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27/03/2025 | FRANCE | N°24TL02083

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 27 mars 2025, 24TL02083


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 mars 2024 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2401608 du 10 juillet 2024, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



I. Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2024 sous le n° 24TL02083, M. A..., représenté par Me Ahmed, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 mars 2024 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2401608 du 10 juillet 2024, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2024 sous le n° 24TL02083, M. A..., représenté par Me Ahmed, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 mars 2024 du préfet de Vaucluse ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du présent arrêt et de lui remettre, dans l'attente, un récépissé valant autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet ne l'a pas convoqué dans le cadre du réexamen de sa demande et n'a examiné ni sa demande, ni les pièces produites à la suite de l'annulation contentieuse d'un arrêté préfectoral de refus de titre de séjour du 20 juin 2023 ;

- le préfet ne l'a pas convoqué dans le cadre du réexamen de sa demande et n'a examiné ni sa demande, ni les pièces produites à la suite de l'annulation contentieuse d'un arrêté préfectoral de refus de titre de séjour du 20 juin 2023 ;

- le préfet, qui a appliqué de nouvelles dispositions législatives sans le mettre en mesure de s'expliquer, a méconnu le principe du contradictoire ;

- il n'a pas saisi la plateforme interrégionale de la main d'œuvre étrangère et ne lui a pas adressé le nouveau formulaire de demande d'admission exceptionnelle au séjour et d'autorisation de travail au titre des métiers en tension ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié est entaché d'erreurs de droit, dès lors que le préfet lui oppose à tort son entrée irrégulière sur le territoire national et l'absence de pénurie de main d'œuvre ;

- il est également entaché d'erreur de droit, dès lors que le préfet ne pouvait lui opposer l'irrégularité de son entrée, alors qu'il était titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " ;

- il remplit les conditions posées par la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de son intégration professionnelle et de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par une ordonnance du 30 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2024.

II. Par une requête, enregistrée le 5 août 2024 sous le n° 24TL02127, M. A..., représenté par Me Ahmed, demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2401608 du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Nîmes, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

2°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un récépissé valant autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente de l'arrêt au fond ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'exécution du jugement contesté est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables, dès lors qu'elle rend possible son éloignement, et que les moyens qu'il soulève présentent un caractère sérieux.

Par une ordonnance du 30 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- l'arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité marocaine, est entré en France le 15 juin 2017 muni d'un passeport revêtu d'un visa Transit Schengen à entrées multiples, portant la mention " travailleur saisonnier " et valable du 14 juin au 12 septembre 2017. Il a obtenu la même année une carte de séjour pluriannuelle portant la même mention, valable du 5 juillet 2017 au 4 juillet 2020. Il a déposé, le 7 mars 2023, une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ou au regard de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 20 juin 2023, la préfète de Vaucluse a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 28 novembre 2023 du tribunal administratif de Nîmes, qui a également enjoint le réexamen de la demande de M. A.... Par un nouvel arrêté du 21 mars 2024, le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête n° 24TL02083, M. A... fait appel du jugement du 10 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par la requête n° 24TL02127, il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

2. Les requêtes n° 24TL02083 et n° 24TL02127 présentées par M. A... étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 24TL02083 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nîmes a, aux points 2 et 3 du jugement attaqué, expressément répondu au moyen, soulevé par M. A..., tiré de ce que le préfet de Vaucluse n'aurait pas procédé au réexamen de l'ensemble de sa situation. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, le jugement du 28 novembre 2023 du tribunal administratif de Nîmes ayant annulé l'arrêté du 20 juin 2023, au motif qu'il était entaché de deux erreurs de droit en opposant la situation de l'emploi et l'absence de visa de long séjour à la demande de régularisation présentée par M. A..., l'autorité préfectorale devait à nouveau examiner la demande de ce dernier. À cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse, qui n'était tenu ni de procéder à la délivrance du titre de séjour sollicité, ni de convoquer l'intéressé pour recueillir ses observations, y compris sur les nouvelles dispositions législatives qu'il a appliquées, ne s'est pas livré à un nouvel examen particulier de l'ensemble de la situation de M. A.... L'arrêté contesté fait d'ailleurs référence à certaines des pièces que l'intéressé avait produites le 15 décembre 2023 et le 18 janvier 2024. Par ailleurs, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu le principe du contradictoire, faute de l'avoir mis en mesure de s'expliquer sur l'application de nouvelles dispositions législatives, désormais en vigueur, doit être écarté.

