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10/04/2025 | FRANCE | N°24TL03126

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 10 avril 2025, 24TL03126


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions du 30 mai 2024 par lesquelles le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2404599 du 11 octobre 2024, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requ

ête, enregistrée le 16 décembre 2024, M. D..., représenté par Me Ducos-Mortreuil, demande à la cour :



1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions du 30 mai 2024 par lesquelles le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2404599 du 11 octobre 2024, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2024, M. D..., représenté par Me Ducos-Mortreuil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 octobre 2024 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler les décisions du 30 mai 2024 par lesquelles le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, et à défaut de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de se prononcer sur les moyens relatifs à la légalité externe soulevé devant le tribunal ;

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 et l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation et des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2025, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 29 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, relative à la circulation et au séjour des personnes, signée le 2 décembre 1992 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant gabonais né le 2 mai 2000, est entré en France le 15 octobre 2020 muni d'un passeport revêtu d'un visa long séjour portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 9 octobre 2021. À compter du 5 juillet 2022, il a bénéficié d'une carte de séjour pluriannuelle puis d'une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 9 décembre 2023. Le 5 décembre 2023, M. D... a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour temporaire. Par un arrêté en date du 30 mai 2024, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

2. M. D... relève appel du jugement du 11 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance et des visas eux-mêmes du jugement attaqué, que M. D... avait saisi le tribunal d'un moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées et d'un moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de celles-ci. Cependant, les premiers juges ont omis de se prononcer sur ces moyens. Il suit de là que le jugement est irrégulier et doit être annulé.

4. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. D... dirigées contre l'arrêté du 30 mai 2024 et présentées devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté attaqué :

5. En premier lieu, par un arrêté en date du 12 février 2024, régulièrement publié, le même jour, au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la Haute-Garonne, le préfet de ce département a donné délégation à Mme A... B..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les décisions prises en matière d'éloignement des étrangers en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

6. En second lieu, l'arrêté en litige vise, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, relative à la circulation et au séjour des personnes, signée le 2 décembre 1992 et fait mention des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application. Il précise, notamment, que l'intéressé, entré régulièrement en France, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant mais qu'il ne justifie pas du caractère réel et sérieux de ses études, qu'il est célibataire et sans charge de famille et que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas anciens, intenses et stables. L'arrêté indique, en outre, qu'il n'est fait état d'aucune circonstance justifiant qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours soit accordé et que M. D... n'allègue pas être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté attaqué :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 : " Les ressortissants de chacune des Parties contractantes désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants (...) ". Aux termes de l'article 12 de la même convention : " Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ". Enfin, l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ".

8. Pour l'application des stipulations de l'article 9 de l'accord franco-gabonais, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant, d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études effectivement poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.

9. Le préfet de la Haute-Garonne a rejeté la demande de renouvellement du titre de séjour de l'intéressé, au motif qu'il avait échoué en première année de licence de lettres modernes puis de droit, à l'issue des années universitaires 2020/2021, 2021/2022 et 2022/2023. Ces échecs ne sont pas contestés par M. D..., qui indique s'être réorienté à compter de l'année universitaire 2023/2024 en BTS Management commercial opérationnel à l'institut privé EBM Business school sans pour autant justifier de la cohérence de son parcours. S'il a produit son relevé de notes pour la période du 1er mars au 14 juillet 2024, qui révèle qu'il a obtenu une moyenne annuelle de 10,28/20, ce relevé, qui ne concerne qu'une seule partie de l'année scolaire, fait aussi état de 58 heures d'absence sur la période de quatre mois et demi sur laquelle il porte et ne permet pas d'établir une quelconque progression de l'intéressé. En outre, à la date de l'arrêté attaqué, M. D... n'était titulaire d'aucun diplôme en dépit de près de quatre années de présence sur le territoire français. S'il produit également son contrat d'apprentissage valable du 8 mars 2024 au 29 août 2025, ainsi qu'une attestation de son employeur qui fait état de son professionnalisme, de sa rigueur et de sa ponctualité, ces seuls éléments ne peuvent établir la réalité et le sérieux de ses études. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 et L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, celui tiré de l'existence d'une erreur d'appréciation de sa situation doit l'être également.

10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision relative au séjour ne peut qu'être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. L'appelant, célibataire et sans charge de famille et entré en France en 2020 à l'âge de 20 ans, fait valoir qu'il y a développé de nombreux liens personnels intenses et stables avec ses camarades d'étude et collègues de travail, mais n'en justifie pas. S'il a fait l'objet d'une adoption simple par une de ses tantes, de nationalité française, en l'absence de tout autre élément de nature à justifier de l'intensité et de la stabilité des liens qu'il entretiendrait avec sa tante, et dès lors qu'une adoption simple n'est pas de nature à rompre les liens de filiation existant entre le requérant et ses parents biologiques, cette circonstance ne permet pas d'établir qu'il aurait développé des liens d'une particulière intensité sur le territoire français. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. En quatrième et dernier lieu, il s'évince de ce qui vient d'être exposé que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 30 mai 2024. Par voie de conséquence, tant ses conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que celles à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 octobre 2024 est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. D... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2025.

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

Le président-assesseur,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24TL03126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24TL03126
Date de la décision : 10/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Eric Rey-Bèthbéder
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-10;24tl03126 ?
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