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10/04/2025 | FRANCE | N°23TL02395

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 10 avril 2025, 23TL02395


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux recours distincts, d'annuler, d'une part, la décision implicite de refus de la préfète du Gard, née du silence gardé pendant quatre mois sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour, et, d'autre part, l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel cette préfète lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le p

ays de destination.



Par un jugement nos 2200874, 2300229 du 18 avril 2023, le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux recours distincts, d'annuler, d'une part, la décision implicite de refus de la préfète du Gard, née du silence gardé pendant quatre mois sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour, et, d'autre part, l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel cette préfète lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 2200874, 2300229 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Mazas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 avril 2023 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler, d'une part, la décision implicite de refus de la préfète du Gard, née du silence gardé pendant quatre mois sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour, et, d'autre part, l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel cette préfète lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Gard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a estimé que l'arrêté s'était substitué à la décision implicite de rejet ;

- il est également irrégulier en ce qu'il ne motive pas suffisamment sa réponse aux moyens tirés de l'absence de convocation devant la commission du titre de séjour et de l'existence de motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- ces décisions sont illégales faute pour le préfet de l'avoir convoqué lors de la réunion de la commission du titre de séjour ;

- les décisions litigieuses sont illégales en l'absence d'examen particulier de sa situation par la préfète ;

- elles méconnaissent les articles L. 421-5 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2024, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 2 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité marocaine, né le 1er mars 1995, a présenté, le 23 juillet 2021, sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande d'admission exceptionnelle au séjour. En l'absence de réponse de la préfète du Gard dans un délai de quatre mois, une décision implicite de refus est née le 23 novembre 2021. Puis, par un arrêté en date du 24 octobre 2022, cette même autorité a explicitement refusé la délivrance à M. B... d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

2. M. B... relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision implicite et de l'arrêté précités.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, c'est à bon droit que les premiers juges ont regardé la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de délivrance d'un titre de séjour comme dirigée à l'encontre de l'arrêté du 24 octobre 2022 refusant expressément cette délivrance, cet arrêté s'étant substitué à la décision implicite.

4. En second lieu et contrairement à ce que soutient l'appelant, les premiers juges ont exposé, de manière suffisamment détaillée, les motifs pour lesquels ils ont écarté les moyens tirés, d'une part, de l'absence de convocation devant la commission du titre de séjour et, d'autre part, de l'existence de motifs exceptionnels d'admission au séjour, respectivement au point 8 et aux points 10, 12 et 16 du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, l'appelant reprend devant la cour les moyens tirés de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté litigieux, de l'absence de convocation devant la commission du titre de séjour et du défaut d'examen sérieux de sa situation, sans assortir ces moyens d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur / profession libérale " (...) ".

7. La préfète du Gard a également refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... sur le fondement de l'article L. 421-5 précité aux motifs, d'une part, que l'intéressé avait, à plusieurs reprises, dérogé à la réglementation en matière du droit du travail, et, d'autre part, qu'il ne produisait, s'agissant de la création de son entreprise, que quelques factures d'achat de graines et ne démontrait pas la viabilité économique de son projet. Si l'appelant soutient vivre de son activité agricole, les seules pièces produites au dossier, notamment celles établissant son affiliation à la mutualité sociale agricole, ne permettent pas de démontrer en quoi son activité serait économiquement viable. Par ailleurs, en se bornant à soutenir que l'autorité préfectorale dispose d'un pouvoir discrétionnaire de régularisation, il n'établit pas que la préfète du Gard aurait méconnu sa propre compétence ni qu'elle aurait entaché d'erreur manifeste l'appréciation à laquelle elle s'est livrée de sa situation en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

9. Si l'appelant fait valoir qu'il est présent depuis plus de dix ans sur le territoire français, il est constant qu'il s'y est maintenu en situation irrégulière depuis une première mesure d'éloignement prononcée le 3 mars 2015, suivie d'une seconde, le 22 mai 2018, obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour de deux ans, dont il ne justifie pas qu'elle a été exécutée. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que sa femme, ainsi que ses trois enfants, vivent au Maroc. Par ailleurs, si l'appelant présente plusieurs contrats de travail à durée déterminée, certificats de travail et bulletins de salaires, ces pièces ne permettent pas de caractériser, à compter de 2015, et en raison du caractère ponctuel des activités exercées, une insertion professionnelle réelle. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et dès lors que l'intéressé ne justifie d'aucune intégration particulière, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision portant refus de séjour ne pouvait être regardée comme portant une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et que, par suite, la préfète du Gard n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

11. D'une part, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

12. D'autre part, en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'un titre portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels.

13. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment et notamment aux points 7 et 9, que les éléments dont l'appelant fait état ne permettent pas de caractériser en l'espèce des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels lui ouvrant droit au séjour au titre de sa vie privée et familiale. En conséquence, c'est à bon que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressé au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2025.

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

Le président-assesseur,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02395


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02395
Date de la décision : 10/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Eric Rey-Bèthbéder
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : CABINET D'AVOCAT MAZAS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-10;23tl02395 ?
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