5. En deuxième lieu, le préfet de Vaucluse n'était tenu par aucun texte, alors même que M. A... lui avait directement transmis une demande d'autorisation de travail émanant de son employeur potentiel, de saisir pour avis la plateforme interrégionale de la main d'œuvre étrangère. Il n'était pas davantage tenu de lui adresser le nouveau " formulaire de demande d'admission exceptionnelle au séjour et d'autorisation de travail au titre des métiers en tension ". Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

6. En troisième lieu, M. A..., qui est né le 15 août 1979, déclare être entré en France pour la dernière fois en décembre 2019. Les pièces qu'il produit tendent à confirmer la continuité de son séjour sur le territoire national depuis cette date et, notamment, le mois de mai 2022, à compter duquel il a occupé de façon permanente un emploi manœuvre, ouvrier d'exécution, au sein d'une entreprise de pose de clôtures. Toutefois, M. A... est célibataire et sans charge de famille et ne justifie pas, en dépit du décès de son père, être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les seules circonstances que sa mère, quatre de ses frères et sœurs et certains de ses oncles ou cousins résident régulièrement en France et qu'il prétend y avoir fixé le centre de ses intérêts professionnels sont insuffisantes pour admettre que l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En quatrième lieu, il résulte des dispositions combinées des articles L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 421-34 du même code à compter du 1er mai 2021, L. 5221-2, R. 5221-24 et R. 5221-25 du code du travail, que, pour revenir en France après être retourné dans son pays d'origine, l'étranger détenteur d'une carte de séjour pluriannuelle en qualité de travailleur saisonnier doit présenter un contrat de travail saisonnier visé par le préfet ou une autorisation de travail. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse a retenu que la dernière preuve d'entrée de M. A... dans l'espace Schengen se situait le 9 décembre 2019. Si l'intéressé disposait, à cette date, d'une carte de séjour pluriannuelle portant la même mention " travailleur saisonnier ", il ne justifie pas que cette entrée sur le territoire aurait été effectuée pour l'exécution d'un contrat de travail saisonnier préalablement visé par l'autorité administrative ou d'une autorisation de travail. Dans ces conditions, le préfet n'a pas entaché son arrêté d'erreur de droit en retenant que son entrée était irrégulière.

8. En cinquième lieu, il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que le préfet de Vaucluse ne s'est pas tenu à l'entrée irrégulière de M. A... sur le territoire national pour rejeter sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par ailleurs, il pouvait à bon droit opposer, dans le cadre de l'examen de l'ensemble de la situation de l'intéressé et des caractéristiques de l'emploi concerné, la circonstance que ce dernier n'était pas caractérisé par des difficultés de recrutement ou ne figurait pas sur la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement. M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'en lui opposant ces conditions, le préfet aurait commis une erreur de droit.

9. En sixième lieu, M. A..., qui ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En dernier lieu, M. A... a présenté, à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, un contrat de travail à durée indéterminée établi le 1er février 2023 pour un emploi de manœuvre, ouvrier d'exécution, au sein d'une entreprise de pose de clôtures. Il se prévaut de ce qu'il a bénéficié, depuis 2017, de plusieurs contrats de travailleur saisonnier agricole, de ce qu'il a exercé l'emploi de manœuvre entre le 1er septembre et le 31 décembre 2017 et de ce qu'il occupe cet emploi de façon continue depuis le mois de mai 2022. Toutefois, il n'est pas établi que ce dernier métier connaîtrait une grave pénurie de main d'œuvre. Dans ces conditions et compte tenu des circonstances évoquées au point 6 du présent arrêt, aucun des éléments apportés par l'appelant n'est de nature à faire regarder la décision portant refus de titre de séjour comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

Sur la requête n° 24TL02127 :

12. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2401608 du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Nîmes, les conclusions de M. A... tendant au sursis à exécution de ce même jugement sont devenues sans objet. Il en est de même des conclusions, présentées dans la même requête, tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Vaucluse de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans l'attente de l'arrêt au fond.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 24TL02083 de M. A... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24TL02127 de M. A... tendant au sursis à exécution du jugement n° 2401608 du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Nîmes et au prononcé d'une injonction.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 24TL02127 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2025.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 24TL02083, 24TL02127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24TL02083
Date de la décision : 27/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : AHMED;AHMED;AHMED

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-27;24tl02083 ?
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