant, cette fois-ci, de leurs liens privés et familiaux en France. Par deux arrêtés du 30 décembre 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de M. et Mme B... tendant à l'annulation de ces arrêtés. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.
Sur les décisions portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
4. M. et Mme B... se prévalent leur entrée en France au cours de l'année 2012 et de la présence de leur fils et de sa compagne ainsi que celle de leurs trois petits-enfants dont deux y sont scolarisés. Ils se prévalent également de leur insertion sociale au sein de leur commune et de leur engagement associatif. Toutefois, les appelants ne produisent, pas plus en première instance qu'en appel, d'élément précis et circonstancié de nature à caractériser l'ancienneté, la stabilité et l'intensité des liens privés et familiaux qu'ils auraient développés en France au regard de ceux conservés dans leur pays d'origine qu'ils ont respectivement quitté à l'âge de 54 ans et de 50 ans et dans lequel ils ont ainsi passé l'essentiel de leur existence. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... vivent en France de manière précaire et isolée et s'y maintiennent en dépit du rejet définitif de leurs demandes de protection internationale par les autorités compétentes en matière d'asile ainsi qu'il a été dit au point 1 en 2013 et en 2014. En outre, ils ne font état d'aucun motif exceptionnel ou humanitaire particulier de nature à justifier leur admission exceptionnelle au séjour tandis que par un avis du 27 mars 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier d'un traitement approprié et y voyager sans risque. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... n'ont pas déféré à de précédentes obligations de quitter le territoire français édictées par des arrêtés du préfet des Pyrénées-Orientales du 11 mai 2017 et du 13 mai 2019 tandis que les recours formés contre ces mesures d'éloignement ont été rejetés par deux jugements du tribunal administratif de Montpellier n° 1702729 du 3 octobre 2017 et n° 1904044 du 17 octobre 2019. Il en résulte que la durée de présence en France dont se prévalent les appelants est uniquement inhérente au délai d'instruction de leurs demandes de protection internationale, à la demande de titre de séjour pour raisons de santé présentée par M. B... et à leur refus de déférer à de précédentes mesures d'éloignement. Outre que les décisions en litige n'ont pas, par elles-mêmes, pour objet ou pour effet de séparer M. et Mme B..., il ressort des pièces du dossier que leur fils et sa compagne font également l'objet d'une mesure d'éloignement édictée de manière concomitante, de sorte qu'il n'existe aucun obstacle à la reconstitution de l'ensemble de la cellule familiale en Arménie, pays dont les appelants et leur famille possèdent la nationalité, où leurs petits-enfants pourront, compte-tenu de leur âge, poursuivre leur scolarité. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée et du maintien de M. et Mme B... sur le territoire français et en l'absence de motifs exceptionnels particuliers, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas, en leur refusant la délivrance d'un titre de séjour porté au droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu pas les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle des appelants.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1 ° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Aux termes des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du même code : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels ces dispositions renvoient.
7. M. et Mme B... qui déclarent, sans toutefois l'établir, être entrés sur le territoire français le 11 décembre 2012, se prévalent d'une présence en France depuis plus de dix ans. Outre que les appelants ne produisent pas la copie intégrale de leur passeport lequel permettrait d'établir s'ils n'ont pas quitté le territoire français au cours des dix années précédant leur demande d'admission exceptionnelle au séjour, les éléments dont ils se prévalent, en particulier la procédure administrative et contentieuse relative à leur séjour et leur éloignement, l'attestation du maire de leur commune ainsi que les certificats de scolarité de leurs petits-enfants ne sont pas diversifiés et ne comportent aucun élément de domiciliation, ce qui permet d'en limiter la force probante. Ces justificatifs ne sont donc pas de nature à établir de manière certaine leur présence continue en France depuis plus de dix ans à la date des arrêtés en litige. Dans ces conditions, dès lors que M. et Mme B... ne démontrent pas totaliser dix ans de résidence habituelle en France à la date de leur demande de titre de séjour, le préfet des Pyrénées-Orientales n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a écarté le vice de procédure allégué.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi :
8. L'illégalité de la décision par laquelle le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. et Mme B... n'étant pas établie, ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 7 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient, par voie de conséquence, illégales, ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Pyrénées-Orientales du 30 décembre 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme E... épouse B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24TL00178